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Amman aura-t-il le courage de défier Riyad ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le roi Abdallah de Jordanie en visite sur une base de l’armée jordanienne. (Photo d’archives)

La Jordanie est-elle réellement tentée par une normalisation avec l’Iran ? C’est une hypothèse de plus en plus sérieuse qu’évoquent les experts jordaniens à la lumière de la nette détérioration des relations entre Amman et ses alliés traditionnels.

Le site d’information Al-Monitor revient sur la perspective d’un rapprochement d’Amman avec l’Iran et écrit :

« Il est vrai que l’économie ne va pas très fort dans le royaume jordanien, où les économistes mettent en garde contre une baisse des aides étrangères pour 2018. Mais l’économie n’est pas le seul défi auquel fait face Abdallah II. Le royaume reçoit en pleine figure les contrecoups des grandes secousses géopolitiques qui ont traversé le Moyen-Orient en 2017. Avec Riyad, les liens s’affaiblissent de plus en plus tandis que rien ne va plus entre Tel-Aviv et Amman après la reconnaissance américaine de la judaïsation de Qods. » 

Pour Al-Monitor, le sentiment de « marginalisation » gagne du terrain en Jordanie, qui voit une « nouvelle donne géopolitique » émerger dans la région. « Conseillers et experts jordaniens appellent le roi à tenir compte de ces changements et à se rapprocher de l’Iran. »

Le média estime que la réélection de Hassan Rohani à la tête de l’exécutif iranien est une manne dont Abdallah II doit de saisir, pour « améliorer ses relations avec Téhéran ». Al-Monitor se réfère à un article signé Oraib Al-Rantawi, chroniquer du journal jordanien Ad-Dustour, qui demande à ce que les autorités d’Amman « suivent l’exemple des Émirats ».

« Le volume des échanges entre l’Iran et les Émirats, deux pays pourtant politiquement en conflit, dépasse les 17 milliards de dollars par an. Abou Dhabi ne cesse de miner les terrains où opère l’Iran alors qu’entre nous (les Jordaniens, NDLR) et Téhéran, il n’y a aucune guerre. Pourquoi se hisser à la tête du front anti-iranien pour plaire aux autres ? La Jordanie ferait mieux d’envoyer rapidement son ambassadeur à Téhéran et de reprendre ses relations avec les Iraniens. »

Muhammad Abu Roman, l’analyste du quotidien jordanien Al-Ghad, conseille de son côté au roi Abdallah de se rapprocher de l’Iran, un Iran « qui a déjà ouvert son marché à l’Irak » et « qui est prêt à vendre du pétrole bon marché à la Jordanie. Certes Amman n’ira pas jusqu’à rompre avec ses alliés, mais il est temps que nous pensions un peu à nos propres intérêts nationaux. Qu’une chose soit claire : la Jordanie se trouve politiquement isolée et ses convictions politiques sont à des années de lumière de celles de ses alliés sunnites ».

Cet appel à une reprise des liens avec l’Iran est aussi repris par l’éditorialiste d’Al-Ghad, qui demande à ce que le roi « saisisse l’occasion et réponde positivement aux signaux envoyés depuis Téhéran ».

« Il est nécessaire que la Jordanie ouvre la porte aux nouveaux acteurs qui sont prêts à se tenir à ses côtés. Téhéran propose un partenariat économique à Amman. C’est dans notre intérêt d’accepter cette précieuse offre. »

Al-Ghad revient sur l’entretien de l’ambassadeur iranien à Amman, Mujtaba Ferdowsipour, avec Al-Monitor et dit :

« L’Iran ne frappe à la porte d’aucun pays. Mais une normalisation des liens avec l’Iran profitera plus à la Jordanie qu’à l’Iran. Le marché iranien compte 80 millions de consommateurs tandis que celui en Jordanie en compte 9 millions. Certains pays interdisent à Amman de normaliser avec l’Iran, mais c’est à Amman d’agir en fonction de ses intérêts. » 

Et l’ambassadeur de souligner un point névralgique :

« La Jordanie devra-t-elle s’inquiéter de la présence de l’Iran et du Hezbollah près de ses frontières ? Je ne crois sincèrement pas qu’il y ait une quelconque raison pour s’en inquiéter. L’Iran reste en contact avec Amman sur le dossier syrien. Il a soutenu la présence de la Jordanie à titre d’observateur aux pourparlers d’Astana. Amman y a pris part à sept reprises et l’accord sur les zones de désescalade est sorti d’une réunion Russie-Jordanie-USA. L’Iran en a d’ailleurs soutenu l’idée et l’une de ces zones se trouve dans le sud de la Syrie. Sur cette base, je ne comprends vraiment pas pourquoi de quoi la Jordanie s’inquiète. Je plaide pour des pourparlers à huis clos entre les deux parties et déconseille vivement tout suivisme. »

Et Al-Monitor de conclure :

« Pour le moment, le roi Abdallah a fait la sourde oreille à cet appel à l’ouverture, sans doute par crainte du tollé que provoquerait une reprise de ses liens avec Téhéran au sein de ses alliés. Il n’empêche qu’à mesure que le temps passe, cette alliance tend à perdre tout intérêt. »

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SOURCE: FRENCH PRESS TV