Qui pourrait prendre pour cible les installations gazières d'un Liban à qui Israël et les États-Unis refusent le droit à exploiter ses ressources naturelles, pis, à en défendre l'intégrité? Le prêt de 400 millions de dollars proposé vendredi 20 septembre par le président Emmanuel Macron au Premier ministre libanais en visite à Paris a été largement médiatisé, mais pas ce contrat d'armements que la France veut vendre à Beyrouth pour que ce dernier puisse assurer la protection de ses gisements gaziers.
Avec la Russie et l'Italie, la France fait partie d'un consortium gazier en charge d'exploiter et de développer les champs gaziers offshores libanais et ce, évidemment aux dépens des États-Unis qui en ont été écartés et d'Israël qui pille les richesses gazières du pays du Cèdre. Le Premier ministre Hariri a donc signé vendredi 20 septembre un accord d'achat d'équipements militaires avec la France, qui lui permettra de protéger ses puits de pétrole et de gaz. S'agit-il des pièces d'une DCA propres à repousser des raids aériens d'une Armée de l'air israélienne qui viole le ciel libanais à raison des centaines de fois par mois?
Après une rencontre avec le président français, Saad Hariri a précisé qu'«une grande partie de ces équipements servira à munir la marine libanaise et à accroître les capacités de transport aérien et maritime.»
Pour Saad Hariri, «cet investissement visant à assurer la sécurité des puits de pétrole et de gaz et des forages est essentiel». Le Premier ministre n'a toutefois pas donné davantage d'explications pour savoir comment des équipements spécialisés dans le forage pourraient assurer la protection des installations largement exposées aux frappes aériennes israéliennes. Le Liban se prépare en effet à forer en décembre prochain son premier puits dans le nord de Beyrouth. Saad Hariri a indiqué que son allié historique français a « encore une fois fait preuve de son soutien en offrant sa garantie pour un crédit à des conditions généreuses à hauteur de 400 millions d'euros ».
Pour sa part, le président français a déclaré que cette lettre d'intention fait partie des « suites opérationnelles aux engagements que nous avons pris ensemble à Rome en mars 2018 pour la fourniture d'équipements à l'armée libanaise ».
Pour mémoire, lors de la Conférence de Rome sur la sécurité du Liban, Paris s’est engagé à ouvrir une ligne de crédit de 400 millions d'euros pour l’armée et les forces de sécurité libanaises, afin de doter le pays d'une véritable marine. Le bloc 9 de gaz naturel disputé entre Israël et le Liban est devenu l’objet de menaces de Tel-Aviv contre Beyrouth. Ces 400 millions de dollars de crédit accordé au Liban dans un dossier aussi délicat, est-ce un signe de défiance vis-à-vis d'Israël?
Pour les observateurs politiques, le geste est certes loin de plaire à Israël mais ne va pas jusqu'à inquiéter Tel-Aviv : «Au fait, ce dont a besoin surtout le Liban c'est une protection aérienne digne de ce nom et les équipements fournis à l'armée libanaise par la France ne sauraient être efficaces, s'ils ne vont pas dans ce sens. On se rappelle fort bien comment l'aide militaire promise par l'Arabie saoudite et la France au Liban a fini en queue de poisson. Sans le feu vert préalable des États-Unis et d'Israël, la France ne saurait assurer à l'armée libanaise de quoi défendre les gisements gaziers. Ce que je vois surtout, c'est un acte anti-russe dans la mesure où l'État libanais a déjà laissé entendre vouloir se doter des batteries de S-400 pour protéger son ciel. Ces dernières semaines, la réaction militaire libanaise à travers le Hezbollah contre l'agression aérienne d'Israël a fait couler beaucoup d'ancre. Un Liban ayant une DCA souveraine est inquiétante, autant proposer une DCA Otano-dépendante au pays du Cèdres d'où sans doute, l'aide militaire française», estime Hanif Ghafari, expert des questions politiques.
Ce samedi, l'envoyé spécial de la Russie a rencontré l'émissaire spécial du Premier ministre libanais. Mikhaïl Bogdanov s'est entretenu avec George Shaban du Liban, «du maintien de sa stabilité politique, économique et social» tout en mettant accent sur la nécessité de «préserver les liens amicaux et anciens entre le Liban et la Russie».
«Il y a là une volonté manifeste de Moscou de ne pas perdre l'assise qu'elle vient de retrouver au Liban à la faveur de ses liens avec le Hezbollah. Ce qui inquiète la France et les États-Unis», ajoute l'analyste.
La ministre libanaise de l'Énergie Nada Boustani est allée, elle aussi, dans le même sens, en affirmant que des entreprises européennes manifestent de l'intérêt pour investir dans le secteur naissant du pétrole et du gaz au Liban. Le Liban se lance dans l'exploration d'hydrocarbures en Méditerranée. Le Liban a signé en 2018 son premier contrat d'exploration avec un consortium alliant le Français Total, l'Italien ENI et le Russe Novatek.