Après avoir rappelé son ambassadeur en poste à Téhéran en janvier 2016, Abou Dhabi a annoncé dimanche dernier que l’ambassadeur des Émirats arabes unis en Iran, Saif Muhammad Al-Zaabi, y reprendrait ses fonctions dans les prochains jours, sans en préciser la date exacte, soulignant que la décision vient de contribuer à la « promotion les relations bilatérales pour réaliser les intérêts communs des deux pays voisins et de la région », a rapporté la chaîne qatarie Al-Jazeera.
La décision des Émirats arabes unis d’expédier leur ambassadeur à Téhéran intervient environ un mois après un appel téléphonique entre le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian et son homologue émirati le cheikh Abdallah ben Zayed, quand ils ont convenu que l’ambassadeur émirati à Téhéran reprendrait bientôt ses fonctions.
Plus tôt ce mois-ci, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kan’ani, s’est félicité de l’atmosphère positive dans les relations entre Téhéran et Abou Dhabi, soulignant que les conditions d’amélioration des relations bilatérales progressent et qu’il s’attendait à renforcer les relations entre elles dans les prochains jours.
Perspective d’un commerce prometteur :
Les observateurs en Iran s’accordent à l’unanimité sur l’importance des intérêts économiques entre l’Iran et les Émirats arabes unis et sur la volonté des deux pays d’offrir des avantages commerciaux au-delà de leurs préoccupations politiques. Les données de l’Organisation iranienne des douanes ont montré que les Émirats arabes unis étaient en tête de la liste des partenaires commerciaux de Téhéran dans la région.
Selon des données iraniennes, le volume des exportations des Émirats arabes unis vers l’Iran au cours des quatre premiers mois de l’année iranienne en cours (qui a commencé le 21 mars 2022) s’élevait à 3,6 millions de tonnes, d’une valeur de 4, 9 milliards de dollars, tandis que le volume des exportations iraniennes vers les EAU s'est élevé à 4 millions de tonnes d’une valeur de 2,03 milliards de dollars.
Au cours de la dernière année iranienne (qui a fini le 20 mars 2022), les échanges commerciaux entre l’Iran et les Émirats arabes unis ont connu une augmentation de 28 % en volume et de 7 % en valeur par rapport à l’année précédente, selon les données des douanes iraniennes.
Dans ce contexte, le diplomate iranien, ancien ambassadeur en Grande-Bretagne, Jalal Saadatian, estime que la diplomatie économique et les éléments géographiques sont plus puissants et plus stables que les variables politiques, et que les parties iranienne et émiratie ont réussi à gérer les défis dans leurs relations bilatérales. Ce processus fait passer les intérêts économiques avant les préoccupations politiques, étant donné que le commerce entre les deux pays a une perspective prometteuse.
Intérêts de taille :
S’adressant au journaliste de la chaîne Al-Jazeera, le diplomate iranien a décrit les relations commerciales entre son pays et les Émirats arabes unis comme étant enracinées, soulignant que les sociétés iraniennes et d’autres sociétés basées à Dubaï ont joué un rôle de premier plan dans les opérations destinées à contourner les sanctions américaines au cours des dernières années.
M. Saadatian a salué la sagesse des dirigeants iraniens et émiratis pour maintenir des relations commerciales malgré la baisse du niveau des relations diplomatiques entre eux, ajoutant que leurs relations économiques ont été relativement affectées par les orientations politiques de certains pays du golfe Persique à certains moments suscitant notamment la préoccupation de Téhéran quant à la normalisation des relations de pays voisins avec l’entité israélienne.
Cependant, Téhéran et Abou Dhabi ont pu surmonter les obstacles politiques et maintenir le commerce comme moyen de communication continue entre eux dans le cadre de leurs intérêts suprêmes.
À la lumière du dialogue irano-saoudien qui dure depuis un an, l’ancien ambassadeur iranien en Grande-Bretagne s’attendait au retour des relations politiques entre l’Iran et les Émirats arabes unis à un stade antérieur au départ de l’ambassadeur émirati de Téhéran, et au développement des relations économiques pour compenser ce qu’ils ont raté ces dernières années.
Saadatian a conclu en disant que « les Émirats arabes unis occupent une position particulière dans le secteur de l’énergie et le commerce dans le monde, et de nombreuses entreprises iraniennes y ont investi d’énormes capitaux, ce qui constitue une incitation à donner la priorité aux intérêts économiques sur les préoccupations d’ordre politique ».
Défi de sécurité :
Sur le plan politique, le politologue iranien Mahdi Azizi déclare que la restauration des relations entre Téhéran et Abou Dhabi découle du dynamisme de la politique des deux côtés, soulignant que le retour de l’ambassadeur émirati à Téhéran a été précédé d’étapes constructives liées à la position des Émirats arabes unis envers la Syrie et le Yémen.
Dans une interview accordée à Al-Jazeera, le chercheur iranien s’attendait à ce que le retour de l’ambassadeur émirati en Iran marque un tournant dans la résolution des différends entre l’Iran et certains pays arabes, puis dans la recherche de solutions aux crises régionales, dont la principale est la crise yéménite.
Il a estimé que « les relations irano-émiraties restent régies par des facteurs régionaux, notamment la question de la normalisation des relations avec l’entité sioniste, le différend sur les trois îles iraniennes dans les eaux du golfe Persique et les résultats possibles du dialogue entre Téhéran et Riyad ».
M. Azizi a conclu que malgré l’importance du facteur commercial et économique dans les relations entre l’Iran et les Émirats arabes unis, le défi sécuritaire de fournir à Israël une présence dans la région par le biais de la normalisation pourrait perturber les relations dans la prochaine étape.
