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Les USA ont refusé d'en livrer au Caire qui se procure des Su-35

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
L'avion de chasse russe de 4e génération, Su-35. (Photo d'archives)

Ce qui se passe entre la Russie et l'Égypte est totalement inouï : après avoir organisé des manœuvres de défense aérienne conjointes sans précédent et impliquant des systèmes de défense aérienne russe de type Buk et Tor et Pantsir et tout ceci sous le nez des Américains, l'Égypte de Sissi se livre à des achats d'armements sensibles, Su-35, hélicoptères de combat russes et ainsi de suite. S'agit-il d'une vraie fronde contre l'axe USA-Israël? Quand on se focalise sur le langage désormais bourré de menaces et de mises en garde US à l'adresse de l'Égypte, l'hypothèse d'une fronde est parfaitement plausible. Certains analystes sont même prêts à y voir le prélude timide d'une rupture.

Des informations sur le contrat russo-égyptien portant sur la vente de chasseurs russes Su-35 au Caire ont été publiées en avril 2019. D’après deux dirigeants des industries militaires russes, l’accord prévoit la livraison de "plus de deux douzaines d’appareils" pour environ 2 milliards de dollars. Les autorités russes n’ont pas confirmé officiellement ces informations, mais selon le journal russe Kommersant, ce contrat serait entré en vigueur fin 2018 et les livraisons pourraient commencer dès 2020 ou 2021.

« Un nouvel accord majeur avec la Russie compliquera au moins les futurs échanges d’informations militaires avec les États-Unis et l’assistance militaire américaine à l’Égypte », indique le journal Wall Street Journal, citant le texte de la terre commune des deux ministres américains mis à sa disposition.

L’éditorialiste du journal Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, estime qu’avec l’épisode de l’achat des chasseurs russe Su-35, les relations conflictuelles entre Washington et Le Caire entreront dans une nouvelle phase de tensions.

Le secrétaire d’État adjoint aux affaires politiques et militaires, R. Clarke Cooper n’hésite même pas à menacer l’Égypte en faisant allusion aux ambitions du Caire de se procurer des avions russes. « C’est quelque chose qu’ils [les Égyptiens] savent déjà : cela les expose à des sanctions et à une perte d’acquisition future d’armements et d’équipements militaires », a-t-il déclaré.

D’après Abdel Bari Atwan, le comportement de la Maison Blanche est condamnable et humiliant, car Washington veut poser un dilemme au Caire et le pousser à discréditer lui-même sa politique de diversification de ses armements.

« Washington veut traiter l’Égypte comme un petit pays quelconque, alors que l’Égypte est un grand pays de la région et a pleinement le droit de diversifier ses achats d’armements dans le cadre de ses intérêts nationaux », écrit le journaliste arabe.

Il souligne que les Égyptiens ont eu de solides raisons pour se tourner vers la Russie pour acheter des chasseurs Su-35. Quand le régime israélien s’est procuré 20 avions de combat américains F-35, Le Caire a demandé au Pentagone la livraison du même type d’avion à l’armée de l’Air égyptienne au nom de l’équilibre des forces militaires dans la région. Les États-Unis ont rejeté la requête égyptienne afin d’offrir à Tel-Aviv une plus grande supériorité militaire par rapport aux autres pays de la région.

D’après l’éditorialiste de Rai al-Youm, il s’agit là de la principale raison de la décision de l’Égypte de se tourner vers Moscou pour conclure le contrat d’achat des chasseurs Su-35. Atwan rappelle que contrairement aux menaces actuelles qui pèsent sur l’Égypte, les États-Unis avaient soutenu et encouragé Le Caire lorsque le gouvernement égyptien concluait un contrat avec la France pour acheter des avions de chasse Rafale. Il en déduit que visiblement ce qui gêne Washington, c’est un rapprochement accru entre Moscou et Le Caire.

« La coopération militaire entre la Russie et l’Égypte se développe de plus en plus et rappelle l’âge d’or des relations russo-égyptiennes à l’époque de Gamal Abdel Nasser », souligne l’auteur.

Le ministre russe de la Défense, le général Sergueï Choïgou, a visité Le Caire la semaine dernière et s’est entretenu avec les hautes autorités politiques et militaires du pays.

Les deux pays ont signé plusieurs contrats pour l’achat des missiles antichars Kornet, des chars T-90, des systèmes de défense aérienne S-300 et des chasseurs MiG-29. À cela il faut ajouter aussi l’autorisation donnée par Le Caire aux avions militaires russes d’utiliser les bases et l’espace aérien de l’Égypte, sans oublier l’organisation de plus en plus fréquente d’exercices militaires conjoints.   

Ce rapprochement russo-égyptien ne se limite pas à la coopération militaire, car la Russie s’est engagée également à construire une centrale nucléaire d’électricité en Égypte.

Abdel Bari Atwan évoque ensuite les préoccupations permanentes de l’Égypte quant aux menaces directes ou indirectes que le régime israélien profère contre sa sécurité et ses intérêts nationaux. Il rappelle le rôle et l’implication de Tel-Aviv dans le projet éthiopien du barrage d’al-Nahda, qui devrait être le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique (avec une capacité de production d’électricité de près de trois fois plus que celle du haut barrage d’Assouan en Égypte). L’Égypte considère ce projet comme une menace contre ses intérêts nationaux, tandis qu’Israël contribue grandement au financement de ce projet éthiopien et a même installé sur place sa DCA pour défendre le chantier.

Selon Atwan, le gouvernement égyptien estime qu’il ne pourrait plus compter sur ses vieux F-16 alors que l’aviation israélienne s’équipe de F-35, c’est-à-dire les avions de combat les plus modernes fabriqués aux États-Unis.

L’auteur croit que l’Égypte est déterminée à le compenser même si elle risque apparemment de faire l’objet de sanctions de la part des États-Unis. La Maison Blanche pourrait décider d’arrêter ou de suspendre ses aides annuelles de 2 milliards de dollars au Caire, dont la majeure partie (1,3 milliard de dollars) est consacrée à l’achat d’armements et d’équipements militaires américains. Mais le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et ses commandants militaires n’oublient pas que les États-Unis accordent chaque année une aide financière et militaire de 5 milliards de dollars à Israël et que l’administration américaine est prête à se dérober à tous ses engagements envers ses alliés arabes quand il s’agit de la défense des intérêts de ses alliés israéliens.

En conclusion, Abdel Bari Atwan estime que l’Égypte - si elle en a la volonté - détient les moyens nécessaires pour résister aux pressions et menaces de la Maison Blanche.

« Le Caire est capable de tenir tête aux chantages américains afin de réaliser son projet d’achat des chasseurs Su-35, les systèmes de défense aérienne S-400, des chars et des hélicoptères de fabrication russe qu’il juge nécessaire pour défendre ses intérêts nationaux », écrit le journaliste arabe qui souhaite que la réaction de l’Égypte soit forte et rapide comme celle de 1960 quand Gamal Abdel Nasser osa détourner le dos aux Américains.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV