Par Wesam Bahrani
L’hésitation des États-Unis à riposter alors que leurs bases militaires illégales en Irak et en Syrie subissent des attaques est, d’une part quelque chose de gênant pour Washington et, d’autre part, un précurseur du retrait complet des forces américaines d’Irak et dans un avenir pas si lointain.
Après plus de 60 attaques contre des bases militaires américaines en Irak et en Syrie ces dernières semaines, provoquant des destructions massives, le Pentagone a finalement réagi la semaine dernière.
Des responsables à Washington ont déclaré que les forces militaires américaines avaient déployé pour la première fois un avion de combat AC-130 pour repousser une attaque contre la base militaire d'Aïn al-Assad, située dans la province d'al-Anbar, à l'ouest de l'Irak.
La Résistance islamique en Irak a revendiqué la responsabilité de sa dernière opération visant les forces américaines stationnées sur cette base.
L’attaque aurait été meurtrière ; ce qui aurait contraint pour la première fois le commandement central américain à ordonner une réponse militaire rapide.
Des responsables américains cités par les médias américains ont déclaré que l'attaque a fait des blessés et infligé des dommages aux infrastructures.
Contrairement aux allégations des médias occidentaux, des sources militaires bien informées affirment que les soldats américains blessés n’ont pas repris leurs fonctions.
Un article sur les réseaux sociaux lié à la Résistance islamique en Irak a publié un communiqué qui dit : « En réponse aux crimes commis par l'ennemi contre nos frères à Gaza, la Résistance islamique en Irak a ciblé la base de l'occupation américaine d'Aïn al-Assad, à l'ouest de l'Irak ainsi que la base de l'occupation américaine d'al-Shaddadi, au sud de la périphérie de Hassaké, à l’est de la Syrie. »
L'opération a été menée avec « les armes nécessaires et les deux bases ont été touchées par des tirs directs », ajoute le communiqué.
Pour la première fois, le groupe de résistance irakien a utilisé des missiles balistiques pour attaquer la base. Ils étaient à courte portée mais dangereux.
Dans une autre escalade, l'armée américaine a frappé trois sites dans la région de Jurf al-Nasr, au sud de Bagdad, tuant huit membres des Kataëb Hezbollah, également connus sous le nom de brigades irakiennes du Hezbollah.
Le Kataëb Hezbollah a déploré le martyre de ses membres et a averti les Américains qu'une réponse plus ferme les attendait.
Le Premier ministre irakien Mohammed Shia al-Sudani a également condamné les attaques américaines sur le territoire irakien, les qualifiant de violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du pays.
Depuis le début de la campagne génocidaire israélienne à Gaza le 7 octobre, il y a eu au moins 60 attaques de drones et de missiles contre des bases militaires américaines en Irak et en Syrie, provoquant des blessures, un choc et la panique parmi les forces américaines.
Les mouvements de résistance irakiens et les dirigeants des Partis politiques ont critiqué les États-Unis pour leur complicité dans le génocide de Gaza et ils ont ouvertement déclaré leur intention de frapper et de décimer les bases illégitimes américaines en Irak.
Le secrétaire général de l’Organisation Badr en Irak, Hadi al-Ameri, un homme politique et commandant militaire irakien chevronné, a averti qu'« il était temps pour la coalition internationale (à majorité des forces américaines) à quitter l'Irak ».
« Après une période de calme, les forces américaines présentes dans les bases d'Aïn al-Assad et de Harir ont été la cible des groupes de la résistance islamique en Irak ; ce qui constitue une réaction naturelle au parti pris des États-Unis et de certains pays européens à l'égard de l'entité sioniste usurpatrice », a-t-il martelé.
La période de calme évoquée par al-Ameri est un accord informel entre le gouvernement irakien et les groupes de la résistance, collectivement connues sous le nom d'Unités de mobilisation populaire (Hachd al-Chaabi) pour permettre à la diplomatie de lutter contre la Résistance et d'expulser les forces d'occupation.
