Par Ghorban-Ali Khodabandeh
Des explosions ont été rapportées dans le centre de l’Iran au cours de la nuit du 18 au 19 avril. Les médias ont fait état de trois « explosions » survenues près d'une base militaire dans la province d'Ispahan, dans le centre du pays. Le commandement militaire iranien a fait état de tirs de la défense aérienne « sur des objets suspects » au nord-est d'Ispahan.
L'armée israélienne est-elle à l'origine des explosions enregistrées vendredi matin en Iran ? Contacté par plusieurs médias, Israël n'a pas commenté mais selon des responsables américains cités par plusieurs chaînes de télévision, il s'agirait bien d'une riposte israélienne. Selon ces mêmes sources, Washington aurait même été prévenu, sans pour autant avoir consenti et joué un rôle dans cette attaque.
Dans la foulée de la réponse punitive de l’Iran, Israël avait promis de riposter et Téhéran avait mis en garde l’entité israélienne que toute action militaire de sa part entraînerait une réponse iranienne de plus grande envergure.
Dans une déclaration diffusée à la télévision iranienne, le chef de la division de la sécurité nucléaire au sein du Corps des gardiens de la Révolution, a indiqué que l’Iran pourrait revoir sa « doctrine nucléaire » et « les déclarations du passé » en cas d’un éventuel aventurisme israélien.
Ce que l’on sait des explosions survenues à Ispahan
Téhéran a fait état, le vendredi 19 avril, de trois explosions près d'une base militaire à Qahjavarestan, localité située entre Ispahan et son aéroport, dans le centre du pays. Des drones ont été abattus mais il n'y a pas eu d'attaque par missiles « jusqu'à présent », ont assuré les autorités iraniennes.
Et les installations nucléaires basées dans la région d'Ispahan sont totalement en sécurité. L'Iran a activé son système de défense aérienne au-dessus de plusieurs villes, ont rapporté les médias iraniens.
L'Iran a déclenché ses batteries de défense antiaérienne tôt vendredi matin après des informations faisant état d'explosions près de la ville d'Ispahan. Plusieurs drones ont été abattus vendredi à l'aube par l'armée à proximité d'une base militaire proche de la ville d'Ispahan.
Video shows the moment Iran's air defense shot down several mini quadcopters near Isfahan. pic.twitter.com/93dwwtAzPz
— Press TV 🔻 (@PressTV) April 19, 2024
L'agence officielle iranienne IRNA a précisé « qu'aucune information faisant état de tirs de systèmes de défense antimissile » n'avait été reçue. Dans la province d'Ispahan, où les explosions ont été entendues, « les installations importantes, en particulier les installations nucléaires, sont totalement en sécurité et aucun accident n'y a été signalé ».
« Ce qui s’est passé dans la nuit du vendredi à samedi n’était pas une attaque », a déclaré le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian dans une interview accordée à la chaîne américaine NBC. « Il s’agissait de deux ou trois drones quadrirotor, comme les jouets avec lesquels les enfants jouent en Iran », a ironisé le chef de la diplomatie iranienne
Des médias américains, citant des responsables américains, ont affirmé qu'il s'agissait d'une opération israélienne menée en riposte à une opération iranienne inédite aux drones et aux missiles contre Israël le 13 avril.
La chaîne Fox News a ainsi titré sur des frappes israéliennes « limitées ». Citant un haut responsable américain, ABC a évoqué « des missiles » lancés en riposte à la frappe menée par l’Iran. Selon l’agence Bloomberg, qui a également cité des responsables américains, les Israéliens avaient notifié le 18 avril les États-Unis de leur intention de frapper l'Iran dans les prochaines 24-48 heures. Un haut responsable auprès du Congrès américain qui n'a pas souhaité être nommé a confirmé une attaque israélienne en Iran.
Aucun dommage n'a été causé aux installations nucléaires iraniennes
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a confirmé vendredi qu'aucun site nucléaire iranien n'avait été endommagé après les explosions entendues à Ispahan au centre de l’Iran.
L'Agence internationale de l'énergie atomique a assuré qu'elle surveillait la situation en Iran, suite à l’escalade des tensions avec le régime sioniste.
« Nous confirmons que les sites nucléaires iraniens n’ont subi aucun dommage à la suite de l’incident et nous surveillons de près la situation », a déclaré dans un communiqué l’organe de surveillance nucléaire des Nations unies.
