Entre l'euphorie quasi hystérique de la presse israélo-saoudienne et la réserve de certains médias pro-Résistance, il y a sans doute un juste milieu qu'il convient de choisir pour commenter les deux grognes sociales qui émergent en terre de la Résistance. Au 9e jour des manifestations anti-corruption et de plus en plus anti-gouvernementale au Liban a éclaté le second tour des manifestations dans 10 provinces chiites du Sud irakien, soit Bagdad, Bassora, Najaf, Karbala, Divaniyah, Wasit, Maysan, al-Mosana, Ziqar et Babel. Beaucoup plus violentes qu'au Liban, les manifestations en Irak qui ont fait suite à un casus belli en due et bonne forme de l'État irakien aux USA ont laissé des morts et des blessés.
En effet, alors que les États-Unis évacuent les soldats US et les daechistes depuis la Syrie vers le nord-ouest et l'ouest de l'Irak, le gouvernement Mahdi a lancé le 23 octobre et pour la première fois depuis l'invasion de 2003 un appel à la Russie et à la Chine pour qu'ils interviennent à l'effet de contrer cette nouvelle invasion militaire US. La presse ne s'y est pas trop intéressée, il n'en reste que l'appel de Bagdad à l'adresse de la Chine et de la Russie pour ouvrir la voie à ce que le dossier soit débattu au Conseil de sécurité, ce qui constituerait à coup sûr une débâcle diplomatique pour Washington. La réponse US ne s'est pas fait attendre, ainsi que l'avait bien prédit l'ambassade US jeudi. Après la consigne, les manifestations débutées dans le calme ont mis à peine quelques heures pour dégénérer en violence.
S'il est vrai qu'à Karbala ou à Najaf on a pu entendre des slogans anti-Israël et anti-Amérique, il est aussi vrai que des locaux appartenant à la police irakienne et aux Hachd al-Chaabi ont été pris pour cible par des éléments cagoulés, bien équipés et visiblement entraînés. Au cours de ces protestations, 24 bâtiments publics et des sièges des partis politiques ont été incendiés dans les provinces de Diwaniya, Maysan, Wasit, Bassora, Babil et Dhi Qar. Mais pour la première fois, Daech s'est infiltré dans les rangs des manifestants. Plusieurs cas d'assassinat visant tous des commandants des Hachd al-Chaabi ont été rapportés, alors que l'Irak a besoin plus qu'à tout autre moment de ses forces armées.
Des centaines de combattants des Hachd surveillent en ce moment même les frontières de l'ouest pour empêcher les infiltrations de masse des centaines de terroristes daechistes s'étant évadés de prison en Syrie suite aux frappes aériennes de la Turquie contre le nord-est de la Syrie. Cette surveillance va de pair avec des opérations sur le terrain dont la sixième étape est menée avec force, et ce, malgré les obstacles dressés par les Américains. Une question se pose désormais : les manifestations en Irak qui iraient sans doute croissant dans les jours à venir, risquent-elles de déboucher sur une guerre civile? C'est là le Rubicon que l'État irakien ne permet pas qu'il soit franchi.
Ce samedi 26 octobre, le Parlement irakien se réunira en urgence pour examiner les revendications des protestataires et apporter une réponse urgente à ces revendications. Pour le reste, les semaines à venir pourraient ne pas être de toute quiétude pour les Américains.
Se fondant sur des donnés de renseignement, le journal Al Akhbar fait quelques constats ce samedi : « Les Américains ont une dent contre Adel abdel Mahdi pour trois raisons : d’abord son refus de rallier les sanctions anti-Iran, ensuite, sa décision de faire réintégrer les Hachd au sein de l’appareil étatique et enfin la réouverture du point de passage stratégique Qaëm-Abou Kamal qu’il a décidé juste après sa visite à Pékin et de concert avec les autorités chinoises ». Le journal évoque aussi les tractations de Bagdad avec la Russie et son souhait de vouloir se doter d’une DCA indépendant des sites de commandement US éparpillé à travers tout le territoire irakien. La politique de Mahdi effraie les Etats-Unis qui y voient surtout la perspective d’un basculement totale de l’Irak, second producteur de l’OPEP dans le camp est. Pour l’heure les Américains, largement présent dans les moindres recoins du pays comptent sur leurs puissants lobbies qui aidés par Riyad et Tel-Aviv, devraient selon la Maison Blanche finir par renverser Mahdi. Mais il se pourrait que les choses se déroulent autrement. Car cela fait des semaines que l’Etat irakien est au fait de ce projet et on parie qu’il ne restera pas les bras croisés à subir les coups d’une Amérique en plein déclin au Moyen-Orient.
Vidéo : les slogans anti-USA, anti-Israël à Karbala