Les titres de la rédaction
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Les analyses de la rédaction
1. Le Burkina Faso tire le tapi sous le pied de la France
Si au Mali, l’État-nation a mis d’abord militairement à la porte la puissance d’occupation française en fermant à Barkhane le ciel malien puis en révoquant les pseudo accords de défense pour en venir dans la foulée au terrain de confrontation économique avec l’Occident, là où la CEDEAO lui a imposé des sanctions avant de se voir contrainte de les supprimer au bout de six mois d’agissements stériles, et bien, l’État-nation burkinabé, sans doute inspiré par l’exemple malien, change un peu cet ordre de priorités et prend littéralement l’Occident de court par une sorte de synchronisme politico-militaro économique dans ses choix qui prive royalement l’adversaire de toute initiative. C’est subtil et infiniment plus porteur quand on sait que l’économie est le talon d’Achille de tous les États anti-coloniaux aussi puissants soient-ils, et ce, dans la mesure où c’est le système capitaliste et néolibéral avec ses produits empoisonnés que sont le dollar, le FCFA, le FMI et la BM qui dominent le destin économique de la planète.
Pourquoi faut-il tirer chapeau à Traoré et son équipe ? Et bien pour la simple et bonne raison qu’à peine quelques jours après avoir réussi son appel à la mobilisation qui a débouché, sous les yeux ahuris des maîtres chanteurs occidentaux, sur l’émergence d’une « force asymétrique » composée de 90 000 effectifs, au lieu de 50 000 attendus, le président et son Premier ministre se sont tournés à nouveau, non pas vers la France ou les États-Unis ou encore le FMI, mais bien vers le peuple burkinabé pour équiper cette « même force géante » d’armes et de munition en prélude à son opérationnalisation aux côtés de l’armée dans la grande bataille contre le terroriste made in Occident. En effet et alors même que les puissances colonialistes affûtent leurs armes pour réimposer sous un grotesque prétexte et par CEDEAO interposées un nouveau terrain de sanctions contre le Mali, le Burkina, lui, demande 1 % de salaires de chaque travailleur burkinabé, ce qui permettra de lever 100 milliards de francs CFA », soit environ 152 millions d’euros, pour l’année 2023 et ce sera cet argent qui servira à hauteurs de 60 000 FCFA par mois, soit 91 euros pour payer chaque effectif des forces volontaires qui en comptent des milliers et qui s’impatientent pour aller au front sacrifier leur vie pour que « les territoires entiers que les terroristes occupent, pillent, détruisent pour le compte de l’Occident soient libérés. C’est génial d’autant plus qu’à cette somme s’ajouteraient, dixit le ministre burkinabé de l’Économie, des contributions volontaires plus des taxes sur la consommation de certains produits, comme la boisson, le tabac, la connexion internet et des produits de luxe, façon de faire contribuer à une tache éminemment existentielle pour l’État à savoir sa sécurité, non pas seulement les couches défavorisées, mais aussi les riches. Mais est-ce tout ? Non, il y a plus : outre le fait d’équiper les « Volontaires pour la défense de partie » de quoi faire la guerre, avec cet argent le Burkina n’aura aucun compte à rendre à qui que ce soit sur la nature ou encore sur l’origine des armes procurées. Qu’Ouagadougou aille ainsi demander par exemple des drones aux Iraniens ou des conseillers militaires « Wagner » aux Russes, cela ne regardera ni les Français ni les Américains ni les autres Otaniens, car tout compte fait cet argent n’est un crédit ni une assistance encore moins un don ! Avouons que le pas indépendantiste est géant et que le capitaine Traoré est parfaitement dans ce même cadre qu’il s’était fixé le 30 septembre à savoir le cadre patriotique, cadre qu’il a rappelé lors de son « petit message » lancé humblement à son peuple à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance :
Même RFI n’a pas pu le censurer. Le capitaine a dit : « Notre indépendance n’est pas acquise, parce que nos terres sont occupées. Notre économie est balbutiante et nos mains sont liées. La bataille contre l’ennemi qui occupe nos terres est en train de commencer, poursuit Ibrahim Traoré. Cette bataille en est à son préambule. C’est ici le lieu pour moi donc de féliciter les unités engagées pour les premières opérations terrestres et aériennes. Pour l’encadrement et la formation des VDP, nous avons reçu des dons de toute nature allant des vivres aux équipements, aux travaux d’infrastructures. Nous disons merci à ce peuple qui commence à se souder, qui commence à être solidaire pour cette bataille. Nous en avons besoin. Nous avons rencontré les partenaires sociaux dans ce sens pour encore demander plus de sacrifice aux Burkinabés afin que cette lutte soit menée par les Burkinabés pour libérer les terres du Burkina Faso ».
