Le président français Emmanuel Macron a révélé lundi que son gouvernement prévoyait de réorganiser la présence des troupes françaises en Afrique. Il a annoncé un « nouveau partenariat de sécurité » qui verrait un nombre réduit de militaires français dans le but de renforcer l'influence détériorée de Paris en Afrique.
Macron a déclaré lundi 28 février que son pays prévoyait de changer sa politique envers le continent africain et de faire preuve d'une « profonde humilité ».
Le Dr Félix Ndahinda, maître de conférences honoraire à l'Université du Rwanda, spécialisé dans les conflits, la paix et la justice dans la région des Grands Lacs, estime que Paris ne peut pas « se détacher complètement » du passé, « quand ce passé est enraciné dans le colonialisme qui a créé de nouvelles réalités ».
Il a fait valoir que le changement de politique de la France en Afrique est plutôt un effort pour « s'adapter à l'évolution de l'environnement » qu'un mouvement basé sur un idéal abstrait pour un changement « authentique ».
« L'approche de Macron est ancrée dans le réalisme, alors qu'il tente de réajuster l'engagement de son pays avec l'Afrique en fonction des nouvelles réalités », a déclaré le chercheur dans une interview à Sputnik. « Les intérêts sont au cœur de cette recherche de nouveaux termes d'engagement. »
Ndahinda a expliqué que le continent africain, qui est la région du monde à la croissance la plus rapide, est en train de changer et que les Africains abandonnent « la politique étroite dictée par l'héritage colonial ». Il a ajouté que la France, qui a souvent été critiquée pour ses relations d'exploitation avec les anciennes colonies africaines, est consciente de la nécessité de rechercher un partenariat plus « équilibré » avec l'Afrique.
« Un partenariat équilibré devrait rompre avec ces pratiques du passé », a-t-il déclaré. « Les liens politiques et économiques doivent se concentrer sur des intérêts mutuellement bénéfiques et s'éloigner du paternalisme existant de la France vis-à-vis du continent. »
Commentant le voyage prévu du président français Macron dans quatre États d'Afrique centrale – le Gabon, l'Angola, la République du Congo et la République démocratique du Congo (RDC) – mercredi 2 mars, Ndahinda a affirmé que Paris tentait de suivre les principaux acteurs internationaux, comme la Russie, la Chine et les États-Unis, qui « se disputent » pour nouer des liens plus solides avec les États africains en développement.
« La France cherche à être, ou cherche à rester, un acteur majeur dans des zones où la concurrence croissante a érodé son influence, ou dans un pays comme l'Angola, où les entreprises françaises peuvent avoir de nouvelles opportunités leur permettant de diversifier leurs secteurs d'investissement », a-t-il soutenu.
Lors de son discours au palais de l'Élysée à Paris lundi, Macron a souligné que le changement de stratégie française envers l'Afrique et les projets de Paris de réorganiser sa présence militaire sur le continent n'impliquent pas le retrait complet des troupes françaises. Au lieu de cela, les effectifs militaires seraient réduits, certaines bases militaires devant être transformées en écoles et académies qui seraient gérées conjointement par des personnels français et africains.
Alors que Macron a évoqué « une diminution visible » des effectifs français et « une montée en puissance dans ces bases de [ses] partenaires africains », le président de la planète des jeunes Panafricanites (PjP) Bidossessi Katakenon dénonce auprès de Sputnik « la pagaille » et « la moquerie » de son intervention.
« L'Afrique n'est pas sa colonie. […] Nous ne sommes pas dans les années 1960 [ni] dans les années 1940 pour qu'un Président français vienne nous présenter sa politique africaine étant en France. L'Afrique n'est pas un sujet de Paris pour qu'il vienne présenter sa politique de fonctionnement. »
M. Katakenon est certain que « l’armée française est chassée dans certains pays du Sahel » parce que leur mission n’a pas apporté les « résultats attendus ».
« Quand il y a des attaques, cette armée fait un semblant de ratissages. […] On n'a pas besoin d'une armée qui va s'installer dans nos pays pour nous influencer. […] Les terroristes continuent de gagner de l'espace, [et] l'armée française [leur] donne des renseignements », fustige-t-il.
La question qui se pose maintenant est de savoir quel futur prévoit-on pour les liens franco-africains. Le président de la PjP considère que la coopération franco-africaine ne sera possible que dans le cas où son partenaire accepte leurs conditions : « Nous n'avons pas besoin d'une réorientation politique de Monsieur Macron. Nous n'avons pas besoin de signer de nouveaux accords coloniaux et rester dans cette domination durant un siècle encore […]. Nous voulons nous libérer à tout prix de cette politique néocoloniale de la France. »