Il a fallu à peine une semaine pour que les "pirates de Sa Majesté" réalisent à quel point leur acte de piratage pourrait leur coûter cher, si l'Iran décidait à leur rendre la pareille. Depuis vendredi, les marches arrière britanniques se succèdent : après avoir annoncé vouloir participer à une coalition de guerre anti-Iran dans le golfe Persique et au Yémen, Londres a prétexté une "large fuite d'eau" à bord du porte-avions HMS Queen Elizabeth qui a fini par pousser, selon le ministère britannique de la Défense, le navire, une mastodonte de 3,1 milliards de livres sterling , à interrompre ses exercices de cinq semaines pour rentrer précipitamment à son port d’attache de Portsmouth.
L'épisode n'a pas échappé aux observateurs qui y ont vu surtout la crainte de la Royal Navy d'avoir à s'engager dans une aventure militaire sans lendemain sous l'auspice d'une Amérique qui elle, ne fait que naviguer à vue. Vinrent ensuite la mise en liberté de 4 membres d’équipage de Grace 1, l'annonce de gouverneur de Gibraltar comme quoi il avait agi de son propre chef en "arraisonnant" le pétrolier et le pétrole iranien, et The last but not the least, cet appel téléphonique du chef de la diplomatie britannique, le soir du samedi 13 juillet à son homologue iranien Zarif.
Au cours de cette conversation téléphonique, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a sommé le gouvernement britannique à "libérer immédiatement" le pétrolier "Grace 1" avant de souligner : "L'Iran poursuivra coûte que coûte ses exportations de pétrole" que les Etats-Unis et leurs acolytes le veuillent ou pas. Cet avertissement a, en effet, un avent goût de guerre et il semble que Téhéran commence bien à perdre la patience."
Côté britannique, crainte et inquiétude se faisaient bien ressentir à travers ce coup de fil où Jeremy Hunt tentait tant bien que mal de convaincre son interlocuteur iranien du fait que l'affaire de la prise d'otage du pétrolier Grace 1 et de son membre d'équipage, après une attaque commando de la Royal Navy, n'avait aucun rapport avec les sanctions pétrolières US contre l'Iran. Seul ennui, il a repris le ridicule argument de Londres comme quoi "le pétrolier serait libéré si Gibraltar était persuadé que sa charge ne s'acheminait pas vers la Syrie", ce à quoi Zarif a bien répondu : " La République islamique d'Iran exporte son pétrole là où elle le veut".
Le coup de fil a été l'occasion de rappeler à Londres, signataire de l'accord de Vienne, son incapacité à s'opposer aux sanctions extraterrtoriales des États-Unis, pire, sa contribution à ces mêmes sanctions. Bref, le chef de la diplomatie iranienne a lancé un dernier avertissement en appelant le gouvernement britannique à "prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin à l’interception illégale du pétrolier Grace 1".
Avant son entretient téléphonique avec Zarif, Hunt avait posté ce tweet :
«Je viens de parler au ministre iranien des Affaires étrangères, M. Zarif. Appel constructif. Je l'ai rassuré, notre inquiétude est la destination du pétrolier et pas le pétrole à bord du “Grace 1”. Le Royaume-Uni en faciliterait la libération si nous avions des garanties qu'il ne serait pas envoyé en Syrie, conformément à la procédure régulière devant les tribunaux de Gibraltar ».
S'il est vrai que le tweet porte toujours l'empreinte d'une volonté de sabotage du transit libre de l'énergie, il est aussi vrai que la partie britannique ne le fait pas de bonté de cœur et que le malaise est bien évident. Mais malaise ou pas, le temps est désormais compté pour la Grande-Bretagne. Hamid Baeidinejad, ambassadeur iranien à Londres, vient de son côté de lancer une mise en garde contre la poursuite de l’interception du pétrolier Grace 1, interception qui "ne restera pas sans riposte".
Hamid Baeidinejad, a déclaré dans un message sur Twitter que "la Grande-Bretagne avait violé le droit international par cet acte de piraterie. La poursuite de la saisie du pétrolier signifie que le Royaume-Uni répète son erreur et une telle erreur ne sera pas laissée sans réponse".
Having miscalculated in its unlawful seizure of tanker, UK should not repeat its miscalculation. Ship did NOT violate any law or norm - but UK, through its illegal piracy, most certainly has. Failure to release the tanker and its cargo will NOT be left unanswered.
— Hamid Baeidinejad (@baeidinejad) July 13, 2019
Et la coalition de guerre anti-Iran?
Dans la foulée, la coalition de guerre que les Etats-Unis veulent créer contre l'Iran et qui devrait mobiliser des navires de guerre de tous les clients du pétrole du golfe Persique, a déjà du plombe dans l'aile. Vendredi 12 juillet, le secrétaire d'Etat US laissait implicitement échapper son désespoir lors d'un entretien avec America First :
« Nous sommes donc en train de bâtir une coalition mondiale pour veiller sur ceux qui veulent simplement être en mesure de faire ce que chaque pays devrait être autorisé à faire, comme emprunter sans entrave les voies navigables internationales. Nous bâtissons une coalition mondiale pour parvenir à ce résultat. Et beaucoup de pays ont accueilli favorablement un tel plan. Il nous faudra cependant un certain temps pour le construire,... »
Dans ce droit fil, un haut responsable du gouvernement sud-coréen a déclaré ce dimanche qu'il n'avait reçu aucune demande des États-Unis pour envoyer des troupes chargées de protéger les eaux stratégiques du golfe Persique. Des journalistes ont demandé à Kim Hyun-chong, chef adjoint du bureau de la sécurité nationale de Blue House (Cheong Wa Dae), s’il avait reçu une telle demande lors de sa rencontre avec l'adjoint du conseiller américain à la sécurité nationale, Charles Kupperman, plus tôt dans la journée. "Non, il n'y a pas eu de telles discussions", a déclaré Kim, ajoutant qu'il avait soulevé la question du détroit d'Hormuz afin d'entendre le point de vue et les plans des États-Unis.
La nouvelle intervient peu de temps après que le ministre japonais de la Défense a fait savoir que son pays n’avait pas non plus l’intention d’envoyer des troupes pour répondre aux attaques contre le pétrolier japonais en mer d’Oman.