Derrière tous les sourires feints lors des poignées de mains et des photos souvenirs, une tension couve. Le séjour français de Ben Salmane serait loin d'être un succès. Le journal libanais, Al-Akhbar affirme disposer d'informations selon lesquelles les rencontres du prince héritier saoudien avec ses hôtes auraient été souvent "tendues" et peu cordiales. En cause? L'Iran.
Trop remonté après sa visite à Washington, Ben Salmane se serait même mis à menacer les autorités françaises si elles continuaient leurs coopérations avec Téhéran. Paris aurait eu droit d'entendre également des mises en garde quant à sa participation dans des projets liés à la fameuse "Perspective 2030" qui devrait faire du régime wahhabite, l'un des régimes les plus archaïques au monde, un régime "moderne" et "fréquentable" pour l'Occident.
Pourquoi Ben Salmane boude-t-il la France?
Al-Akhbar se réfère au nombre et à l'importance des contrats signés entre Riyad et Paris depuis le début de la visite de Ben Salmane, le 8 avril, pour conclure que "probablement la France aurait envoyé le prince balader".
" Ben Salmane adore le Far West et la vieille Europe est loin d'être sa tasse de thé. Le Louvre n'intéresse pas beaucoup le prince qui regarde d’ailleurs d'un œil réticent les Français. Les trois jours que Ben Salmane compte passer en France n'ont rien à comparer aux trois semaines qu'a duré son séjour aux États-Unis. Et puis le Saoudien a diablement peur des ONG françaises, bien actives pour dénoncer les crimes de guerre que ne cesse de commettre Riyad au Yémen. Liberté d'expression, liberté d'idée, tout ceci, Ben Salmane n'en a rien à cirer, ce qui explique pourquoi la marche organisée lundi sur la place Trocadéro par des ONG antiguerre l'a poussé à annuler une visite prévue dans des entreprises hi Tech françaises. Et enfin, il existe une troisième raison : le volume des échanges commerciaux des deux pays est bien minime et toute promesse de contrats stratégique à signer avec Paris a été reportée à la fin d'année 2018".
Citant ses sources françaises, le journal décrit un climat "trop tendu" des discussions franco-saoudiennes et une obsession "anti-iranienne" de Ben Salmane qui revient de façon récurrente dans tout dossier : Riyad veut l'abrogation de l'accord nucléaire signé avec l'Iran ni plus ni moins et veut que la France s'aligne sur sa position. Or, les Français qui ont de multiples intérêts économiques en Iran ne sauraient concéder si facilement . Cité par La Tribune, Ben Salmane aurait lancé une mise en garde à Macron comme quoi la France n'aurait pas sa part du gâteau dans le projet chimérique "perspective 2030" si elle ne se retire pas de l'accord nucléaire. Al-Akhbar affirme que le Saoudien se donne un mal fou pour "présenter l'Arabie saoudite comme une alternative nucléaire " sur quoi la France peut miser si elle coupe tout lien avec l'Iran.
Or, le projet dit "Perspective 2030" n'en est qu'au stade de concept et il serait fort imprudent que les Français lâchent la proie "iranienne" pour l'ombre "saoudien". À Washington où Ben Salmane a presque vidé les caisses du trône pour plaire au complexe militaro-industriel, il n'a pas pu convaincre ses interlocuteurs de lui permettre d'avoir son "atome". En France, non plus, il ne saura se montrer convaincant. Même si le chef de la diplomatie française, Jen-Yves Le Drian, aurait organisé la conférence dite "CEDRE" de façon à ce que Ben Salmane rencontre ces jours-ci le Premier ministre libanais, Saad Hariri, l'ombre de la prise d'otage dont ce dernier a été victime il y a quelques mois à Riyad et ce, sous l'ordre de Ben Salmane, n'a pas quitté ses rencontres parisiennes. Quant au Liban et au Yémen, ces dossiers ne sont pas non plus loin, malgré les apparences, d'être trop consensuel entre Paris et Riyad.