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Atlantic: la stratégie dite « Mille coups de canifs » a échoué

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des tirs simultanés de missiles lors d'un exercice militaire du CGRI. (Archives)

S’intéressant aux dernières évolutions liées à la politique menée par Israël envers l’Iran, le site de l’Atlantic Council, un think tank américain spécialisé dans les relations internationales, note que la stratégie d’Israël, basée sur une hystérie de longues décennies envers le programme nucléaire iranien, ne peut pas éliminer les capacités nucléaires de l’Iran.

Dans un article paru sur le site de l’Atlantic Council, le chroniqueur du think tank américain, Danny Citrinowicz, se penche sur la stratégie « échouée » israélienne de « Mille coups de canifs » pour en évoquer les raisons.

« Nous mettons en œuvre la doctrine Octopus », a récemment déclaré Naftali Bennett, Premier ministre israélien s’adressant à The Economist après près d’un an au pouvoir ». Nous ne jouons plus avec les tentacules, avec les mandataires de l’Iran : nous avons créé une nouvelle équation en visant la tête ».

Il explique comment Israël et ses services secrets font monter les enchères dans « la guerre obscure » qu’ils mènent avec l’Iran depuis près de quatre décennies.

« Dans le passé, Israël a dirigé ses attaques contre l’Iran presque exclusivement contre son programme nucléaire et les scientifiques qui y sont liés. Lorsqu’Israël frappait d’autres cibles iraniennes, comme le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et sa force extérieure “Qods”, il avait tendance à le faire dans des pays tiers, comme la Syrie. Maintenant, il attaque également le CGRI à l’intérieur de l’Iran. En février, il a frappé une usine de fabrication de drones pour les gardes dans l’ouest de l’Iran. En mai, il a assassiné l’un de ses commandants à Téhéran (en allusion à l’attaque ciblée qui a tué en martyre le Colonel du CGRI, Hassan Sayyad Khodaï, l’un des défenseurs des sanctuaires sacrés) ».

Bennett prétend que l'époque où l’Iran portait constamment des coups à Israël, provoquant la peur et la panique chez les Israéliens sans être touché, était révolue. « Nous travaillons désormais partout et à tout moment et nous continuerons à le faire ».

Ses fanfaronnades ont été pourtant critiquées par plusieurs hauts responsables militaires du régime sioniste, pour qui de telles menaces ne font que plus motiver l’Iran pour se venger d’Israël, et qu’à l’heure actuelle, il vaut mieux simplement garder le silence et se taire.

Danny Citrinowicz, chroniqueur du groupe de réflexion américain qui est un ex-chef des renseignements israéliens, estime – entre autres – que le manque de nuances des politiciens a entraîné un échec politique « colossal ».

 Le point culminant de cette réalisation israélienne, cependant, semble être de convaincre l’administration Joe Biden que le CGRI devrait rester sur la liste noire du Département d’État US.

La liste noire, qui a reçu beaucoup d’éloges en Israël, a rendu très difficile pour l’Iran d’accepter un retour au respect de l’accord nucléaire de 2015, ce qui correspond bien à la position officielle d’Israël d’opposition hystérique au Plan d’action global conjoint (JCPOA) - bien que de nombreux anciens responsables israéliens considèrent le retrait américain du pacte historique comme une erreur.

En tant qu’un ex-chef de la branche iranienne de la division de Recherche et d’Analyse des Renseignements militaires, Citrinowicz avait été autrefois chargé d’analyser les intentions stratégiques de la République islamique.

Il avait assumé ce poste de 2013 à 2016 – soit avant et tout de suite après la signature de l’accord multilatéral sur le nucléaire connu sous le nom de JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action).

Citrinowicz envoyé à Washington, a servi en tant qu’attaché adjoint aux Renseignements militaires aux États-Unis, coordonnant le partage de renseignements avec ses homologues américains pendant trois ans – trois années durant lesquelles, l’ex-Premier ministre Netanyah n’avait pas cessé de pousser le locataire de l’époque de la Maison Blanche, Donald Trump, à déserter le JCPOA.

Aujourd’hui, Citrinowicz craint qu’Israël ne soit « sur la trajectoire de l’affrontement » alors que Téhéran fait preuve d’une hardiesse et d’une politique offensive sans précédent pour défendre ses intérêts, déclarée ouvertement. Il évoque également les politiques encore plus hardies du Président élu au sein de la République islamique, Ebrahim Raïssi, qui n’accorde pas la priorité à une réintégration au sein de l’accord sur le nucléaire et il estime que Téhéran peut résister aux sanctions américaines grâce à ses propres atouts et potentiels ainsi que ses alliances croissantes avec la Russie et la Chine, explique l’ancien analyste des Renseignements.

Toujours selon l’auteur de l’article, pour un spectateur lambda, il semblerait peut-être qu’Israël réussisse à semer la confusion et le chaos dans les rangs du gouvernement iranien. Le texte suggère aussi qu'Israël aurait peut-être également établi une dissuasion contre l’Iran d’une manière qui renforce également l’image de sécurité souhaitée par le gouvernement bancal du Premier ministre, Naftali Bennett, sur la scène interne à un moment où son gouvernement de coalition risque de s’effondrer.

