Le 11 janvier à l'université américaine du Caire, le secrétaire d'état US a laissé entendre que les États-Unis pourraient bien frapper le Liban. Comment comprendre cette menace qui s'adresse au Liban depuis le territoire égyptien contre un pays arabe avec qui Le Caire entretient des relations cordiales?Vafigh Ebrahim l'auteur libanais apporte sa réponse.
"Lors de son discours au ton particulièrement anti-Résistance, Pompeo a évoqué en effet que Washington s’apprêtait à retirer ses troupes de l’est de l’Euphrate ou encore du nord syrien mais qu'il ne lésinerait sur aucun moyen pour faire face à Daech mais aussi pour en expulser l'Iran. Soit. Mais, à aucun moment de ce discours particulièrement enflammé et propre à plaire à l'auditoire golfien, Pompeo n’a expliqué comment il entendait mettre à la porte de la Syrie, l'Iran ou le Hezbollah qui y sont invités par Damas, au contraire des États-Unis qui, eux, s'y sont implantés illégalement. Y aura-t-il un changement dans la nature ou le degré des pressions diplomatiques? on l'ignore".
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"Toujours est-il que les États-Unis d'Amérique, à croire M. Pompeo, a une dent pas possible contre le Hezbollah libanais qui a "des dizaines de milliers de roquettes enfouis dans les villages, les aéroports..." et qui "est prêt à les tirer contre Israël" que l'Amérique a le devoir de protéger. Et puis "cet arsenal" qui n'a rien à comparer à celui du régime sioniste, un régime apte à bombarder, tuer et massacrer sans vergogne, présente aux yeux de Pompeo, "une menace stratégique pour la sécurité de la région". Bref et sur base de ceci, Mike Pompeo est prêt "a frapper le Liban et à poursuivre ses frappes jusqu'à la victoire" quitte à ne pas "revivre les échecs subis par le camp atlantiste-Israël entre 1982 et 2006".
À vrai dire, les propos tenus par le secrétaire Pompeo trahissent le vaste ancrage du Hezbollah au sein de la société libanaise sinon comment comprendre que les États-Unis soient prêts à réduire en cendre tout un pays, le Liban, pour en chasser le Hezbollah! Mais il y a plus.
Comment comprendre en effet que cet appel à la guerre contre le Liban soit lancé depuis l'Égypte? Certains estiment qu'en l'absence d'une Arabie des Salmane largement discréditée par l'assassinat de Khashoggi, l'administration US veut ramener au premier plan l'Égypte d'al-Sissi. Alors que le président égyptien a été mis à l'écart de facto dans tout dossier chaud de la région à commencer par la Syrie en passant par la Palestine, le Yémen et autres, c'est à lui que revient, dans cette nouvelle stratégie post-défaite du Moyen Orient, le rôle de commandant du camp anti-Résistance. D’autant que l'appel à la guerre anti-Hezbollah a été lancé par le secrétaire d’État américain en présence de homologue égyptienne, Sameh Choukri.
Mai au-delà de la tentative de discréditer l'Égypte auprès de la Résistance, les États-Unis veulent se tailler un chemin au Liban. Bien conscients de l'inefficacité de leurs sanctions anti-Hezbollah au Liban où la population, toute tendance comprise voit à travers la Résistance, un soutien et une protection, il faut entretenir la "psychose" de la guerre pour que les Libanais finissent par lâcher la Résistance. Et pour ce faire, les États-Unis comptent beaucoup sur les alliés locaux de Riyad à commencer par la personne de Premier ministre.
Mais est-ce faisable?
Les projets des Américains, des Israéliens et de leurs alliés arabes censé éliminer le Hezbollah, s'ils se réalisent, conduiront effectivement à la suppression du front ouest des pays arabes. Une suppression qui exposera la région entière aux sursauts guerriers d'Israël et des États-Unis. Même en Égypte, l'opinion n'a guère apprécié la grave erreur de al-Sissi et son équipe de permettre pour une poignée de dollars aux Américains de faire de son pays la base arrière d'une future geurre contre la Résistance.
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Ceci dit, la balle est désormais dans le camp du Caire qui n'a cessé de se positionner sur un axe médiane face à l’axe de la Résistance. Va-t-elle basculer dans le camp anti-Résistance? Au demeurant, il semblerait que les menaces de Pompeo contre le Hezbollah constituent un moyen de faire pression sur le gouvernement libanais. Après l’établissement de lourdes sanctions contre le Hezbollah, Washington envisage à présent d’épauler le gouvernement libanais dirigé par Saad Hariri, un proche de l’Arabie saoudite, à éliminer le Hezbollah du gouvernement. La tentative a peu de chance d'aboutir dans la mesure où Hariri en a déjà fait une amère expérience : les amis saoudiens n'ont pas été trop tendre avec lui. Rien ne dit que les amis égyptiens des amis saoudiens le soient .