Le hasard fait bien des choses : le jour où la France a décidé une nouvelle fois de s’aligner sur les États-Unis en brandissant la menace d’un retour des sanctions « européennes » contre Téhéran pour le punir d’avoir exercé son droit légitime de riposter au retrait US du PGAC, aux tergiversations incessantes de l’Europe, totalement inepte à défendre non seulement l’accord mais aussi ses propres droits face à l’inique sanctions extraterritoriales US, un avion de ligne français ayant émis un signal de détresse s’est posé à Ispahan. Un Airbus A-340-313 qui se dirigeait de Paris à Mumbai.
Faute de sanctions US, la France a réduit au maximum ses coopérations aériennes avec l’Iran ce qui, dirait certains, procure à l’Iran le droit d’en faire autant. Et pourtant l’avion s’est posé en toute sécurité à l'aéroport international Chahid Behechti d'Ispahan, les techniciens iraniens ont travaillé à ce que le problème technique en soit réparé et que l’appareil puisse gagner Dubaï. Cet incident est bien révélateur de l’État dans lequel se trouvent les relations franco-iraniennes depuis que la France a décidé d’être « homme-lige » des Américains. Cela fait un an que les États Unis d’Amérique ont foulé au pied l’Europe politique et le premier accord historique que celle-ci a signé au bout des années de négociations avec l’Iran et dans le stricte objectif réciproque de servir la paix et la stabilité internationale. Washington s’en est retiré, non pas tant pour nuire à l’Iran avec qui il est en guerre ouverte depuis 40 ans mais pour bien signifier que l’Europe est « inexistante », politiquement, diplomatiquement et bientôt économiquement.
Depuis cette première concession faite par la France en particulier et l’Europe en général, Washington n’a cessé en effet de multiplier les actes hostiles à l’encontre de l’Europe : taxation, blocage des accords,…sans que le vieux continent, ligoté qu’il est depuis plus de 70 ans par son « Big Brother », puisse se défendre. En Iran, le retour des sanctions US ont créé un vide européen que les Asiatiques et la Russie ont aussitôt rempli, confirmant l’ancrage iranien dans l’Est. Le 8 mai Rohani en annonçant une révision des engagements iraniens dans le cadre du PGAC, parfaitement légal suivant l’article 26 et 36 du texte et a ainsi tendu une nouvelle perche en direction de la France, de la Grande Bretagne et de l’Allemagne pour qu’ils puissent non pas défendre les intérêts iraniens, mais bien leurs propres intérêts. La réaction française ? Paris a brandi la menace d’une résurrection des sanctions européennes contre l’Iran comme pour se tirer la balle dans le pieds. Et pourtant, le nouveau cap "nucléaire" iranien est ce qu'il a de mieux pour saisir si l'Europe veut enfin se défendre face au maximalisme américain. Au contraire de Mme. Parly ou de M. Le Drian qui continuent de s'obstiner à prendre la victime pour le bourreau et à s'acharner sur l'Iran pour les beaux yeux de Washington, il y a des voix qui jugent la perche tendue iranienne comme salutaire aussi bien pour l'Europe que pour l'Iran. Car comme l'a dit la ministre française de la Défense, "il n'y pire qu'un retrait iranien de l'accord".
Pour l’ancien ambassadeur de France en poste à Téhéran entre 2001 et 2005, François Nicoullaud, qui s'exprimait à l'antenne de Sputnik, la décision du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne de suspendre certains engagements de la RII au titre de l’accord sur le nucléaire a été soigneusement réfléchie et préparée. « L’Iran ne veut pas tomber dans le piège américain », a-t-il dit.
« Je pense que la décision prise le mercredi 8 mai par l'Iran n'est pas censée aggraver la situation. C’est une décision qui a été soigneusement planifiée et prise en réaction au durcissement des sanctions anti-iraniennes des États-Unis », a-t-il expliqué dans une interview à Sputnik.
« C'est une réponse prudente qui s’inscrit dans le cadre de la diplomatie et de l'accord de Vienne, qui prévoit la possibilité d'adopter de nouvelles mesures au cas où une partie ne respecterait pas ses engagements », a indiqué M. Nicoullaud.
Quant au délai de 60 jours fixé par l’Iran pour l’Europe, François Nicoullaud a dit que « dans la conjoncture actuelle, les Européens se trouvent dans une situation difficile. Ils ne peuvent pas entrer facilement en interaction avec l’Iran en raison des sanctions anti-iraniennes ».
Selon cet ancien diplomate français, les Européens chercheraient à mettre en place des mécanismes permettant de s’émanciper des sanctions américaines qui entravent les relations commerciales avec l'Iran. Il a souligné que l'Iran ne cherchait pas à se retirer de l’accord nucléaire.
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« Téhéran s’est rendu compte que Washington voulait l'obliger à abroger l’accord nucléaire. L’Iran ne veut pas tomber dans le piège américain et il restera donc dans l'accord sur le nucléaire », a-t-il ajouté.
Selon l’accord historique de Vienne signé en 2015 avec le G5+1 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Russie + Chine), l'Iran a accepté de limiter sa quantité d'uranium faiblement enrichi à 300 kg et sa réserve d'eau lourde à 130 tonnes et d'expédier tout excédent hors de ses frontières. Un an après l’annonce du retrait américain de l’accord de Vienne, l’Iran refuse de vendre les excédents d'uranium et d'eau lourde en réponse à la nouvelle décision de Washington et au désengagement des autres pays signataires du pacte.
« Si l'Europe ne remplit pas ses obligations dans les 60 prochains jours, l’Iran augmentera l'uranium enrichi de 3,67% et mettra un terme à la modernisation du réacteur à eau lourde d'Arak », a annoncé le Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne.
Mais cette révision des engagements iraniens, qualifiée en Iran de "nouveau cap nucléaire", sera-t-elle saisi et compris à sa juste valeur par la partie française? Olivier Gauvin, porte-parole du Qaui d'Orsay est le troisième responsable français à s'exprimer après l'annonce iranienne : « Nous attendons que l'Iran respecte le PGAC et évite toute démarche propre à empirer les choses... la France est toutefois déterminée à ce que l'accord soit appliqué totalement et que les canaux financiers et d'importation restent ouverts avec l'Iran »...Que comprendre de ce discours truffé de contradiction?