Le ministre irakien des Affaires étrangères Fouad Hussein a déclaré que grâce aux négociations avec la partie américaine, les gouvernements successifs ont réussi à réduire de moitié le nombre de soldats américains.
Le gouvernement de Joe Biden se trouve désormais dans une position extrêmement délicate.
La période de calme est terminée
Les Hachd al-Chaabi se sont engagées à soutenir le Mouvement de résistance palestinien, Hamas et le peuple de Gaza dans leur lutte contre l’occupation israélienne soutenue par les États-Unis.
Alors que le nombre de morts à Gaza est de près de 15 000, les attaques contre les bases américaines se sont également multipliées.
Après le cessez-le-feu temporaire de quatre jours entre le Hamas et le régime israélien, prolongé de deux jours supplémentaires, aucune attaque n'a eu lieu contre les bases américaines.
Mais si le régime sioniste reprend son ignoble campagne de bombardements sur Gaza, les attaques contre les bases américaines en Irak et en Syrie reprendront probablement également, et cette fois, de manière plus puissante.
Biden est pleinement conscient que le Cadre de coordination dispose désormais de la majorité des sièges au Parlement irakien. Cette alliance comprend des membres des ailes politiques des Hachd al-Chaabi, comme l'Organisation Badr dirigée par al-Ameri ou Asaëb Ahl al-Haq dirigée par Qaïs al-Khazali.
Les groupes de résistance armée ont contraint le président américain de l’époque, Barack Obama, à retirer les forces américaines d’Irak en 2011 après avoir fait des dizaines de milliers de victimes parmi le personnel militaire américain.
D'autres groupes de résistance irakiens tels que Kataëb Hezbollah ou Harakat al-Nujaba, bien qu'ils ne détiennent aucun siège au Parlement du pays, partagent le même sentiment anti-américain que le Cadre de coordination.
Alors que le Pentagone prétend que ses forces en Irak jouent un rôle consultatif dans la lutte contre le groupe terroriste Daech, il a été prouvé à maintes reprises qu’il ne s’agissait que d’une simple poudre aux yeux.
Il a été constaté que les États-Unis soutenaient les cellules dormantes de Daech et utilisaient le groupe terroriste comme prétexte pour occuper de nouveau l’Irak en 2014.
Parmi les bases militaires américaines illégitimes en Irak, trois se démarquent.
L'ambassade des États-Unis
Le complexe inhabituellement vaste situé dans la zone verte de Bagdad est tout sauf une mission diplomatique étrangère.
Des milliers de militaires américains utilisent l'espace « diplomatique » comme base pour planifier et mener des activités d'espionnage contre l'Irak et d'autres pays de la région.
Base d'Aïn al-Assad
Une grande base aérienne militaire près de la frontière avec la Syrie, que l'Iran a rasée après l'assassinat par les États-Unis des principaux commandants antiterroristes : le général iranien, Qassem Soleimani et le numéro deux des Hachd al-Chaabi, Abou Mahdi al-Mohandes, à Bagdad, en janvier 2020.
Elle est utilisée par les États-Unis pour donner l’ordre à leurs cellules terroristes mandatées par Daech de déstabiliser l’Irak et la Syrie. Un autre objectif est de semer la sédition entre les populations irakiennes sunnites et chiites.
Son emplacement, dans la plus grande province sunnite d’al-Anbar et sa capitale provinciale Ramadi, est bien adapté à ces objectifs néfastes.
Il n’existe pas une seule base militaire américaine dans les provinces irakiennes à majorité chiite.
Base aérienne d'al-Harir
Conformément aux efforts américains visant à déstabiliser l’Irak et l’Iran voisin, la base aérienne d’al-Harir, dans la province kurde d’Erbil, au nord du pays, est principalement utilisée comme base pour les opérations anti-iraniennes.
Les terroristes kurdes ont permis aux espions israéliens d'opérer dans le nord et les ont aidés à violer l'intégrité territoriale de l'Iran.
C’est à al-Harir que sont planifiées certaines de ces opérations entre les Américains, les terroristes kurdes et les agents israéliens.
