Ce qui sortira de l'enquête ouverte par les Émirats sur l'incident visant le dimanche 12 mai, de 7 à 10 pétroliers au large du port de "Fujaïrah" risque de changer beaucoup de choses dans la région du golfe Persique. On sait déjà que les Émirats ont refusé de confirmer aux premières heures de la matinée de dimanche l'incident avant de finir, sous pression des médias dits "proches de Téhéran" par reconnaître des "actes de sabotage" ayant ciblé 4 navires. Pourquoi ce retard? Des sources bien informées parlent déjà d'un "certain mouvement des capitaux" aux Émirats qui ressembleraient plus ou moins à une "fuite". D'autres sources relèvent la chute des indices boursiers arabes du golfe Persique, chute d'ordre 7% dans certains cas. En Arabie saoudite, l’indice Tadawul All-Share est en baisse de 1,8 % à 8.699 points, son niveau le plus bas depuis fin mars. L’indice de Dubaï, lui , a diminué de 0,5 %, sous l’effet de son principal prêteur, Emirates NBD, qui en a perdu 0,2 %. Le pétrole de Brent a gagné 1.27 dollars à la clôture dimanche s'établissant à 71.89 dollars le baril.
Les réactions ont été presque unanimes au sein de ce bloc de plus en plus fragile qu'on appelle "pays arabes du golfe Persique" : les Émirats s'inquiètent pour la "sécurité régionale" tandis que le ministre saoudien de l'énergie dénonce les "actes de sabotage" visant deux pétroliers saoudiens dans la zone économique exclusive des Émirats et affirmant que la charge de l'un des pétroliers était destiné à la filiale "américaine" d'ARAMCO. L'Égypte, la Jordanie et Bahreïn, ont adopté, eux aussi, pour le même discours qui renvoie à des "soucis sécuritaires" et à la nécessité de faire en sorte que cette sécurité "soit préservée".
Mais les explosions qui ont secoué Fujaïrah et que l'Iran a qualifiées de "préoccupantes" et dignes "d'être soumises à une enquête bien approfondie et propre à être rendue publique dans les détails", sont entourées de quelques zones d'ombre : comment se fait-il par exemple que de si vastes déflagrations puissent avoir lieu sans que les militaires américains et français largement présents dans des bases aux Émirats se doutent de quelque chose? Ou encore comment se fait-il que l'armée émiratie, en pleine guerre contre le Yémen et donc bien alerte sur le plan militaire, n'ait pu agir contre l'auteur ou les auteurs de l'incident? Mais il existe d'autres ambiguïtés : Selon la version émiratie, 4 pétroliers ont pris feu mais aucune victime ni perte n'est à déplorer. Les experts qui s'y connaissent, affirment pourtant que ce genre d'incident ne pourrait se produire sans qu'il y aient des dégâts à moins que les pétroliers eurent été évacués avant. Et puis il y a la réaction particulièrement paradoxale des Émiratis qui est allié du démenti, dans les premières heures suivant les explosions, aux suppositions plus calibrées le soir de l'incident. Vient ensuite la version saoudienne qui elle, évoque "une attaque" qui ne fait pas de victimes mais qui a visé "le pétrole destiné aux États-Unis".
Les Émirats arabes unis confirment que les navires ont été « sabotés » au large de ses côteshttps://t.co/FrKB7lOpPx pic.twitter.com/bXsyXula9S
— Press TV Français (@PresstvFr) May 13, 2019
Pour les analystes qui suivent de près les évolutions de ces trois dernières semaines dans le golfe Persique, le scénario comporte des éléments qui ne tournent pas rond : les explosions de Fujaïrah interviennent à peine dix jours après le tweet incendiaire de John Bolton où il menace "l'Iran et ses proxies" de frappes militaires directes si les États-Unis et leurs alliés dans la région seraient pris pour cible. Depuis 24 heures la seule partie qui accuse implicitement l'Iran d'être derrière les explosions de Fujaïrah, c'est Israël dont la presse avance pêle-mêle l'hypothèse de tirs de missiles, de "mines marine ou encore de l'explosif collé aux bâtiments via des plongeurs du CGRI. On se rappelle fort bien l'incident de l'USS Liberty effectuée par l'armée israélienne le 8 juin 1967 dans les eaux internationales au large de la péninsule du Sinaï, pendant la guerre des Six Jours, et qui a visé le navire de recherche technique de l'US Navy USS Liberty. L'Égypte en a été accusée. La convergence totale entre le discours saoudo-émirati d'une part et la rhétorique incitatrice israélienne de l'autre laisse penser à une nouvelle opération placée sous la fausse bannière signée Israël-Émirats-Arabie et placée sous l'égide de Bolton. Reste à savoir si l'administration Trump est oui ou non prête à aller jusqu'au bout et à ouvrir les portes de l'enfer....