La junte militaire au Niger a annoncé lundi 14 août dans un communiqué qu'il rappelait « pour consultation » l'ambassadeur du Niger à Abidjan, après des propos du président ivoirien Alassane Ouattara, accusé d'avoir fait « l'apologie de l'action armée contre » le pays.
En référence au feu vert donné par des voisins ouest-africains du Niger à une possible intervention armée pour rétablir l'ordre constitutionnel, la junte militaire dénonce l'« empressement » de Ouattara à « voir se réaliser cette agression en tout point illégale et insensée contre le Niger ».
À son retour jeudi d'un sommet de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) à Abuja, le président Ouattara a déclaré que les chefs d'État avaient donné leur accord pour qu'une opération militaire « démarre dans les plus brefs délais » afin de rétablir dans ses fonctions le président Mohamed Bazoum renversé par un coup d'État le 26 juillet.
Il a annoncé que la Côte d'Ivoire fournirait « un bataillon » de 850 à 1.100 hommes, aux côtés du Nigeria et du Bénin notamment. « Les putschistes peuvent décider de partir dès demain matin et il n'y aura pas d'intervention militaire, tout dépend d'eux », avait-il martelé, ajoutant : « Nous sommes déterminés à réinstaller le président Bazoum dans ses fonctions. »
Le communiqué du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) qui a pris le pouvoir à Niamey estime que cette « précipitation (...) atteste de la manipulation orchestrée par certaines puissances extérieures », qu'il ne cite pas. « C'est pourquoi le CNSP et le gouvernement du Niger expriment leur rejet total des propos tenus » par Alassane Ouattara « qui vont au-delà de la position commune de l'organisation sous-régionale (Cédéao) elle-même déniée de fondement légal, et décident du rappel de l'ambassadeur du Niger à Abidjan pour consultation ».
Jeudi, les dirigeants de la Cedeao avaient réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour rétablir le président Bazoum, tout en ordonnant le déploiement de la «force en attente» de l'organisation, sans dévoiler le calendrier ni les modalités d'une éventuelle intervention militaire ouest-africaine.
Ce développement survient alors que les auteurs du coup d’État ont annoncé le 13 août leur intention de poursuivre le président nigérien pour « haute trahison » et « atteinte à la sûreté » du pays.
« Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour » les « preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger », a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, un des membres de la junte, dans un communiqué lu dimanche à la télévision nationale.
Le gouvernement appuie ses accusations sur des « échanges » de Mohamed Bazoum avec des « nationaux », des « chefs d’État étrangers », et des « responsables d’organisations internationales ». La junte militaire a appelé à « s’interroger sur la sincérité de sa prétention à soutenir qu’il est séquestré, alors même que les militaires n’ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu’il dispose encore de tous les moyens de communication ».
Mohamed Bazoum s’est entretenu plusieurs fois avec des représentants de pays alliés au Niger avant le coup d’État, comme les États-Unis, et des membres de son entourage politique. Les militaires assurent également qu’il « reçoit régulièrement la visite de son médecin ».
Selon un conseiller du président renversé, une consultation a eu lieu samedi. « Après cette visite, le médecin n’a soulevé aucun problème quant à l’état de santé du président déchu et des membres de sa famille », ont ajouté les militaires.
Les nouvelles autorités militaires ont par ailleurs dénoncé « les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cedeao », prises lors d’un sommet de l’organisation le 30 juillet, au cours duquel avait aussi été fixé un ultimatum de sept jours pour rétablir l’ordre constitutionnel, sous peine d’un recours à la force qui n’a pas été appliqué.