Ce sont les principales bases militaires dont dépend pour l’instant le commandement central américain.
Le gouvernement de Joe Biden avait reçu l’engagement du Premier ministre al-Sudani d’assurer la sécurité des troupes américaines en Irak.
Cet engagement ou comme les Irakiens l’appellent ce fardeau, a été transmis à al-Sudani par son prédécesseur, considéré comme un Premier ministre plus faible, Mustafa al-Kazemi.
Le Cadre de coordination et les Hachd al-Chaabi qui font partie intégrante des forces armées irakiennes (qu’ils aient ou non des représentants au Parlement) ont désormais abandonné l’accord informel prévoyant de ne pas attaquer les bases américaines illégitimes.
Si l’armée israélienne reprend ses attaques sur la bande de Gaza, la Résistance irakienne fera de même contre les bases américaines dans la région, avec l’implication de factions de Résistance plus puissantes des Hachd al-Chaabi.
Le Premier ministre irakien est conscient que sans les Hachd al-Chaabi et leur lutte courageuse contre les terroristes de Daech pour libérer le pays, il n’y aurait pas de gouvernement irakien aujourd’hui.
Les Hachd al-Chaabi ont le mandat légal pour le faire, ce dont Washington est pleinement conscient et, pour cette raison, il a essayé de s’abstenir de les prendre pour cible afin d’éviter son départ forcé d’Irak.
Suite à l’assassinat par les États-Unis de Qassem Soleimani et d’Abou Mahdi al-Mohandes à proximité de l’aéroport international de Bagdad, plusieurs mesures ont été prises.
Le Parlement irakien a voté à l'unanimité une résolution qui demandait l'expulsion des forces américaines en qualifiant leur présence sur le territoire irakien comme une occupation.
Même si cette résolution n’était pas à caractère contraignant, elle le devint automatiquement lorsque le Premier ministre irakien de l’époque, Adel Abdel-Mahdi, l’inscrivit dans la législation.
Il y a également eu une marche d'un million de personnes à Bagdad pour appeler à l'expulsion des forces américaines. L’écriture était sur le mur : toutes les couches de la société irakienne veulent que les Américains partent.
Ce qui s’est passé ensuite est devenu connu sous le nom de mouvement Tishreen.
Des mois d’émeutes violentes, d’incendies des bureaux des Hachd al-Chaabi et de meurtres de ses membres, dans ce qui est désormais largement documenté comme un complot soutenu par les États-Unis visant à retourner des segments de la société irakienne contre les Hachd al-Chaabi.
Cela a également conduit à la démission d'Adel Abdel-Mahdi.
Le Pentagone considère ses bases en Irak comme une expansion de son hégémonie en Asie de l’Ouest.
Les attaques en cours contre ses bases militaires constituent un véritable casse-tête pour Washington. Avec plus de 60 opérations en Irak et en Syrie en moins de sept semaines, le Pentagone n’a tout simplement pas les moyens d’y riposter.
Le Pentagone préférerait conserver des bases navales, aériennes et terrestres beaucoup plus vastes dispersées dans le golfe Persique, plutôt que d’être attaqué quotidiennement en Irak et en Syrie sans disposer des forces et des ressources nécessaires pour y répondre.
Avant d'attaquer l'Irak, le CENTCOM n'avait autorisé que trois frappes sur le territoire syrien, sachant qu'il ne pouvait se permettre une escalade avec la Résistance irakienne.
Le Washington Post a rapporté que les responsables américains étaient fortement frustrés par ce qu'ils considèrent comme « une stratégie incohérente » dans la gestion et par l'incapacité de dissuader les attaques.
« Il n'y a pas de définition claire de ce que nous essayons de dissuader », aurait déclaré un responsable. « Ça ne marche clairement pas. »
Tout cela rendu une chose très claire : si la guerre israélienne contre Gaza s’intensifie, les bases terrestres américaines en Irak disparaîtront ainsi que l’ambassade américaine à Bagdad, la capitale irakienne.
Wesam Bahrani est un journaliste et commentateur irakien.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)