Mais la réalité du programme nucléaire iranien, poursuit l’auteur, « révélée » le 6 juin lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne, met au grand jour la profondeur des progrès de l’Iran dans ce domaine malgré les tentatives d’Israël pour les contrecarrer.

« L’Iran continue d’enrichir des dizaines de kilogrammes d’uranium à 60 % de pureté, d’installer des centrifugeuses IR6 avancées dans une installation souterraine à Fordow et de produire de l’uranium métal. Toutes ces activités auraient été interdites en vertu du JCPOA auquel Israël s’oppose avec véhémence et contre lequel il a fait pression avec succès lorsque Donald Trump était au pouvoir (le milliardaire républicain Trump a retiré les États-Unis de l’accord multilatéral en 2018 signé sous Barack Obama, alors que l’Iran n’avait pas violé l’accord et l’avait pleinement respecté comme le confirment plusieurs rapports de l’AIEA).

L'analyste note aussi qu'il est également douteux qu'une soi-disant incapacité de l’Iran à expliquer les traces d’uranium trouvées sur des sites non déclarés puisse être exploitée pour augmenter la pression sur Téhéran. “Face à ces développements, Israël ne cesse de mener sa position de la mise en cause et d’exiger un ‘enrichissement zéro’ tout en s’appuyant sur un ‘plan B’ irréaliste”.

“Ce ‘plan B’ qui est basé sur la poursuite des sanctions économiques, des opérations secrètes et de la menace de bombarder les installations nucléaires de l’Iran n’a pourtant pas réussi à arrêter le programme nucléaire du pays ni même changé son comportement, et il est très douteux qu’il réussisse à l’avenir”, souligne Danny Citrinowicz.

S’attardant d’autre part sur la soi-disant politique de pression maximale de Trump, elle aussi échouée à en croire de nombreux commentateurs, l’ancien analyste des Renseignements israéliens ajoute : “Le concept de ‘pression maximale’ de l’ère Trump ne fonctionne plus dans un monde à court de pétrole et prêt à contourner les sanctions. Les revenus de l’Iran provenant des exportations de pétrole sous le régime actuel de sanctions illustrent ce fait. Non seulement l’Iran est déjà habile à contourner les sanctions, mais la guerre en Ukraine a élargi la liste des pays sanctionnés ou mieux dire une ‘coalition des sanctionnés’, y compris la Russie et la Chine qui sont prêtes à défier les menaces américaines.”

“L’administration Biden n’est pas non plus disposée à faire pression plus fort, étant donné les prix élevés de l’essence. Les voisins arabes de l’Iran à travers le golfe Persique craignent également de pousser l’Iran dans un coin d’isolement et il semble qu’ils ne souhaitent plus appliquer les sanctions contre l’Iran, une position qui avait déjà conduit l’administration Trump à critiquer ouvertement les Émirats arabes unis pour avoir fermé les yeux sur le contournement des sanctions”, note encore l’article.

Le chroniqueur indique également que l’idée qu’il y avait une “menace militaire crédible” contre le programme nucléaire iranien était incorrecte.

“Il faut reconnaître que ce type de menace n’est pas facilement réversible, vu le fait qu’on assiste aujourd’hui à d’autres crises urgentes et à une volonté des États-Unis de réduire leur présence militaire au Moyen-Orient”, explique-t-il avant de poursuivre : “Ainsi, alors qu’Israël jouit d’un succès tactique efficace, il n’a pas stratégiquement parlant atteint ses objectifs d’empêcher l’Iran de poursuivre un programme nucléaire avancé.”

Qualifiant de déconnecté, le régime de Tel-Aviv, l’auteur estime : “Israël maintient toujours une mentalité vieille de dix ans sans comprendre que le monde a changé et que, plus précisément, le programme nucléaire iranien a évolué.”

“En fait, la base de la politique israélienne est toujours fondée sur l’idée que l’on peut priver l’Iran de ses capacités nucléaires, même si le programme nucléaire iranien n’est plus ce qu’il était il y a dix ans. L’Iran a réussi à surmonter d’importantes barrières technologiques, notamment dans le domaine de l’enrichissement et de la production de centrifugeuses. Les connaissances en Iran sont vastes et existent dans l’esprit d’innombrables scientifiques nucléaires – autrement dit bien plus que ce qui peut être éliminé”.

Pire, poursuit l’article, même si les installations nucléaires disparaissaient miraculeusement demain, l’Iran serait en mesure de les reconstituer en quelques mois grâce aux connaissances technologiques qui existent dans le pays. De plus, selon une enquête du Chicago Council, ledit programme nucléaire bénéficie d’un soutien national en Iran et, par conséquent, même si les dirigeants du pays ou du gouvernement changeaient demain, il est peu probable que le programme soit abandonné. 

Compte tenu de ces faits, Israël n’obtient qu’une victoire à la Pyrrhus contre l’Iran. Au mieux, les attaques israéliennes bloquent le programme ; au pire, ils incitent l’Iran à aller plus vite. Il revient donc à Israël de recalculer et d’adopter une stratégie qui correspond à l’état actuel du programme nucléaire iranien.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV