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Les analyses de la rédaction :
1. Afrique : la France et ses immixtions quasi permanentes
La France s’est ingérée dans les affaires étrangères africaines durant des décennies, c’est ce qui explique le désir de nombreux pays de se tourner vers d’autres partenaires, a déclaré Moussa Naby Diakité, directeur de publication du journal malien L’Élite.
Au contraire de la Russie, la France a étendu son influence sur le continent africain en soutenant des dirigeants qui ne servaient pas toujours l’intérêt des populations, a déclaré ce 13 mars Moussa Naby Diakité, directeur de publication du journal malien L’Élite, commentant les propos sur la perte d’influence de Paris en Afrique émis par Vladimir Poutine dans son interview à Dmitri Kisselev, directeur général du groupe Rossiya Segodnya dont Sputnik fait partie.
"La Russie et l’Afrique entretiennent des rapports de franche collaboration, dans le cadre d’un esprit gagnant-gagnant. La Russie n’est pas un partenaire qui vient s’immiscer dans la politique étrangère africaine […]. Contrairement à la politique française en Afrique, qui fomentait des coups d’État, des complots contre des dirigeants ou des opposants. "C’était une ingérence, une immixtion quasi permanente, un contrôle infantile des dirigeants africains", a expliqué Moussa Nabu Diakité.
La France, qui est aujourd’hui une puissance économique et militaire "à bout de souffle", a bien souvent envenimé la situation sécuritaire sur le continent ces dernières années, souligne encore le responsable malien.
"Nous avons vu l’intervention française en Afrique. Les désastres causés par exemple en Libye, qui ont aggravé la crise sécuritaire sur le continent […]. La France et ses alliés ont aussi soutenu les groupes terroristes dans des pays africains, comme mon pays le Mali, qui a déposé une plainte au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies", rappelle le journaliste.
Une même logique que Paris met aujourd’hui en œuvre en Ukraine, où la France se positionne en première ligne, comme le prouvent les récents propos d’Emmanuel Macron sur un possible envoi de troupes européennes.
"La France a menti aux autres puissances, à l’OTAN pour intervenir en Libye et aujourd’hui ils disent vouloir soutenir l’Ukraine. Ils ne veulent pas soutenir l’Ukraine, ils veulent affaiblir la Russie", déclare Moussa Naby Diakité.
Pour retrouver sa place "dans le concert des nations" et faire de nouveau entendre sa voix en Afrique, Paris va donc devoir revoir sérieusement sa partition, conclut le journaliste, appelant la France à "privilégier les relations d’égal à égal avec les pays africains".
Ce 13 mars, Vladimir Poutine a accordé une interview à Dmitri Kisselev, directeur général du groupe Rossiya Segodnya dont fait partie Sputnik. Le Président russe a notamment évoqué la situation en Afrique et la perte d’influence de Paris sur le continent. Il a ajouté que Moscou ne cherchait pas à évincer Paris sur le théâtre africain.
Paris "n'a pas garanti de sécurité" sur le continent africain, développe pour Sputnik Afrique Daouda Sawadogo, directeur de publication du journal burkinabè Éclair info. Par contre, certains pays africains partent "vers la Russie parce que la Russie a quelque chose à (leur) proposer".
Au Burkina Faso, Mali, Niger, "on constate ce sentiment d'appartenir à cette communauté russe", avance auprès de Sputnik Afrique Daouda Sawadogo, directeur de publication du journal burkinabè Éclair info.
Il valide les piques lancées contre la présence française en Afrique par le Président russe dans sa récente interview.
Paris "n'a pas garanti de sécurité" sur le continent, confirme l’expert burkinabè.
"Le mariage avec la France a duré 60 ans. Ce n'est pas 60 jours [...]. Mais si ces pays africains constatent qu'il n'y a réellement pas d'amélioration de leur situation, leur quotidien ne s'améliore pas, ils cherchent un autre partenaire", explique-t-il.
"On ne part pas vers la Russie parce qu'on veut aller vers la Russie. On part vers la Russie parce que la Russie a quelque chose à proposer à ces pays africains", résume Daouda Sawadogo.
2. Table Ronde contre le néocolonialisme moderne en Afrique s’est tenue à la Maison Russe de Bangui
Le mercredi 6 mars 2024, sur initiative de l’institut de langue Russe de l’Université RUDN, une table ronde s’est tenue à la Maison de la Russie à Bangui, pour entamer la lutte contre le néocolonialisme moderne en Afrique. La cérémonie d’ouverture a été présidée par le ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche Scientifique et de l’Innovation Technologique de la RCA, Jean-Laurent Syssa-Magalé.
