Ce n'est pas un simple barrage, mais une arme stratégique : au plus fort de l'emprise de Daech sur Raqqa, les terroristes menaçaient de le détruire, quitte à noyer des villages syriens entiers. Quelque trois millions de Syriens auraient été touchés si la digue de Tabqa, construite entre mars 1968 et juillet 1973, avait cédé. Un temps, les agents takfiristes des États-Unis ont menacé d'en empoisonner l'eau, ce qui aurait été un désastre.
Des milliers d'agriculteurs syriens, exposés aux conséquences de la mauvaise gestion du barrage par Daech, puis par les FDS, ont été contraints à l'exil pour cause de sécheresse. Mais la portée stratégique de Tabqa n'en reste pas là : de Raqqa, l'Euphrate se dirige droit vers Abou-Kamal, à la frontière irakienne. Tout acte de sabotage s'étendrait jusqu'en Irak dans la province ultra-stratégique d'al-Anbar et dans les villes de Karbala et de Bagdad. Le retour de l'État à Raqqa est donc une victoire stratégique.
Une délégation syrienne, composée entre autres de deux ministres, a visité le vendredi 1er novembre les installations du barrage de Tabqa pour la première fois depuis 2013, année où il a été occupé par les terroristes qui s'en sont servi pour provoquer des exodes de la population. Sur place, et selon un communiqué du bureau du Premier ministre, les ministres des Ressources en eau, Hussein Arnous et de l'Administration locale, Hussein Makhlouf, se sont renseignés de la situation du barrage de l'Euphrate à Tabqa.
« Composées de huit turbines à eau, les installations de la centrale du barrage de l'Euphrate étaient capables de contrôler huit générateurs électriques, mais seules quatre turbines à eau fonctionnent actuellement et le reste de l'ouvrage a été détruit », lit-on dans le communiqué.
« Les deux ministres ont été informés des dégâts causés aux installations du barrage. Ils ont souligné que "les fonds nécessaires seraient alloués à la reconstruction et à la protection des installations en question au début de l'année prochaine », a annoncé l’Organisation générale pour le barrage de l'Euphrate. C'est indispensable pour consolider le continuum géographique entre l'Irak et la Syrie depuis la réouverture du point de passage Abou-Kamal/Qaëm.
Le barrage de l'Euphrate est l'une des installations économiques les plus importantes en Syrie, fournissant une importante partie du courant du pays. Situé à 40 kilomètres à l'ouest de Raqqa et approvisionné par le lac al-Assad, le barrage de l'Euphrate fait partie de la plus grande retenue d’eau du pays. Le lac al-Assad créé sur l'Euphrate, est un lac artificiel. Sa superficie de 630 km² en fait le second lac du Moyen-Orient, après celui d'Assouan en Égypte.
Le barrage de l’Euphrate est tombé aux mains des terroristes le 11 février 2013, avant de passer sous le contrôle de Daech en janvier 2014. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) se sont emparées du verrou de cette retenue d’eau en 2017.
La reprise du barrage de Tabqa c'est reprendre le contrôle de l'eau surtout que les conséquences affectent également un autre membre de l'axe de la Résistance à savoir l'Irak, dans des régions stratégiques comme Abou-Kamal et al-Anbar entre autres. Mais il y a aussi le pétrole : au moment où les États-Unis menacent de prolonger l'occupation des champs pétroliers syriens, une reprise du pétrole s'annonce indispensable pour l'État.
La Russie critique le retour des USA en Syrie
En allusion au plan du président américain, Donald Trump de redéployer des troupes sur les champs pétrolifères dans l'est de la Syrie, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a accusé les États-Unis de mener une "activité criminelle".
Maria Zakharova a déclaré vendredi que l'administration Trump se livrait à la "contrebande illégale", quitte à détourner chaque mois quelque 30 millions de dollars à partir de la contrebande du pétrole syrien : "Les États-Unis "contournaient leurs propres sanctions" pour prendre le pétrole "d'une valeur de plus de 30 millions de dollars par mois" - en provenance de Syrie. La communauté internationale a donc le droit de remettre en question la stratégie américaine. Car le redéploiement des troupes US est un "pompage de pétrole du nord-est de la Syrie" par les États-Unis, alors qu'ils "masquaient leur activité criminelle en prétextant une quelconque lutte contre le groupe terroriste Daech".
Washington a ramené ses 500 militaires dans le nord de la Syrie, à la suite d’une récente agression turque contre les milices kurdes dans le nord de la Syrie, alors que Donald Trump avait ordonné le retrait des troupes américaines de Syrie. Les troupes US vont se multiplier, jusqu'à 900 effectifs, selon certaines sources. Mais la Syrie et ses alliés permettront-ils que le pétrole syrien continue à être détourné? « Nous sommes en train de prendre des mesures pour renforcer notre position à Deir ez-Zor pour interdire l'accès aux champs pétroliers », a confirmé le 26 octobre, Mark Esper. Le clash Syrie/Russie/Iran d'une part et les USA et leurs alliés de l'autre pourrait avoir lieu à l'est de l'Euphrate, estiment les analystes.