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Les analyses de la rédaction :
1. Le Niger et l’AES en défense de leurs ressources stratégiques
L’interdiction des exportations de céréales au Niger, annoncée le 16 octobre 2024, marque un tournant décisif dans la gestion des ressources agricoles du pays. Cette décision stratégique du gouvernement est une réponse pragmatique aux besoins croissants de sécurité alimentaire, tout en témoignant de la souveraineté renforcée du Niger et de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui inclut également le Burkina Faso et le Mali.
Cette régulation des exportations vise à stabiliser le marché intérieur face à des défis climatiques et à assurer que la population ait un accès suffisant aux denrées alimentaires de base. En excluant les autres membres de l’AES de cette interdiction, le Niger démontre sa volonté de renforcer les liens régionaux et d’assurer une cohérence stratégique au sein de l’alliance, tout en défiant les dépendances historiques vis-à-vis des pays occidentaux.
La stratégie de protection des ressources alimentaires s’inscrit dans un contexte marqué par des inondations ayant ravagé près de 189 000 hectares de terres agricoles, exacerbant la vulnérabilité alimentaire de la région. En prenant des mesures pour préserver ses récoltes de mil, de sorgho et de riz, le Niger fait preuve d’une vision à long terme et d’une gestion souveraine de ses ressources.
Le mil et le sorgho, céréales de base au Niger, sont essentiels pour la subsistance des populations. En interdisant les exportations, le gouvernement protège ces ressources vitales, non seulement pour la population locale, mais aussi pour la région de l’AES, qui partage des enjeux alimentaires similaires. L’autonomie alimentaire devient une priorité stratégique face aux aléas climatiques et aux fluctuations du marché international.
Il est crucial de souligner que cette décision de souveraineté alimentaire n’est pas isolée. Le Niger, à l’instar de nombreux autres pays d’Afrique subsaharienne, dépend encore largement des importations pour certains produits, notamment le riz. En réponse, le pays a mis en place la Stratégie nationale de développement de la riziculture (SNDR), un plan ambitieux de dix ans visant à réduire sa dépendance à l’importation de riz. Ce plan souligne l’engagement du Niger à atteindre l’autosuffisance alimentaire à long terme, dans le cadre d’une coopération régionale accrue avec le Burkina Faso et le Mali.
L’Alliance des États du Sahel (AES) se positionne ainsi comme une force de stabilisation régionale, capable de concevoir des solutions adaptées aux besoins locaux sans l’influence extérieure excessive de l’Occident. Cette interdiction, bien qu’elle puisse à court terme affecter certains acteurs économiques, montre clairement la volonté du Niger de mettre en avant les intérêts de sa population tout en consolidant l’intégration régionale avec le Burkina Faso et le Mali. Ensemble, ces pays se tournent vers une indépendance accrue, en gérant leurs ressources de manière autonome et en défiant les pressions économiques extérieures.
En somme, cette initiative du Niger constitue un exemple puissant de gestion souveraine des ressources agricoles, un modèle qui pourrait inspirer d’autres pays du Sahel et d’Afrique subsaharienne à prioriser la sécurité alimentaire nationale et régionale, à l’écart des influences extérieures. L’AES se renforce, affirmant son rôle en tant que pôle d’autosuffisance et de résilience en Afrique de l’Ouest.
2. RCA: les Casques bleus accusés d’agression contre les civils
Encore des accusations de viols et d’agressions sexuelles contre des Casques bleus de l’ONU. Et une fois de plus, le nom d’un pays revient : celui de la RCA où depuis 2015, l’organisation mondiale a enregistré des allégations d’abus et d’exploitations sexuelles contre pas moins de 730 soldats de la Mission des Nations unies en Centrafrique (MINUSCA). Des chiffres effarants qui en disent long sur la profondeur du mal et qui appellent de l’ONU, une véritable introspection. Et l’organisation basée à New York doit d’autant plus savoir se regarder dans la glace que malgré ses efforts pour lutter contre les abus sexuels perpétrés par ses soldats, le phénomène persiste, plongeant souvent les victimes dans le plus grand désarroi. Toujours est-il que, entre humiliation et peur de représailles, si ce n’est de rejet, d’indifférence ou de stigmatisation par la société, nombreuses sont les victimes qui préfèrent parfois garder le silence. Et quand on sait qu’il n’est pas toujours aisé de prouver un cas de viol, on imagine la souffrance physique et morale et le déchirement de ces femmes qui ont été blessées dans leur amour-propre et dans leur âme sans savoir vers qui se tourner pour trouver consolation.
C’est dire si le sujet est d’une telle gravité qu’il nécessite la prise de mesures plus hardies pour contrer le mal et prévenir les inconduites des soldats de la paix. Car, la persistance du phénomène et la récurrence des accusations sont la preuve manifeste de l’inefficacité des mesures de prévention et des mécanismes de signalement mis en place par l’ONU pour prévenir ces abus, en permettant aux victimes de dénoncer leurs éventuels agresseurs. Encore faudrait-il que ces mesures censées être dissuasives pour ces soldats soient connues du grand public dans un pays comme la Centrafrique où l’immensité du territoire constitue potentiellement un handicap pour une communication efficace sur le sujet.
