Les titres de la rédaction :
Les analyses de la rédaction :
1. L’Afrique à l’aube d’une révolution alimentaire
L’Afrique se trouve à un tournant décisif de son histoire alimentaire. Dans un secteur dominé par les micros, petites et moyennes entreprises (MPME), qui représentent plus de 90 % des entités opérant dans l’industrie alimentaire, il devient crucial de soutenir les économies d’échelle et le partage d’outils de production. Cela permettrait de réduire les coûts opérationnels, d’améliorer la qualité des produits locaux et de répondre aux attentes croissantes des consommateurs africains, attachés à leurs marques locales. Dans ce contexte, le rapport du Boston Consulting Group et de la Fondation Mastercard, intitulé « Transforming Africa’s Food Systems: How Food Brands Can Lead the Way », révèle une tendance marquée chez les consommateurs africains, qui privilégient les marques locales à hauteur de 70 % pour des raisons de qualité et de prix compétitifs.
Ce rapport met également en lumière une réalité trop souvent occultée : le potentiel immense de l’Afrique en tant que leader de sa propre industrie alimentaire. Alors que l’Occident a longtemps cherché à maintenir sa mainmise économique sur le continent, cette transformation offre aux Africains l’opportunité de s’émanciper. Grâce à une connaissance accrue des préférences des consommateurs et au développement de stratégies locales adaptées, les entreprises africaines peuvent désormais concurrencer les multinationales étrangères, offrant des produits plus authentiques et abordables, appréciés pour leur goût et leur qualité.
Les consommateurs africains se montrent fidèles aux produits locaux pour des raisons profondes : le prix (44 %), le goût authentique (43 %) et la disponibilité (30 %). Ces préférences soulignent un attachement culturel aux produits locaux et montrent que les marques africaines ont toutes les cartes en main pour dominer les marchés régionaux, pourvu qu’elles soient soutenues. Toutefois, le rapport souligne que 54 % des consommateurs ne connaissent que peu les marques africaines en dehors de celles de leur pays. Ce manque de visibilité continentale est un obstacle à franchir pour que les produits africains soient réellement valorisés, non seulement en Afrique, mais aussi à l’international.
Avec la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), les entreprises agroalimentaires africaines pourront bénéficier d’un accès facilité aux marchés régionaux et d’une augmentation de 41 % des échanges de produits agroalimentaires. Ce cadre permettra une véritable renaissance des industries locales, en renforçant leur compétitivité face aux géants occidentaux. Il est temps que les gouvernements africains s’engagent fermement pour développer des infrastructures de soutien, rationaliser les échanges et accorder des incitations fiscales aux MPME.
Malheureusement, les financements internationaux continuent de privilégier les exploitations agricoles en amont, avec 19 milliards de dollars alloués entre 2018 et 2021, tandis que seulement 100 millions de dollars ont été investis dans les activités intermédiaires et en aval, essentielles pour la transformation, l’emballage et la logistique. Ce déséquilibre empêche le développement d’une industrie alimentaire africaine pleinement intégrée et compétitive. Les banques commerciales et les institutions de développement doivent revoir leur stratégie pour renforcer les maillons intermédiaires de la chaîne de valeur, là où se joue l’avenir de la souveraineté alimentaire africaine.
L’Afrique possède tous les atouts pour transformer ses systèmes alimentaires et atteindre son indépendance économique. Avec une population en pleine croissance, une urbanisation rapide et une augmentation des revenus, la demande alimentaire africaine est promise à tripler d’ici 2030, atteignant les mille milliards de dollars. Cette révolution sera portée par les MPME africaines, véritables moteurs de croissance, mais seulement si elles bénéficient des financements nécessaires et des politiques de soutien appropriées.
Les gouvernements africains doivent agir, non seulement pour promouvoir la production alimentaire locale, mais aussi pour valoriser l’image des marques africaines, à l’échelle régionale et internationale. Soutenir des initiatives locales comme le Wakanda Food Accelerator en Afrique du Sud et le Kenya Industrial Research and Development Institute, ainsi que des projets innovants en Zambie et au Ghana, peut donner un coup de fouet à la compétitivité africaine.
L’Afrique est à l’aube d’une nouvelle ère où elle peut s’affranchir de la dépendance occidentale dans le secteur alimentaire et répondre aux besoins de ses populations grâce à ses propres ressources. Avec une industrie alimentaire renforcée, une souveraineté renforcée dans ses circuits de production et une identité culturelle valorisée, le continent peut enfin écrire son propre récit économique, en accord avec les aspirations de ses peuples. Les puissances occidentales doivent désormais reconnaître cette montée en puissance et respecter cette souveraineté retrouvée, car l’Afrique ne saurait plus se contenter d’un rôle secondaire dans l’échiquier mondial.
