Washington et Ankara ont-ils amputé la Syrie de ses régions Nord? Pour la première fois depuis son entrée en fonction, le général Kenneth McKenzie, commandant du CentCom, s'est rendu lundi 22 juillet en toute illégalité en Syrie pour "rendre visite aux alliés kurdes de Washington", soit les Forces démocratiques syriennes (FDS) opérant dans le nord-est de la Syrie! Le général US se comportait en terre conquise où les USA disposent, à la faveur de l'aide turque, pas moins de 26 bases.
Chargé de superviser les opérations américaines au Moyen-Orient, McKenzie a succédé à la fin du mois à son prédécesseur, le général Joseph Votel. Au cours de sa visite, McKenzie et le chef des FDS, Mazlum Abdi, ont discuté des "évolutions en cours", mais aussi de "la coordination entre la coalition dirigée par Washington et les FDS pour continuer à traquer les cellules dormantes de Daech". Or le prétexte d'avoir à lutter contre Daech a complètement perdu de sa crédibilité au regard des évolutions en cours à Idlib, à Manbij, à Hassaka ainsi que dans d'autres régions du nord est et ouest de la Syrie où les États-Unis, la Turquie et l'OTAN travaillent à implanter définitivement leur présence militaire. C'est désormais une zone d'exclusion aérienne ou tampon qui monopoliserait les efforts conjoints US/FDS. Mais ce n'est pas tout.
Les supplétifs kurdes des USA, dits Forces démocratiques syriennes, cherchent désormais à aider Washington à "rapatrier environ 1 000 terroristes étrangers et des dizaines de milliers de femmes et d'enfants non syriens liés au groupe Daech", au nombre desquels figurent les agents occidentaux. L’entrée sur le sol syrien de Kenneth McKenzie se fait simultanément à l’envoi en Syrie d’un contingent américain en renfort aux FDS et ce, depuis le sol irakien. Le prétexte? La prétendue attaque de l'armée turque contre les Kurdes. En effet cette semaine, trois diplomates turcs ont été tués à Erbil au nord de l'Irak, ce qui a fourni à Ankara le justificatif nécessaire à lancer une vaste opération contre la ville de Manbij et à étendre ainsi ses terres conquises.
Selon le site d’information irakien, IMN, les forces kurdes sont à présent en état d’alerte "puisqu’elles prédisent que l’armée turque s’apprête à lancer une opération militaire contre les villes de Manbij dans le nord-est d’Alep et de Tal-Obaid dans le nord de Raqqa". Le plan semble d'ailleurs avoir fait l'objet d'une parfaite coordination entre Ankara et Washington.
Les autorités turques et américaines ont mené des négociations sur la création d’une zone tampon en Syrie. Lors d’une réunion tenue le lundi 22 juillet, Hulusi Akar, ministre turc de la Défense et James Jeffrey, émissaire spécial des États-Unis pour la Syrie ont discuté des récentes évolutions en Syrie ainsi que de la création d’une zone tampon à l’est de l’Euphrate ; ce qui avait fait deux jours plus tôt l’objet d’un entretien téléphonique entre Mike Pompeo, secrétaire d’État américain et son homologue turc.
Les délégations militaires turque et américaine ont trouvé ainsi "un accord" relatif aux démarches à accomplir pour mettre en place la zone de sécurité. Histoire de dévier l'opinion et de justifier sa toute prochaine offensive, la partie turque n’a pas hésité à exprimer son mécontentement quant à la tenue de la réunion entre des hautes autorités américaines et des dirigeants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) considéré par Ankara comme un groupe terroriste.
Ces échanges entre Ankara et Washington interviennent alors que les sources sécuritaires de la Syrie annoncent que l’explosion d’une voiture piégée dans un marché local dans le Nord du pays a fait un nombre assez important de blessés. C'est ce genre d'actions qui justifie d'ailleurs la présence des forces d'occupation étrangères dans le nord syrien. Située dans le gouvernorat d’Alep, la ville d’Afrin se trouve à l’extrême ouest de la Syrie et compte environ 80 000 habitants. Depuis mars 2018 et suite à l’opération baptisée « Rameau d’olivier » lancée contre les groupes armés kurdes, la ville est occupée par l’armée turque et alliés.