S’il y a quelque part sur la planète où les puissances occidentales se sentent complètement dépassées et littéralement désarmées par l’adversaire qui est plutôt dans l’action que la réaction, c’est bien le Burkina Faso, car le pays des hommes intègres sait parfaitement comment prendre le taureau blessé occidental par les cornes et de le faire accoucher par terre avant qu’il ne donne des coups. C’est là un modèle à suivre partout au monde du Sahel au Moyen-Orient en passant par l’Amérique latine.
2. Guinée : piège tendu à Doumbouya ?
Qu’est-ce qui se cache derrière ces sanctions des USA en Guinée à savoir des sanctions contre l’ancien président de la Guinée Alpha Condé et plus de 40 autres personnalités, « pour de graves violations des droits de l’homme en Guinée ».
Selon Washington, cette décision « est l’aboutissement d’une enquête et d’une procédure approfondies et pluriannuelles » du Bureau de contrôle des avoirs étrangers (OFAC) du département du Trésor des États-Unis.
Le gouvernement américain a souligné que « ni cette décision ni le moment de son annonce ne sont liés à la transition en cours vers la démocratie de la Guinée ».
Mais peut-on croire si facilement à la bonne foi des USA ? Bien sûr que non, surtout quand on sait que l’axe USA-OTAN n’est pas vraiment en bonne position vis-à-vis du président Doumbouya qui, depuis le coup d’État qui l’a mené au pouvoir, ne cesse de se rapprocher de l’axe interafricain et a été l’un des premiers pays à venir en aide du Mali lors des sanctions de la CEDEAO.
Début octobre, le Mali et la Guinée, membres de la CEDEAO, sont suspendus de ses organes de décision pour avoir sanctionné la prise du pouvoir par des militaires et leur maintien prolongé à la tête de ces pays.
Outre la suspension des organes de décision déjà en vigueur, un sommet de la Cédéao sans participation guinéenne ni malienne a décidé le 22 septembre de suspendre toute assistance et transaction financière des institutions financières de l’organisation avec la Guinée.
Récemment, et alors que le pouvoir de Conakry a fixé le début d’exécution de la transition à janvier 2023, la CEDEAO estime qu’elle doit démarrer immédiatement.
« Les autorités américaines ont rappelé dans leur communiqué qu’« au cours de la présidence de Condé, les forces de sécurité se sont livrées à des violences contre les partisans de l’opposition avant le référendum constitutionnel de mars 2020 et pendant et après l’élection présidentielle guinéenne de 2020 », lit-on dans les informations.
Mais qu’est-ce qui justifie donc cette prise de position américaine ?
Alors que la Guinée est toujours sous sanctions de la CEDEAO et que Doumbouya en personne ne cesse de se rapprocher du Mali, d’où les dix accords de coopérations signés entre les deux pays il y a trois semaines de cela, ces sanctions visant Alpha Condé ne peuvent qu’être justifié par un piège tendu par les USA vers Doumbouya, afin de l’attirer vers leur axe colonialiste ou pour mieux dire, l’avoir dans leur poche.
L’axe US-OTAN semble avoir peur de cette contre-offensive Guinée-Mali contre l’Occident.
Car n’en déplaise aux occidentaux et à leur valet africain, cette fois le front anti sanctions a des contre mesures à adopter. La dernière fois, la cote guinéenne a largement fait échec aux sanctions de la CEDEAO, le Mali continuant à transiter ces produits et marchandises en provenance et à destination de la Guinée. De plus, il y a près de deux semaines, le Mali et la Guinée ont annoncé leur intention de renforcer leur coopération pour une lutte efficace contre le terrorisme. Doumbouya a déjà prouvé qu’il n’est pas du genre à se laisser faire et à tomber dans ce genre de piège. Cette fois c’est la politique indépendantiste pour mettre à la porte l’occupation !
3. Que cherche la France en Côte d’Ivoire ?
En visite de 48 heures, les 9 et 10 décembre 2022 en Côte d’Ivoire, Catherine Colonna, ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, a indiqué que les relations entre les deux pays avaient de l’avenir. Dans un entretien accordé au confrère Fraternité Matin, Catherine Colonna évoque son agenda de 48 heures à Abidjan, et les relations bilatérales entre la France et la Côte d’Ivoire qui touchent les domaines de l’économie, de la culture, du sport, de la sécurité ou encore la formation. Elle parle aussi de la convergence de vue des deux pays sur les questions internationales. Quelles sont les raisons de cette visite ? Que cherche la France en Côte d’Ivoire ?
Plus d’analyse avec Luc Michel, géopoliticien.