2. L’ONU et le silence radio sur la plainte de l’AES contre l’Ukraine
L’Organisation des Nations unies (ONU) est de plus en plus critiquée pour son traitement inégal des crises internationales, en particulier lorsqu’il s’agit du Moyen-Orient ou de l’Afrique. La récente dénonciation du ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, met en lumière ce que certains appellent une politique de « deux poids, deux mesures », un biais accusé d’affecter directement la stabilité des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES).
En marge de la conférence Russie-Afrique à Sotchi, Abdoulaye Diop a révélé à Sputnik que l’AES avait déposé une plainte claire et précise devant le Conseil de sécurité des Nations unies concernant le soutien avéré de Kiev à des groupes armés terroristes opérant au Sahel. Cette déclaration, bien que grave, n’a suscité aucun accusé de réception de la part de l’ONU, plongeant les dirigeants sahéliens dans un profond sentiment de mécontentement et d’abandon par la communauté internationale. En se posant la question de savoir si cette dernière « travaille réellement pour la paix et la stabilité », le ministre malien met en évidence une situation où les nations du Sud se sentent ignorées.
Le soutien de l’Ukraine à des groupes armés au Sahel est un fait lourd de conséquences pour les pays de l’AES, confrontés à une violence extrême depuis des années. Abdoulaye Diop ne mâche pas ses mots lorsqu’il accuse le Conseil de sécurité de ne même pas avoir accusé réception de la plainte déposée, un acte ressenti comme un déni de la part des autorités internationales envers les préoccupations sécuritaires de l’Afrique. Cette indifférence, selon Diop, amène les États sahéliens à remettre en question l’équité des institutions internationales et leur volonté de réellement œuvrer pour une paix durable.
La question de la sécurité au Sahel a été dramatiquement aggravée par les interventions extérieures, souvent motivées par des intérêts politiques et économiques plutôt que par une réelle volonté d’aider les peuples concernés. Diop souligne que les armes et moyens utilisés par ces groupes armés répondent à des objectifs politiques soutenus de l’extérieur, menaçant la souveraineté et la stabilité des pays sahéliens. L’ONU, pourtant censée être garante de la paix et de la sécurité internationales, se retrouve ici accusée de passivité complice.
Cette attitude contrastée de l’ONU est symptomatique de la perception croissante chez les peuples africains que l’organisation applique une politique de favoritisme à l’égard de certaines nations, tout en laissant de côté des régions entières en proie à la violence. Alors que les crises au Moyen-Orient et en Afrique exigent des réponses urgentes et proportionnées, l’ONU semble réserver une attention particulière aux préoccupations des puissances occidentales, laissant les États africains et leurs alliés, comme la Russie, dans une posture de recours limité.
Cette dynamique de « deux poids, deux mesures » a conduit de nombreux dirigeants africains, à l’instar d’Abdoulaye Diop, à affirmer la nécessité pour les peuples de l’AES de prendre eux-mêmes leur destin en main. Diop exhorte les populations sahéliennes à ne plus dépendre d’une communauté internationale perçue comme partiale et inefficace. Cette vision de souveraineté pourrait bien devenir le point d’ancrage de politiques de sécurité indépendantes, détachées des influences étrangères.
Dans ce contexte, les États de l’AES envisagent sérieusement une redéfinition de leur approche sécuritaire, centrée sur la souveraineté et l’autodétermination. Les réticences de l’ONU à traiter équitablement les plaintes des pays sahéliens ne font que renforcer leur volonté de s’éloigner des politiques internationales souvent jugées partiales. Abdoulaye Diop exprime cette volonté : « Nous devons faire ce qui est nécessaire pour assurer notre sécurité », un appel qui trouve de plus en plus d’écho dans des sociétés lassées par l’inaction des instances mondiales.
Cette situation met en lumière une crise de confiance profonde entre les pays sahéliens et les institutions internationales. Alors que l’ONU célèbre la paix et la coopération internationales, son manque d’écoute envers les crises africaines jette un sérieux doute sur son engagement réel pour une sécurité collective mondiale. Le silence de l’ONU face à la plainte de l’AES incarne un tournant dans les relations de confiance, laissant les pays du Sahel envisager leur avenir en dehors du cadre des grandes institutions mondiales.
