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À Idlib, la position de la Turquie pourrait rendre service aux USA

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des troupes turques progressent vers le village de Hassa, en Syrie, le 22 janvier 2018. ©AFP

L’agence de presse iranienne Tasnim vient de publier ce samedi une analyse portant sur les récentes prises de position d’Ankara à l’égard des dernières évolutions de la Syrie.

D’après l’analyste de Tasnim, au cours du sommet tripartite de Téhéran qui avait réuni les présidents turc, russe et iranien, le président Recep Tayyip Erdogan a insisté de manière étrange sur la nécessité, selon lui, d’un cessez-le-feu à Idlib en Syrie, au risque de porter atteinte à l’action commune des trois garants des zones de désescalade. Ces derniers jours, la Turquie mène des actions étonnantes en ce qui concerne la Syrie. La question qui se pose maintenant est de savoir à qui Ankara souhaite offrir sa protection en Syrie.

Les dernières prises de position du gouvernement turc suscitent la méfiance de ses alliés dans les affaires syriennes, à savoir l’Iran, la Russie et la Chine. Pourtant, grâce à une coopération avec ces mêmes puissances, la Turquie avait réussi à empêcher la création d’un « nouvel Israël » dans le nord de l’Irak, qui aurait résulté du projet d’indépendance de Massoud Barzani.

Sans la coopération et l’autorisation conjointe de l’Iran et de la Russie, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan aurait sans doute beaucoup de mal à briser le « corridor israélo-américain » au service du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et du Parti de l’union démocratique (PYD). Cependant, les autorités turques ne doivent pas oublier que le PKK et le YPD sont toujours présents à l’est de l’Euphrate et qu’ils pourraient progresser vers Afrin avec l’aide des États-Unis. Leur ambition pourrait même les pousser à trouver un moyen pour occuper une partie de la province turque de Hatay afin d’avoir un accès direct à la Méditerranée.

L’analyste de Tasnim rappelle que les militaires américains ont expédié des milliers de camions transportant des armes et des munitions dans les zones situées à l’est de l’Euphrate, contrôlées par le PKK et les YPD.

Dans le même temps, les États-Unis ont augmenté leurs pressions économiques sur l’Iran et la Turquie, d’où la baisse historique de la valeur des monnaies nationales iranienne et turque face au billet vert.

Simultanément à la reprise des sanctions contre Téhéran, Washington a provoqué une crise économique et financière en Turquie afin d’obliger Ankara à se soumettre aux projets régionaux de la Maison-Blanche. Le désordre économique en Turquie peut se transformer en une préoccupation sécuritaire. Pour le moment, Ankara préfère résoudre le problème par des négociations directes avec Washington et Londres. Dans le même temps, les autorités turques mènent des négociations secrètes avec les représentants du Fonds monétaire international (FMI) pour trouver des solutions rapides. Néanmoins, le FMI aurait vraisemblablement imposé certaines conditions à la partie turque pour assurer un afflux vers le marché financier turc de ce que les économistes appellent « l’argent chaud ».

Le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan veut à tout prix résoudre la crise économique avant la tenue des élections municipales. Lors des négociations secrètes avec de grandes institutions financières basées à Londres, les Turcs auraient reçu d’importantes promesses. En outre, malgré les sanctions américaines qui ont touché les ministres turcs de l’Intérieur et de la Justice, des autorités turques se sont rendues à Washington pour s’entretenir avec les Américains.

Sur le plan militaire, le gouvernement d’Ankara a expédié un nombre important de soldats et d’équipements militaires vers la frontière avec la Syrie. D’après la presse turque, l’armée serait en train de former quelque 20 000 hommes de l’Armée syrienne libre (ASL). Certaines sources parlent de l’éventualité d’un affrontement entre les groupes armés soutenus par Ankara et l’armée syrienne. D’après l’analyste de Tasnim, les mouvements de l’armée turque à la frontière syrienne auraient même encouragé les groupes terroristes à Idlib dans le nord de la Syrie.

D’après certaines sources, les autorités américaines auraient dit, en substance, aux dirigeants turcs : « Faites tout ce qui est dans votre pouvoir pour maintenir le statu quo à Idlib et à Jerablus. Renforcez-y votre position et développez dans ces zones une reconstruction sous influence turque. Dans quelques années, vous pourrez organiser un référendum pour les annexer au territoire turc, et là, nous soutiendrons votre action. »

Mais qu’est-ce que les États-Unis demanderaient à la Turquie en échange ? Selon Tasnim, le but de Washington est de briser la coopération de la Turquie avec la Russie et l’Iran dans le cadre du processus de paix d’Astana. Autrement dit, la Maison-Blanche veut y jouer la stratégie anglaise du « diviser pour régner ».

Cette machination américaine intervient à un moment où l’opinion publique turque se préparait à la cessation des hostilités entre Ankara et Damas. D’ailleurs, une partie de l’élite militaire et politique de la Turquie proposait au gouvernement d’Ankara la normalisation avec le gouvernement syrien du président Bachar al-Assad. D’après l’analyste de Tasnim, c’est exactement cela qui a amené les États-Unis à redoubler les pressions sur le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan. Cédant à ces pressions, le président Erdogan ne s’est pas contenté de demander un cessez-le-feu à Idlib, mais de souhaiter une intervention militaire des États-Unis pour empêcher le succès de l’opération imminente de l’armée syrienne visant à libérer cette ville. Cette position du président turc redonnerait aux États-Unis l’espoir d’échapper à une défaite définitive en Syrie.

L’auteur de l’analyse de Tasnim a émis l’espoir que le gouvernement d’Ankara évitera le piège que lui a tendu la Maison-Blanche et qu’il se rangera, avant qu’il ne soit trop tard, aux côtés de ses vrais amis dans le processus de paix d’Astana.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV