La réunion de Vienne et la promesse de la relance d'un mécanisme européen anti-sanction US a-t-elle réellement satisfait l'Iran? Un fond plafonné à un milliard d'euros (INSTEX) par l’intermédiaire duquel, des échanges extrêmement réduits, pourrait-il remplacer les transactions bancaires et la vente libre du pétrole iranien, comme l'avait promis l'accord sur le nucléaire (PGAC)? La réponse est bien claire : absolument pas. À Téhéran, les officiels affirment poursuivre le processus de réduction des engagements iraniens au titre du PGAC (Plan global d’action conjoint).
Une source bien informée au sein du ministère iranien des A.E. cité par le journal iranien Khorasan, a déclaré que les résultats de la réunion de la commission conjointe qui s'est tenue vendredi 28 juin à Vienne étaient loin de satisfaire les attentes iraniennes :
« La décision de l'Iran de réduire ses engagements au titre du PGAC est maintenue. Et dans ce sens, les réserves iraniennes d’uranium enrichi dépasseront instamment sous peu le seuil de 300 kilogrammes.
La décision iranienne n'est pas toutefois irréversible. La source précitée n'exclut pas qu’en cas de « la réalisation des attentes iraniennes dans les secteurs bancaire et pétrolier par l’Europe, l’Iran sera prêt à revenir sur les mesures de réduction de ses engagements et ce, suivant les clauses 26 et 36 de l’accord nucléaire ».
Mais la réunion de Vienne a-t-elle été un total échec? Les observateurs politiques n'iront pas jusqu'à là. Placé du côté européen de l'affaire, l'Iran, la Chine et la Russie ont réussi à tirer l'Europe de sa torpeur et à la pousser à réagir dans le sens de ses droits souverains qui cadrent si mal avec les sanctions extraterritoriales de Washington. "En 2015 l'Iran a permis à l'Europe de s'imposer à titre de force politique ayant un poids, une voix et un avenir. Plutôt qu'être dirigé contre l'Iran, le retrait des États-Unis de l'accord nucléaire a cherché à la briser et il l'a brisé effectivement. Par conséquent, l'Europe n'a qu'à passer encore par le chemin de l'Iran si elle veut se faire réhabiliter comme puissance souveraine, estime Hanif Ghafari, l'analyste des questions internationales.
« Après tout, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne n'ont aucun intérêt à suivre les États-Unis dans leur politique anti-iranienne qui tend à déboucher sur la guerre », ajoute l'analyste.
Mais la France et ses partenaires européens oseront-t-ils à emprunter la voix royale iranienne pour se tailler une marge de manœuvre en riposte à une politique intimement vassalisante et anti-européen de Washington?
À Osaka, Emmanuel Macron a jeté un pavé dans la mare en affirmant que même si l'Iran continuait à réduire ses engagements au titre du PGAC voire à quitter l'accord de 2015, « l'Europe n'avait pas l'intention de sanctionner immédiatement l'Iran ». C'est une tentative d'éloignement vis-à-vis des USA, certes timide, mais est à tenir en compte : « L’Europe n’a pas l’intention de suivre les États-Unis et d’imposer immédiatement des sanctions à l’Iran, même si Téhéran tient sa menace et viole l’accord nucléaire duquel s'est retiré le président Trump, l’année dernière », a déclaré le président français Emmanuel Macron qui se trouvait au Japon à l’occasion du sommet du G20.
M. Macron a déclaré lors d'une conférence de presse séparée que son objectif principal était « de désamorcer les tensions entre l'Iran et les États-Unis », mais qu'il partageait également « l'objectif de M. Trump d'empêcher l’Iran d'acquérir l'arme nucléaire ». Evidemment cette seconde partie de la phrase présidentielle renvoie à l'un des principaux points de divergence entre l'Iran et la France à savoir l'incompréhensible propension de Paris de vouloir sans cesse prêter à l'Iran l'intention qu'il n'a pas, c'est-à dire se doter de l'arme atomique. N'empêche que pour la première fois depuis le 6 juin où s'est tenue à l'occasion de l'anniversaire du débarquement, une scandaleuse manifestation de suivisme français envers les USA, Paris retrouve sa propre voix.
« L’Europe ne déclenchera pas de sanctions si l’Iran dépasse la limite des stocks d’uranium, parce que ce n’est pas ainsi que l’accord sur le nucléaire fonctionne. Ce que nous ferons dans un tel cas n'est pas de passer directement aux sanctions, mais d'agir précisément en conformité avec le traité que nous avons signé en 2015 », a déclaré Macron. « Et bien le traité veut surtout que la France revienne en force sur le marché iranien, que ses transactions bancaires et pétrolières reprennent et c'est cela qu'on aimerait pouvoir comprendre des propos du président français », commente Hanif Ghafari qui se réfère à la suite du discours de Macron quand il a dit : « Jusqu'à très récemment, les Iraniens, se conformant à tous les registres, se comportaient correctement, ils suivaient les règles. Maintenant, à cause de la multiplication des sanctions et des tensions, ils menacent de bouger légèrement différemment ».
« M. Macron a pris indirectement faits et causes de l'Iran dans un dangereux bras de fer USA/Iran qui risque de déboucher sur une confrontation militaire. C'est là une position qu'on connaît pas à la France depuis l'arrivée au pouvoir de Macron tout comme cette déclaration en faveur de la Russie avec qui le président a affirmé vouloir ouvrir un nouveau chapitre. Une chose est sûre : à Vienne une dynamique eurasiatique a vu le jour qui s'est traduit par un lien direct tissé entre l'Iran, la Chine, la Russie d'une part et l'Europe de l'autre. Le chemin d'un retour à la souveraineté française sur la scène internationale passera sans aucun doute par Téhéran », ajoute le politologue.