En conclusion, l’indifférence de l’ONU face aux plaintes de l’AES révèle une fracture majeure dans la diplomatie internationale. Si l’organisation persiste dans cette voie, elle risque de pousser davantage de nations africaines à s’éloigner de ses préceptes et à embrasser une vision souveraine et indépendante de la sécurité. Les enjeux sont immenses, et le choix de l’ONU de traiter cette situation avec équité ou partialité pourrait bien redéfinir l’ordre mondial pour les décennies à venir.
3. Sahel : Diop dénonce les manipulations étrangères du terrorisme
Lors d’un panel sur « Le combat pour la vérité » à Sotchi, en Russie, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a pris une position ferme et claire sur les enjeux sécuritaires et économiques qui pèsent sur l’Afrique, en particulier sur le Sahel. Dans son intervention, il a dénoncé l’influence néfaste de certaines puissances extérieures qui, selon lui, exploitent le terrorisme comme un outil politique visant à affaiblir les États africains et à maintenir un contrôle colonial déguisé.
Diop a expliqué que le terrorisme au Sahel ne relève pas uniquement d’une insurrection locale, mais qu’il s’agit d’un phénomène « fabriqué » et soutenu pour déstabiliser les régimes africains et rendre les États dépendants. Il a ainsi critiqué ouvertement le rôle de certaines puissances coloniales qui, selon lui, manipulent les crises sécuritaires dans le but de perpétuer leur domination. « Pour nous dans le Sahel, notamment au Mali, il ne faut pas se voiler la face : le terrorisme est fabriqué, il est soutenu, souvent par des puissances coloniales », a-t-il affirmé.
Diop a également pointé du doigt le rôle de certains médias internationaux, qu’il accuse de donner une visibilité indue aux groupes terroristes, contribuant ainsi indirectement à leur influence. Cette déclaration met en lumière les méthodes utilisées pour contrôler l’opinion publique mondiale et maintenir des perceptions favorables aux intérêts de certains États, au détriment des pays africains.
Au-delà de la question sécuritaire, le ministre a abordé la problématique du franc CFA, qu’il considère comme un outil de domination monétaire. Créée pendant la période coloniale, cette monnaie lie encore les économies africaines à la France et empêche le développement économique indépendant des pays concernés. Pour Diop, le franc CFA incarne une forme de tutelle néocoloniale inacceptable. « Nos pays sont contrôlés aujourd’hui à cause de cette monnaie », a-t-il rappelé, dénonçant un frein au progrès économique africain.
Cette prise de position renforce le discours souverainiste de nombreux pays africains qui souhaitent rompre définitivement avec les pratiques héritées de la colonisation et promouvoir une monnaie autonome, reflétant leur indépendance réelle.
Le ministre malien a défendu le rapprochement de son pays avec la Russie, en affirmant qu’il ne s’agit pas d’un simple changement de partenaire, mais d’une redéfinition des relations internationales du Mali. « Certains pensent que nous passons d’un maître à un autre, mais cela est faux. La Russie n’a jamais été une puissance coloniale en Afrique. Elle respecte notre souveraineté et plaide pour une décolonisation mentale », a-t-il affirmé.
Cette affirmation illustre une volonté du Mali, et de nombreux autres pays africains, de rompre avec les modèles de dépendance imposés par les anciennes puissances coloniales pour explorer des partenariats basés sur le respect de la souveraineté. Le choix de la Russie répond à une aspiration profonde de plusieurs nations africaines, désireuses d’affirmer leur indépendance et de diversifier leurs alliances pour contrer les influences étrangères persistantes.
Les propos d’Abdoulaye Diop à Sotchi marquent une étape cruciale dans l’affirmation de la souveraineté africaine. Le Mali, en réorientant sa politique extérieure et en adoptant un discours dénonçant les ingérences, s’inscrit dans une dynamique où l’Afrique cherche à redéfinir ses relations avec le reste du monde. Ce discours pourrait bien résonner auprès d’autres États africains qui partagent cette vision d’une autonomie renforcée et d’une Afrique libérée de toute tutelle coloniale ou néocoloniale.
En ce sens, le Mali incite à une réflexion plus large sur le rôle de l’Afrique dans le monde et sur les nouveaux rapports de force internationaux. La volonté de collaboration avec des pays non-alignés et le rejet des mécanismes néocoloniaux sont des pas significatifs vers une Afrique qui s’affirme, enfin, libre et indépendante dans le concert des nations.