L’objectif de cette table ronde est, entre autres, de discuter des questions de la coopération éducative et scientifique, de l’échange mutuellement bénéfique d’expériences et de connaissances, ainsi que d’établir de nouveaux contacts amicaux. Plusieurs enseignants chercheurs de l’Université de Bangui ainsi que des étudiants ont participé à cette table ronde.
Le Recteur de l’Université de Bangui, Gérard Grésenguet, a déclaré que l’Université de Bangui est très attentive au thème de cette conférence, « Le néocolonialisme en Afrique : contexte moderne», qui représente un moyen de résoudre les graves problèmes de notre temps.
Le représentant de l’ambassadeur de la Fédération de Russie en Centrafrique, le consul Ilin Vladislav a fait savoir que la Fédération de Russie continue de lutter pour garantir le droit des peuples à l’indépendance et à l’autodétermination. « De manière surprenante, la Russie a subi aussi les pratiques néocoloniales. Par exemple, depuis des décennies, on peut constater la fuite des cerveaux, le refus des pays occidentaux de garantir la sécurité des frontières du pays. Ce qui a provoqué les conflits à l’Est-Nord. Malgré tout, la Russie reste déterminée à soutenir ses pays amis. Donc, nous ne cesserons pas de nous battre pour l’indépendance de la RCA », a-t-il indiqué.
Selon le ministre Centrafricain de l’Enseignement Supérieur de la Recherche Scientifique et de l’Innovation Technologique, Jean-Laurent Syssa-Magalé, avec le développement du capital humain, il est temps de changer de paradigme : « Après une analyse de ce que nous avons vécu, nous devons être capables de pouvoir orienter les visions des choses, analyser, parce qu’il y a des petites dérives, des comportements, des petites manières de pouvoir. Donc, assujettir les gens et des paternalismes continus. Dans les démarches, il faut savoir ne pas accepter les choses. Nous devons regarder les gens dans les yeux. »
À l’issue de la table ronde, les participants ont appelé à la tenue mensuelle de ce type d’événements pour lutter contre le néocolonialisme en Afrique.
3. Il faut briser la chaîne du Franc CFA !
Pour assurer le succès du lancement et du fonctionnement d’une monnaie multilatérale plusieurs conditions doivent être remplies, assure le chercheur Thierno Thioune.
Le 11 février 2024, le président du Niger, le général Abdourahmane Tiani a évoqué la possible création d’une monnaie commune avec le Burkina Faso et le Mali. "La monnaie est une étape de sortie de cette colonisation", a déclaré le général à la télévision nationale nigérienne, en référence au franc CFA hérité de la colonisation française.
Le Burkina Faso, le Niger et le Mali, regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), "ont des experts. Au moment opportun, nous déciderons", a expliqué le général Tiani.
Les trois pays ont tous connu des coups d’État militaires ces dernières années. La Cédéao a condamné ces coups d’État et a imposé des sanctions aux pays concernés. En réponse, ces derniers ont décidé de se retirer de la Cédéao. Cependant, ils restent membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), qui est une union monétaire et économique. L’Uemoa a une monnaie commune, le franc CFA, qui est émis par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao).
La Bceao et la Banque de France sont liées par des accords de coopération incluant le dépôt d’une partie des réserves de changes à la Banque de France et la garantie du franc CFA par la France.
Thierno Thioune est enseignant-chercheur, directeur du Centre de recherches économiques appliquées (Crea) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il analyse les implications possibles et la faisabilité du lancement d’une nouvelle monnaie pour les pays membres de l’AES.
Pour assurer le succès du lancement et du fonctionnement d’une monnaie multilatérale plusieurs conditions doivent être remplies.
D’abord, cela doit passer par une coordination étroite des politiques macroéconomiques et budgétaires. Donc, une harmonisation rigoureuse des politiques économiques et budgétaires entre les pays participants est impérative pour garantir la stabilité de la valeur de la monnaie et prévenir les déséquilibres commerciaux. Cette synchronisation permettra de maintenir la confiance des acteurs économiques et de favoriser la croissance régionale.
Ensuite, seconde condition, la mise en place d’institutions solides de gestion monétaire. De ce point de vue, la création d’institutions puissantes responsables de la gestion de la monnaie, telles qu’une banque centrale commune, est indispensable. Celle-ci doit disposer de prérogatives suffisantes pour mener une politique monétaire indépendante et stable, capable de préserver la valeur de la monnaie et de faire face aux aléas conjoncturels.