Et l’ONU est d’autant plus interpellée que ces nouvelles accusations d’abus sexuels, portées contre ses soldats en Centrafrique, sont loin d’être un cas isolé. En effet, de la République démocratique du Congo à la Côte d’Ivoire, en passant, entre autres, par le Mali, les Casques bleus ont souvent été mis sur la sellette dans des affaires de mœurs qui ne font pas honneur à leur employeur, encore moins à leur pays d’origine. Autant dire qu’au-delà des dénégations, une remise en cause sincère s’impose. Cela dit, il appartient à l’organisation mondiale de s’engager résolument à faire bouger les lignes dans le sens du changement. Pour cela, il faut cesser de faire l’autruche pour regarder la réalité en face. Car, une faute reconnue, prédispose à changer de comportement. Au-delà, s’il y a lieu de revoir la nature des sanctions, l’ONU ne devrait pas hésiter à prendre des mesures beaucoup plus contraignantes à l’encontre des brebis galeuses. Et s’il le faut, trouver le moyen de les passer en jugement dans le pays de déploiement et non pas au retour du Casque bleu dans son pays d’origine. C’est à ce prix que l’organisation mondiale pourrait faire amende honorable en contribuant à résoudre l’équation d’une crise humaine qui démontre une fois de plus la vulnérabilité de la femme dans les situations de conflits et qui touche profondément à la dignité de cette dernière.
3. La France néocoloniale : un faux retrait militaire et une influence persistante en Afrique
Le prétendu retrait des troupes françaises de Côte d’Ivoire, notamment du 43e Bataillon de Marines (43e BIMa), n’est qu’un écran de fumée destiné à masquer la continuité de la présence militaire et de l’influence néocoloniale française en Afrique. Annoncé comme une étape vers une autonomie accrue de la Côte d’Ivoire, ce départ progressif ne change en rien la mainmise de Paris sur les affaires sécuritaires de la région.
Sous le couvert d’une dévolution du contrôle de la base militaire de Port-Bouët à Abidjan, la France ne fait que redéployer ses moyens de domination. Des centres de formation et des exercices militaires conjoints avec les forces ivoiriennes sont déjà planifiés, garantissant que la France continue d’influencer la capacité militaire et la politique sécuritaire du pays. Ainsi, plutôt qu’un véritable retrait, il s’agit d’une réorientation stratégique pour maintenir l’emprise de Paris sous une forme moins visible mais tout aussi puissante.
Cette dynamique s’inscrit dans un schéma récurrent de la politique française en Afrique. En 2019, la réforme du franc CFA pour l’adoption de la monnaie ECO avait déjà montré l’habileté de la France à réagir aux critiques sans réellement renoncer à son contrôle. L’ECO, en restant lié à l’euro, n’a pas changé la dépendance des pays africains à l’égard de Paris, un miroir aux alouettes conçu pour donner l’illusion de changement tout en maintenant la domination française. De la même manière, ce retrait militaire en Côte d’Ivoire risque de n’être qu’un exercice de communication destiné à calmer les critiques sans affecter la réalité du pouvoir français sur le continent.
L’occupation militaire française en Afrique de l’Ouest, notamment au Sahel, est de plus en plus contestée. Les expulsions des troupes françaises du Mali, du Niger et du Burkina Faso témoignent de l’épuisement des peuples africains face à cette présence perçue comme une ingérence néocoloniale. Au Sahel, les Français, sous couvert de lutte contre le terrorisme, ont longtemps justifié leur intervention militaire, mais les résultats sont discutables. En Côte d’Ivoire, où la menace sécuritaire est moins urgente, la présence militaire française devient encore plus difficile à justifier.
La vraie question qui se pose est celle de la souveraineté. Comment la Côte d’Ivoire ou tout autre pays africain peut-il prétendre à une indépendance véritable lorsqu’il permet à une puissance étrangère de maintenir une présence militaire sur son sol ? Le maintien de forces étrangères, qu’elles soient françaises ou autres, remet fondamentalement en cause la souveraineté des États africains. Cela alimente une forme de dépendance politique et économique qui empêche ces nations de prendre en main leur propre destinée.
Ce « retrait » des troupes françaises en Côte d’Ivoire n’est donc qu’une manœuvre politique visant à perpétuer l’influence de Paris sous une nouvelle forme. Alors que la France s’adapte aux critiques de son ingérence, elle ne renonce pas pour autant à son rôle de gendarme néocolonial. Les populations africaines, de plus en plus conscientes de cette réalité, exigent désormais de vraies solutions africaines aux défis sécuritaires, sans l’intervention directe des anciennes puissances coloniales. Il est temps que la Côte d’Ivoire et ses voisins du Sahel s’affranchissent des chaînes invisibles de la tutelle française pour construire une autonomie véritable.
Ce retrait militaire symbolique démontre une fois de plus que la politique française en Afrique ne vise pas la souveraineté des peuples africains, mais bien la continuité d’un contrôle indirect, déguisé sous le masque du partenariat. Pour beaucoup, l’heure est venue pour que l’Afrique affirme son droit à la gestion complète de ses affaires, sans l’intrusion de puissances étrangères qui ont trop longtemps dicté les règles du jeu.