Le président français Emmanuel Macron va devoir faire face à un tournant décisif ce lundi 20 mars, lorsque l'Assemblée nationale française devra se prononcer sur les motions de censure déposées après que son gouvernement a contourné le Parlement jeudi pour imposer un relèvement impopulaire de l'âge de départ à la retraite.
Cette décision, qui fait suite à des semaines de manifestations contre la réforme des retraites, a déclenché trois nuits d'agitation et de manifestations à Paris et dans tout le pays, avec des centaines d'arrestations, réminiscences des manifestations des Gilets jaunes qui ont éclaté fin 2018 contre les prix élevés des carburants.
Pour montrer sa fermeté, le bureau de M. Macron a déclaré dimanche soir que le président avait appelé les chefs de la chambre haute du Sénat et de l'Assemblée nationale pour leur dire qu'il voulait que la réforme des retraites aille "jusqu'au bout de son processus démocratique".
Le président leur a également dit que le gouvernement avait été mobilisé de façon à "protéger" les parlementaires soumis à des pressions avant le vote.
Cependant, bien que les votes de lundi révèlent l'ampleur de la colère contre le gouvernement de M. Macron, il est peu probable qu'ils le fassent tomber.
Vendredi, les députés de l'opposition ont déposé deux motions de censure au Parlement.
Le groupe centriste Liot a proposé une motion de censure interpartis, qui a été cosignée par l'alliance d'extrême gauche Nupes. Quelques heures plus tard, le parti d'extrême droite Rassemblement national, qui compte 88 députés à l'Assemblée nationale, a également déposé une motion de censure.
Mais même si le parti de M. Macron a perdu sa majorité absolue à la chambre basse après les élections de l'année dernière, il y a peu de chances que la motion interpartis soit adoptée, à moins qu'une alliance surprise de législateurs de tous bords ne se forme, de l'extrême gauche à l'extrême droite.
Les dirigeants du parti conservateur Les Républicains (LR) ont exclu une telle alliance. Aucun d'entre eux n'a soutenu la première motion de censure déposée vendredi.
Mais le parti subit tout de même des pressions.
Dans la nuit de samedi à dimanche, la permanence du président des Républicains Eric Ciotti a également été vandalisée, a-t-il annoncé sur Twitter.
Des inscriptions telles que "la motion ou le trottoir" ont été taguées sur les murs blancs, tandis que des débris de verre ont été retrouvés sur le sol. Éric Ciotti a réitéré sa décision de ne pas voter la motion de censure déposée par le groupe Liot, qui sera examinée lundi prochain. "Les émeutiers qui ont fait ça veulent utiliser la violence pour faire pression sur mon vote lundi", a déclaré le chef de file des Républicains (LR) sur Twitter.
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a souligné sur BFM TV que la grande majorité des manifestations de samedi s'étaient déroulées "avec détermination et dans le calme". "Nous avons toujours condamné les violences en marge des manifestations", a-t-il rappelé, avant d'ajouter : "C'est sa (le président Emmanuel Macron) responsabilité si cette colère atteint ce niveau-là".
Dans une interview à Libération, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a dit vouloir maintenir la mobilisation avec l'intersyndicale, malgré le rejet probable des motions de censure lundi à l'Assemblée nationale. Cette réforme des retraites "n'est pas un échec, c'est un naufrage", a-t-il dit. Selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche, la côte de popularité d'Emmanuel Macron a perdu quatre points le mois dernier, à 28%, son niveau le plus bas depuis la crise des "Gilets jaunes".
Même si le gouvernement survit au vote de défiance de lundi, une large alliance des principaux syndicats français a déclaré qu'elle continuerait à se mobiliser pour tenter de forcer un retour en arrière dans les réformes. Une journée nationale d'action syndicale est prévue jeudi.
Les grèves dans les raffineries du pays se sont poursuivies tout au long du week-end, faisant craindre une possible pénurie de carburant.
Toutefois, moins de 4 % des stations-service françaises connaissaient des ruptures d'approvisionnement, a déclaré René-Jean Souquet-Grumey, directeur de la fédération des stations-service de Mobilians, à la station de radio française franceinfo dimanche.
Les grèves reconductibles se sont poursuivies dans le secteur ferroviaire, tandis que les ordures se sont accumulées dans les rues de Paris après que les éboueurs se sont joints à l'action.