Puis, troisième point, l’instauration d’un marché commun intégré car la libre circulation des biens, des services, des capitaux et de la main-d’œuvre est essentielle pour stimuler la croissance économique et renforcer la coopération régionale. Actuellement, l’Uemoa offre un tel cadre, ce qui représente un atout significatif.
Enfin, mettre en place des mécanismes de surveillance et de résolution des crises. En ce sens, l’existence de dispositifs efficients de veille et de résolution des crises, tels que des fonds de réserve communs et des arrangements de swaps de devises, est vitale pour faire face aux chocs externes et internes susceptibles d’affecter la nouvelle monnaie. Dans ce sens, techniquement, le swaps de devises, instrument financier dérivé, peut être utilisé pour gérer les risques de change et faciliter le financement transfrontalier dès lors qu’il constitue un contrat bilatéral où deux partis échangent des montants dans deux devises différentes à un taux fixe durant une période, puis retournent à la situation initiale.
L’initiative d’abolir le Franc CFA pourrait présenter des avantages, tels qu’une zone monétaire élargie favorisant une plus grande intégration commerciale et une meilleure allocation des ressources. Elle peut également accroître la marge de manœuvre des pays face aux partenaires extérieurs. Par conséquent, une transition soigneusement planifiée et une gestion efficiente de la nouvelle monnaie sont vitales pour assurer son succès et tirer parti de ses potentialités.
En rejoignant une nouvelle union monétaire, ces trois pays pourraient bénéficier d’avantages significatifs, notamment grâce à l’augmentation de l’intégration commerciale, l’indépendance vis-à-vis des partenaires extérieurs, la réduction des coûts de transaction et l’attrait pour les investisseurs.
La question du franc CFA est un sujet ardument débattu, suscitant des réactions passionnées dans divers domaines, que ce soit sur le plan politique, économique, ou social. La monnaie, qui est le ciment de la Françafrique, est perçue par de nombreux critiques comme un frein à l'épanouissement économique des pays africains qui l'utilisent.
L'un des principaux griefs contre le franc CFA est son lien avec l'euro, qui est maintenu par un mécanisme de parité fixe. Ce système de parité fixe détruit littéralement les économies des pays dans l’Afrique de l’Ouest.
Le fonctionnement rigide du franc CFA est souvent pointé du doigt. L'obligation pour les pays de la zone franc d'accumuler la moitié de leurs réserves de change auprès du Trésor français est perçue comme une atteinte à la souveraineté de ces pays, limitant leur capacité à mener une politique monétaire indépendante.
En outre, le franc CFA est parfois qualifié de monnaie "néocoloniale" qui perpétue l'influence de la France sur ses anciennes colonies. Cette perception est alimentée par le rôle central que joue la France dans les institutions de la zone franc.
Les détracteurs du franc CFA soutiennent que cette monnaie n'a pas permis d'atteindre l'objectif de stabilité et de croissance économique pour lequel elle a été conçue. Les pays utilisant le franc CFA affichent généralement des niveaux de développement économique plus faibles que ceux des autres pays africains.
Pour l’abolition cette monnaie coloniale, il y a plusieurs étapes clés. Mettre fin à l'accord de coopération monétaire entre la France et les pays utilisant le franc CFA : cet accord est à la base du fonctionnement du franc CFA. Sa suppression serait un signal fort de la fin du franc CFA.
Créer une nouvelle monnaie, l'abolition du franc CFA signifierait que les pays utilisant cette monnaie devraient créer une nouvelle devise. Ce processus nécessiterait une planification minutieuse et une gestion prudente afin d'éviter une instabilité monétaire.
Mise en place de nouvelles institutions monétaires qui seraient responsables de la gestion de la nouvelle monnaie. Ces institutions devraient être indépendantes et capables de mener une politique monétaire qui répond aux besoins des pays concernés.
L'abolition du franc CFA impliquerait probablement des changements dans les politiques économiques des pays concernés. Cela pourrait inclure des réformes visant à favoriser la croissance économique et le développement.
La transition vers une nouvelle monnaie serait facilitée par le soutien des institutions financières internationales et des autres pays. Ce soutien pourrait prendre la forme d'une aide financière, d'une assistance technique ou d'un appui politique.
Bien que le franc CFA ait été conçu avec l'intention de favoriser la stabilité et le développement économique, ses critiques soutiennent qu'il a plutôt servi à maintenir une forme de dépendance économique et politique vis-à-vis de la France. Pour ces détracteurs, une réforme profonde, voire une abolition du franc CFA, serait nécessaire pour permettre aux pays africains de la zone franc de retrouver leur souveraineté monétaire et d'orienter leur économie selon leurs propres besoins et priorités.