L’Occident est en plein désarroi et cela ne fera que s’aggraver. Nous assistons au retrait de Syrie du contingent militaire américain, aux manifestations en France, à la perspective d’un Brexit dur au Royaume-Uni, au déclin politique d’Angela Merkel en Allemagne, à la crise dans laquelle s’enlise Benjamin Netanyahu et à la crise en Arabie saoudite qui a fait subitement du prince héritier Mohammed ben Salmane un paria international.
La crise actuelle du leadership en Europe, aux États-Unis et parmi leurs principaux alliés a plongé l’Occident dans le chaos, le poussant vers l’un des moments les plus critiques de la décennie. C’est une situation provoquée par les États-Unis et leurs politiques contradictoires, ayant pour effet de diminuer la souveraineté et le pouvoir de décision des alliés de Washington.
Bien avant l’élection de Donald Trump, les dirigeants de l’Union européenne, dont Merkel, Cameron et Hollande, s’affaiblissaient déjà et présentaient des signes d’échec.
François Hollande a chuté dans les sondages en raison de politiques favorisant les intérêts des élites aux dépens d’une population française de plus en plus pauvre et endettée.
David Cameron, pour éviter une victoire des travaillistes sous Jeremy Corbyn, a promis un vote sur le Brexit, une décision qui a fini par lui coûter sa carrière politique.
Le parti de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Angela Merkel, longtemps maître incontesté de la scène politique allemande, a subi pour la première fois en quinze ans de lourdes défaites électorales découlant de sa récente politique migratoire.
La chancelière, sévèrement critiquée pour ces résultats, a démissionné de son poste de présidente du parti, laissant la CDU divisée en deux factions.
La situation s’est détériorée au Royaume-Uni et en France au cours des douze mois qui ont suivi. Cameron a démissionné à la suite du vote sur le Brexit et Hollande a été contraint de renoncer à l’idée de se représenter aux élections compte tenu de son impopularité.
Theresa May et Emmanuel Macron ont ensuite remplacé Cameron et Hollande. Macron s’est immédiatement engagé à révolutionner la politique française en promettant une renaissance française. May (en vue de saboter la sortie de l’UE) a promis de négocier vigoureusement avec le bloc européen afin d’obtenir les meilleures conditions possibles pour le Brexit du Royaume-Uni, prévu pour mars 2019. Les deux pays ont agi contrairement à leurs promesses, scellant ainsi leur destin politique.
Pendant ce temps, aux États-Unis, les élites politico-financières se disputent la domination de la politique étrangère de Trump. Le président, par inexpérience, par inaptitude ou intentionnellement, a vite cédé sur le plan de la politique étrangère, adoptant des positions fondées sur le néolibéralisme et un impérialisme brutal. L’utilisation du dollar par Trump comme une arme se solda ainsi par une attaque involontaire contre ses alliés. Les « sacs d’or » de Trump, soit l’Arabie saoudite et Israël, subirent les contrecoups de l’offensive de Washington contre l’Iran, la Russie et la Chine.
Un accord entre Trump et les responsables de la politique étrangère a donc été conclu, scellé avec les nominations de Bolton et de Pompeo, établissant un modus vivendi entre des intérêts opposés.
Ce dogme du néolibéralisme et de l’impérialisme brutal adopté en matière de politique étrangère est au cœur des problèmes entre les États-Unis et le reste du monde, l’Europe en particulier, et ne fait qu’accélérer le passage à un ordre mondial multipolaire. Le néolibéralisme et l’exceptionnalisme américain sont désormais inscrits dans une politique baptisée « America First », qui combine les pires éléments de l’impérialisme américain et la recherche des intérêts de l’oligarchie financière.
L’adoption par Washington de politiques économiques agressives, visant à drainer les ressources de ses alliés tout en isolant ses ennemis, a encore accentué les dissensions entre l’Europe et les États-Unis. L’utilisation de droits de douane et de taxes, combinée à des sanctions contre Moscou et Téhéran, a fini par éloigner Macron de Trump, plaçant le président français dans le camp mondialiste libéral, aux côtés de Merkel. Theresa May est isolée, pratiquement critiquée par tous — Bruxelles, Trump, Merkel — et plus particulièrement par Corbyn au Parlement.
May se retrouve face à une situation qui la dépasse, avec un échec total lors des négociations avec l’UE. Plus nous nous approchons du 29 mars, plus les médias britanniques, tels que la BBC, évoquent la catastrophe d’un Brexit sans accord, perspective très probable, compte tenu du fait que May a tout mis en œuvre pour saboter le processus de négociation avec l’UE.
L’objectif est de convaincre la population qu’« il est non seulement légitime, mais surtout nécessaire de rétracter la demande de mise en œuvre de l’article 50 de l’UE afin d’éviter la catastrophe d’un Brexit difficile ». C’est un exemple parfait de la manière dont l’élite crée un problème (échec intentionnel des négociations sur le Brexit) pour justifier d’agir dans une direction contraire à ce que la population avait voté.
Macron, outre une série répétée de catastrophes politiques internes, a encore démontré sa fidélité indéfectible aux élites mondialistes du secteur financier en concevant une nouvelle taxe sur le pétrole sous prétexte de protégé l’environnement, une provocation intolérable pour le peuple français, déjà saigné à blanc par l’augmentation des impôts et le démantèlement progressif des services gouvernementaux. Ce geste a suffi à déclencher d’importantes manifestations en France, les plus grandes depuis plus de vingt ans, qui ne s’arrêteront pas avant la démission de la marionnette Macron.
En Allemagne, la politique migratoire d’Angela Merkel au cours des dernières années a fini par lui faire perdre le peut de crédit qu’elle avait en termes de popularité. Elle a récemment été remplacée par sa protégée, Annegret Kramp-Karrenbauer, à la tête de la CDU. Merkel a déjà affirmé qu’elle se retirerait de la vie politique à la fin de son mandat de chancelière. Aussi bien pour Merkel que pour May et Macron, « danser au rythme des élites mondialistes devient politiquement coûteux ».
Ce qui a alimenté l’érosion du consensus politique parmi les dirigeants européens est lié au fait que leurs pays supportent le coût d’être de simples exécutants des intérêts américains.
Le démantèlement du Plan global d’action conjoint (PGAC) avec l’Iran a créé des frictions importantes entre Washington et les pays de l’UE.
Les sanctions imposées à la Russie, les tarifs douaniers appliqués aux pays européens et la guerre commerciale avec Pékin ont fait le reste, poussant Macron et même May à se positionner directement en opposition à Donald Trump.
May, Macron et Merkel ne tiennent sur un fil mince. La tentative de détourner l’attention sur d’autres pays comme la Russie dans le cas des Britanniques (l’affaire Skripal) ou la Syrie dans le cas des Français (bombarder le pays) ne fait qu’élargir le fossé entre les Européens. En ce qui concerne les pays tels que la Russie et l’Iran, ce sont plutôt les entreprises et les travailleurs européens qui en subiront les dégâts dans le processus.
Le risque est que la situation précaire dans laquelle se trouvent les dirigeants européens puisse les conduire à une provocation ouverte contre l’Iran ou la Russie en Syrie ou en Ukraine. C’est un danger très réel. Pourtant, ni Merkel, ni May, ni Macron ne semblent être particulièrement emballés par la perspective de transformer l’Europe en un tas de décombres, rien que pour faire plaisir aux élites financières et militaires euro-américaines. En outre, aucun d’entre eux (heureusement) n’a le capital politique qui leur permettrait de se livrer à de tels mouvements de démence.