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L'éviction sans cérémonie de Robert Malley, l'homme de confiance de l'administration Biden sur l'Iran

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Syed Zafar Mehdi

Vendredi, au grand étonnement des internautes, la photo de profil du compte Twitter associé à l'envoyé spécial américain pour le bureau iranien a été modifiée, Robert Malley étant remplacé par Abram Paley.

Après avoir été inactif pendant plus d'un mois, un nouveau tweet est apparu sur le compte, soulignant la transition feutrée dans le bureau qui relève directement du secrétaire du département d'État américain Antony Blinken.

« Le bureau de l'envoyé spécial pour l'Iran et toute l'équipe du département d'État restent engagés dans la mise en œuvre de notre politique sur l'Iran », lit-on dans le tweet, essayant d'apaiser les inquiétudes des faucons à Washington.

« Nous poursuivons notre travail avec nos alliés et nos partenaires pour limiter le comportement déstabilisateur de l'Iran, défendre les droits de l'homme, encourager la désescalade et promouvoir un Moyen-Orient stable, prospère et plus intégré. »

Paley a été l'adjoint de Malley et avait agi en tant qu'envoyé spécial par intérim pour l'Iran après que son patron a été suspendu de ses fonctions à la suite d'une enquête du FBI sur sa « mauvaise gestion » des informations classifiées.

On ne sait toujours pas exactement ce qui a poussé le département d'État américain à le mettre « en congé sans solde » ainsi qu'à suspendre son habilitation de sécurité, mais ce qui est clair, c'est qu'il a dû les froisser d’une manière ou d’une autre…ou comment dire « les frotter dans le mauvais sens du poil ».

Les responsables de l'administration Biden restent discrets sur la suspension de son habilitation de sécurité, mais des rapports suggèrent que cela est intervenu après que le Bureau de la sécurité diplomatique du département d'État américain a lancé une enquête pour savoir si le diplomate chevronné pouvait se voir confier des « informations classifiées ».

Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, qui est apparu dimanche sur CBC News, a refusé de commenter l'enquête du FBI sur le limogeage de Malley.

Selon les médias américains, Malley a continué à travailler pendant des semaines après le retrait de son habilitation de sécurité, qui n'a été révélée qu'après avoir sauté un important briefing du Congrès sur l'Iran.

De nombreuses questions restent cependant sans réponse - quelles étaient les « informations classifiées » qu'il aurait mal gérées, quand lui a-t-on communiqué que son habilitation de sécurité avait été suspendue et quand a-t-il effectivement perdu l'accès à la zone diplomatique hautement fortifiée autour de Blinken ?

Certains sénateurs républicains ont demandé au département d'État américain d'enquêter sur la suspension du haut diplomate américain qui a été nommé par le président Joe Biden au printemps 2021 pour diriger les pourparlers visant à relancer l'accord nucléaire de 2015 et à lever les sanctions américaines paralysantes et injustes contre l’Iran et les Iraniens.

Les négociations marathon, en cours depuis avril 2021 dans la capitale autrichienne Vienne, ont connu de multiples pauses, remettant en question le motif et l'approche de l'administration Biden, qui s'était publiquement engagée à annuler les mesures imprudentes prises par l'administration précédente.

Le rôle de Malley, en particulier, a fait l'objet d'un examen minutieux, beaucoup le décrivant comme ignorant et frustré, effectuant une tâche contrôlée à distance et scénarisée.

Selon certaines informations non confirmées, Malley a récemment eu des entretiens avec certains responsables iraniens dont l'envoyé iranien de l'ONU Saeed Iravani, ce qui a fait lever des sourcils dans les couloirs du pouvoir à Washington, car cela n’aurait pas fait partie du scénario estampillé et approuvé par le complexe militaro-industriel.

Le script prévu d’avance et en termes sans ambiguïté, dit que les responsables américains ne doivent pas « suivre les babines ». Ils devraient rendre le processus complexe, trouver des excuses pour le laisser traîner en longueur, puis blâmer l'Iran pour les tergiversations. Tout comme la sortie unilatérale de Trump de l'accord a été imputée à l'Iran ou encore lorsque l’on a imputé aussi à Téhéran le rétablissement des sanctions. Sans oublire qu’ensuite, on a reproché aussi à la RII, les mesures réciproques en réponse à la violation par les États-Unis de l'accord multilatéral.

Une série de pauses dans les pourparlers de Vienne ont également été imputées à l'Iran, malgré le fait que les Américains aient été réticents à fournir les garanties nécessaires ou à inverser la politique de « pression maximale » de Trump. Même les Européens le reconnaissent mais ne sont pas disposés à le rendre public pour des raisons évidentes.

En d'autres termes, tout ce que font les Américains est justifié, même s'ils se moquent du droit international.

Malley a fait ce qu'on n'attendait apparemment pas de lui - il pourrait s'agir de sa rencontre avec des responsables iraniens, ou peut-être de sa remise en question de la politique de procrastination de l'administration Biden, ou peut-être du fait qu'il a pris les négociations en cours un peu trop au sérieux. Parce que, du point de vue des Américains, ce n'est pas du tout une affaire sérieuse ; l’idée étant apparemment de laisser traîner le processus.

En tant qu'ami de longue date et confident de Blinken, sa décision de le mettre à l'écart a été néanmoins un choc pour de nombreux experts des affaires stratégiques en Occident.

Mais, il est important de comprendre que ce n'est pas le département d'État qui décide de la politique étrangère américaine, mais le complexe militaro-industriel global.

Le rôle du lobby pro-israélien à Washington ne peut être ignoré. Il visait Malley depuis le premier jour en tant que porte-parole de Blinken sur l'Iran et en tant qu’une personne «suspecte » du seul fait qu’il était capable de faire revivre du moins en théorie, l'accord nucléaire de 2015, accord à la survie duquel le régime israélien et ses lobbies s'opposent avec véhémence.

Des républicains conservateurs aux partisans du changement de régime en passant par les sionistes d'extrême droite, tous ont vu en Malley une personne qui pousserait au récit et au dialogue avec la République islamique d'Iran. Ce que veulent le complexe militaro-industriel américain et le puissant lobby sioniste à Washington, c'est la guerre avec l'Iran, pas la relance de l'accord nucléaire de 2015 ou l'assouplissement des sanctions paralysantes.

Biden et Blinken, c'est amplement clair, ont été pris en otage par le complexe militaro-industriel, et Malley a fini par être le bouc émissaire, malgré son approche pas si douce envers l'Iran.

Beaucoup se demandent quelles répercussions possibles son éviction sans cérémonie pourrait avoir sur le sort de l'accord nucléaire de 2015 et plus précisément sur les pourparlers en cours.

Du point de vue de Téhéran, de telles transitions ne sont évidemment pas pertinentes.

Le fait est que l'Iran fait toujours partie de l'accord, contrairement aux États-Unis. C'est donc l'administration Biden qui doit faire preuve de volonté politique et revenir à l'accord et de bonne foi, avec ou sans Malley.

 

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV