La colère des agriculteurs fait tache d’huile en Europe, avec des mobilisations en Espagne et en Italie, Paris tentant pour sa part d’enrayer la crise en appelant à « une exception agricole française » et en annonçant de nouvelles mesures, rapporte l’AFP.
Trop de normes bureaucratiques, revenus trop bas, inflation, concurrence des produits étrangers, flambée des prix du carburant : la litanie des revendications se retrouve dans la plupart des pays confrontés au mécontentement agricole.
En France, le nouveau Premier ministre, qui faisait mardi sa déclaration de politique générale au moment où les agriculteurs bloquent des axes stratégiques depuis deux jours, a promis d’« être au rendez-vous » pour répondre à la crise.
Les aides européennes de la Politique agricole commune (PAC) au titre de 2023, qu’il avait promises d’accélérer, seront versées « d’ici le 15 mars », a assuré Gabriel Attal, qui a énuméré les mesures déjà prises, comme l’abandon de la taxe sur le gazole non routier, et promis que le gouvernement irait « plus loin encore », toujours selon l’AFP.
Sans donner de détails, il a aussi évoqué un renforcement des aides fiscales aux éleveurs et « un grand plan de contrôle sur la traçabilité des produits », alors que de plus en plus d’agriculteurs ont décidé d’inspecter par eux-mêmes des camions visiblement étrangers sur les routes de France.
Le président Emmanuel Macron, lors d’une visite d’État en Suède, s’est de son côté engagé à défendre plusieurs revendications des agriculteurs français à Bruxelles, sur les importations de volaille en provenance d’Ukraine, le projet d’accord commercial entre l’UE et le bloc latino-américain Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) et les obligations de jachères.
Trahis par l’Europe
Mais alors que des agriculteurs français dénoncent certaines obligations de la PAC, « ce serait de la facilité de tout mettre sur le dos de l’Europe », a affirmé M. Macron.
Le chef de l’État s’entretiendra jeudi avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, notamment sur l’arrivée de produits ukrainiens dans l’Union et le gel du projet UE-Mercosur.
Le mouvement de colère s’étend en tout cas sur le continent : après des manifestations en Allemagne, en Pologne, en Roumanie, en Belgique ou en Italie ces dernières semaines, les trois principaux syndicats agricoles espagnols ont annoncé des « mobilisations » dans l’ensemble du pays au cours des « prochaines semaines ».
En France, les agriculteurs continuent à perturber le trafic un peu partout dans le pays, plus d’un quart des départements français (30) ayant été touchés, après avoir parfois passé la nuit dans leur tracteur.
Plusieurs blocages stratégiques ont été organisés autour de Paris, mais aussi sur plusieurs autoroutes et beaucoup se disaient déterminés à tenir les blocus jusqu’à obtenir gain de cause.
Toutefois, malgré les menaces syndicales, le « siège » annoncé sur la capitale française n’a jusqu’à présent pas eu lieu, et ses aéroports n’ont pas été bloqués, à en croire l’AFP.
En Italie, des dizaines d’agriculteurs se disant « trahis par l’Europe » ont protesté mardi avec leurs tracteurs près de Milan (nord).
Le gouvernement grec, également confronté à une contestation grandissante du monde agricole, a lui promis d’accélérer le versement des aides financières aux agriculteurs victimes de graves inondations l’an dernier.
La nouvelle PAC, qui renforce depuis 2023 les obligations environnementales, et les législations du Pacte vert européen (ou « Green Deal ») - même si elles ne sont pas encore en vigueur - cristallisent tout particulièrement la colère, ajoute l’AFP.
À ce titre, la Commission européenne a annoncé mardi qu’elle envisageait d’adopter une nouvelle dérogation aux règles sur les jachères, qui imposent de garder 4 % de jachères ou surfaces non productives.
La France a beau être le premier bénéficiaire des subventions agricoles européennes avec plus de neuf milliards d’euros par an, ses paysans dénoncent une PAC selon eux déconnectée du terrain.
« La France est l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent », pointait un rapport sénatorial français en septembre 2022. En vingt ans, elle est passée du deuxième au sixième rang mondial pour ses exportations - et au troisième rang européen, après les Pays-Bas et l’Allemagne.
Plus généralement, les agriculteurs européens dénoncent une concurrence déloyale au niveau agricole, notamment parce que les produits importés ne sont généralement pas soumis aux mêmes réglementations que dans l’UE.
Le nombre d’exploitations agricoles a en outre été divisé en France par quatre en 50 ans : de 1,5 million en 1970, elles sont désormais moins de 400 000, ajoute le rapport.