« L'AIEA continue d'appeler tout le monde à la plus grande retenue et rappelle que les installations nucléaires ne doivent jamais être la cible de conflits militaires », a ajouté l’Agence, citée par Reuters.
Alors que les tentatives de sabotage contre les installations nucléaires d’Ispahan se sont soldées par un échec, l'Agence internationale de l'énergie atomique a appelé toutes les parties à faire preuve de maximum de retenue.
Des sources bien informées ont également confirmé que les installations nucléaires de la province d'Ispahan étaient en totale sécurité et que les rumeurs de certains médias étrangers sur l'accident survenu sur ces sites étaient sans fondement.
Le scandale d’une riposte « Bidon » éclipse l’entité israélienne
Pour de nombreux analystes, la faible ampleur de la riposte israélienne aurait plutôt une portée symbolique et théâtrale. Ils estiment qu’Israël a commis aujourd’hui une action ridicule et très modeste afin de restaurer sa réputation perdue.
Cette attaque semblerait avoir été conçue selon le plan des États-Unis, car ces derniers souhaitent mettre fin aux aventures d’Israël et empêcher l’escalade des tensions nuisibles aux intérêts américains dans la région. De son côté, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a indiqué que son pays n’était « pas impliqué » dans cette attaque.
Par ailleurs, le chef de l'opposition au Parlement du régime israélien s’est en pris violemment au ministre de la Sécurité intérieure et a exigé sa destitution, après la publication d’un tweet de ce dernier sur l’incident survenu dans la province d’Ispahan au centre de l’Iran.
Le chef de l’opposition israélienne, Yaïr Lapid, a réagi vendredi au tweet d'un seul mot du ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, estimant que ce seul mot avait porté atteinte à l'image internationale d'Israël.
Suite à l’écrasement de trois drones à Ispahan, le ministre de la Sécurité intérieure du régime israélien a écrit un seul mot pour décrire l’éventuelle réponse israélienne: « Bidon ! »
Cette réaction a suscité une vive controverse et révélé des divisions au sein de la classe dirigeante israélienne. « Jamais auparavant un ministre n'avait causé autant de dégâts à la sécurité du pays, à son image et à son statut international », a écrit Lapid sur X. « Dans un tweet impardonnable d'un seul mot, Ben Gvir a réussi à ricaner et à faire honte à Israël», a-t-il déclaré.
Selon Lapid, n’importe quel autre Premier ministre l’aurait renvoyé du cabinet. Même les ministres qui sont assis à ses côtés et se taisent comme des moutons sont responsables et participent à l’échec impardonnable en matière de sécurité
L’Iran pourrait revoir sa doctrine nucléaire en fonction d’un nouvel aventurisme israélien
Dans un contexte d'escalade des tensions régionales, un haut responsable du Corps des gardiens de la Révolution islamique (CGRI) a signalé que les provocations israéliennes pourraient inciter à une réévaluation de la doctrine nucléaire iranienne.
Le général de brigade Ahmad Haghtalab, responsable de la sécurité des installations nucléaires iraniennes, a déclaré mercredi que « la menace » d'une attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes pourrait conduire Téhéran « à réviser et à s'écarter des politiques et considérations nucléaires précédemment communiquées ».
Ses remarques s’inscrivent dans le contexte d’une rhétorique incendiaire de la part des responsables du régime israélien selon lesquels ils ont l’intention de mener une autre attaque sur le sol iranien, avec des sites nucléaires comme l’une des cibles possibles.
« Les centres nucléaires du pays sont en pleine sécurité. La menace du régime sioniste contre les centres nucléaires iraniens permettrait de revoir « la doctrine nucléaire » et les politiques et les considérations du passé », a prévenu le général Ahmad Haghtalab, chef de la division de la sécurité nucléaire au sein du Corps des gardiens de la Révolution (CGRI).
Il a également précisé que « les centres nucléaires de l'ennemi sioniste » étaient « identifiés » et que Téhéran disposait « des informations nécessaires sur toutes les cibles ». « Les mains sont sur la gâchette pour tirer de puissants missiles pour la destruction totale des cibles déterminées », a-t-il averti.
La doctrine nucléaire actuelle de l'Iran, en vigueur depuis la Révolution islamique de 1979, met l'accent sur l'application pacifique de la technologie nucléaire conformément au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), la République islamique étant l'un des signataires du traité multilatéral.
Ghorban-Ali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)