Dans ce numéro de Zoom Afrique :
L’actualité en Afrique :
Banque centrale du Kenya : « rien ne presse » pour conclure un accord avec le FMI ;
Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo accepte la main tendue d’Alassane Ouattara ;
Cameroun : 2 000 athlètes pour la 23e édition des Jeux scolaires ;
Bénin : un deuxième aéroport international mis en service à Parakou.
Les analyses de la rédaction :
Cameroun :
C’est tout de même extraordinaire ; au Cameroun, pays qui fait face à une crise séparatiste exogène qui vise à provoquer son démembrement à la faveur des ingérences anglo-saxonnes mais aussi françaises, l’Union européenne accorde des subventions foncières. Apparemment c’est anodin, mais quand on y regarde de plus près, la mesure est loin d’être innocente. L’information apparaît sur le site Voice of America (VOA), média d’un pays que de nombreux Africains jugent différent des ex-États colonialistes que sont la France, la Belgique, le Royaume-Uni et autres. L’info dit qu’au Cameroun, six organisations de la société civile travaillant sur les questions foncières ont reçu récemment des subventions de l’Union européenne. Ces ONG œuvrent pour l’accès à la terre des couches vulnérables, personnes défavorisées et autochtones de différentes régions du Cameroun.
Paradoxalement, ces régions se trouvent dans l’ouest ou le nord-ouest du Cameroun, où il existe des velléités séparatistes et où les puissances veulent voir l’émergence d’une Ambazonie. Mais bien plus paradoxal est le recours systématique de VOA au double prétexte religieux et sexiste pour justifier ces subventions. Le média évoque d’abord le cas de Ousmanou Ndokonodji Laoubaou qui milite depuis 22 ans pour l’amélioration du contrôle des terres et des ressources naturelles par les femmes de la région de l’Adamaoua.
À en croire le média américain, la religion musulmane de cette région de l’Ouest empêcherait les femmes d’acquérir des terres. Dans cette partie du Cameroun, l’islam est en effet la religion dominante. Cette dame se battrait donc contre les pesanteurs religieuses et culturelles sur la question foncière. Donc, après la langue, c’est la religion de l’ouest du Cameroun qui fait l’objet de manipulations médiatiques. Plus loin, VOA fait l’éloge d’une autre ONG spécialisée dans les mines et dit : « Norbert Bouba est un autre bénéficiaire de ces subventions. Il compte sept années d’expérience dans la protection des droits communautaires des victimes des activités minières dans l’arrondissement de Figuil, dans le nord du Cameroun. »
« À Figuil, depuis que Cimencam a obtenu son permis de recherche en 2012, vous avez des bornes placées partout dans les champs, maisons et autres. Est-ce que Cimencam a une déclaration d’utilité publique ? Sa superficie commence où et s’achève où ? Quelles sont les marges qui sont réservées aux communautés ? », s’interroge Norbert Bouba, responsable de l’association Celpro basée à Figuil. On parie que l’ONG subventionnée par l’UE ne se soucie guère du droit foncier des habitants de Figuil. Elle vise surtout, via des fonds européens, à réduire la marge de manœuvre des entreprises étatiques au profit des multinationales qui veulent s’y implanter à la faveur de la crise anglophone. « Cimencam, une société de production de ciment, est implantée au Cameroun depuis 1963. À cause de l’engagement de Norbert Bouba à protéger les droits fonciers des riverains, menaces et plaintes auprès des autorités administratives sont devenues son lot quotidien », confie-t-il à VOA Afrique.
La guerre sans merci des puissances qui cherchent à scinder en deux le Cameroun risque à ce train de revêtir d’autres aspects dans les mois à venir : à la pseudo-crise linguistique pourrait s’ajouter un aspect religieux, et tout cela sur fond de tentatives destinées à inciter la population locale à s’en prendre aux symboles économiques et militaires de l’autorité de l’État camerounais.
Centrafrique :
Le 7 octobre 2017, le président centrafricain Touadéra et son directeur de cabinet Firmin Ngrébada, l’homme que les médias français qualifient de pro-russe, ont rencontré Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, à Sotchi en Russie. Que se sont dit les deux partis ? Mondafrique prétend en avoir eu vent et publie un article à ce sujet, laissant éclater au grand jour l’amertume de Paris de voir la RCA échapper chaque jour davantage à sa tutelle. Car force est de constater que le mathématicien Touadéra sait bien faire ses calculs.
L’article évoque tout d’abord la levée partielle de l’embargo sur les armes qui pesait sur la République centrafricaine et la livraison d’armes russes au gouvernement centrafricain. Un point qui dérange la France, car peu de jours avant le sommet de Sotchi, le président Touadéra, en rentrant de l’Assemblée générale de l’ONU, était reçu, le 25 septembre 2017, à l’Élysée par Emmanuel Macron. Au cours de cette rencontre, Macron expliquait à Touadéra que des armes avaient été saisies au large de la Somalie par la marine française en mars 2016 et que celles-ci pourraient être livrées à la Centrafrique malgré l’embargo. C’était humiliant pour l’État centrafricain qui a rongé son frein, mais qui a rendu la monnaie de sa pièce à la France le moment venu en s’offrant des armements russes. Mais à en croire Mondafrique, les entretiens de Sotchi vont bien plus loin que cette simple livraison d’armes russes à la Centrafrique. L’accord porte plus largement sur des questions sécuritaires, minières, politiques voire sociales, et c’est cela qui inquiète profondément la France. Car une société centrafricaine qui réussirait à se libérer de la domination d’une puissance colonialiste en choisissant de diversifier ses liens avec le reste du monde, ça fait peur en Afrique. Le texte évoque l’idée centrafricano-russe d’une base aérienne russe implantée dans un aéroport centrafricain. Ou encore l’idée de la création de la Garde nationale et de l’établissement d’un centre de formation militaire à l’aéroport, ainsi que des coopérations dans le secteur douanier. Puis les mines, ce secteur stratégique qui permet aux puissances colonialistes de maintenir à flot leur économie moribonde. Eh bien là aussi, les Russes ont déjà fourré leur nez. Après tout, c’est aux Africains de décider à qui vendre leurs matières premières, mais Mondafrique ne le voit pas de cette façon.
Mais le mathématicien n’a pas grand-chose à voir avec la façon dont le dépeignent les médias mainstream, un simple d’esprit qui serait tombé dans le piège de l’ours russe. Tant s’en faut, puisque Faustin Archange Touadéra a commencé à marquer des points en s’approchant non seulement de la Chine et de la Russie, mais aussi en signant le 21 mars 2018 à Kigali au Rwanda un Accord de libre-échange continental (ZLEC). Et puis le mathématicien aime approfondir les liens avec ses pairs africains, par exemple avec son homologue burkinabé, le président Roch Marc Christian Kaboré. À Ouagadougou le 8 novembre 2018, les deux hommes ont signé un Accord-cadre de coopération. Touadéra a également plaidé pour la mise en place des mécanismes des différents accords sectoriels avec les Sud-Africains. Mais la coopération inter-africaine la plus inquiétante de Touadéra est sans doute avec le Cameroun et Mondafrique y revient à mots couverts. Jugeant le retrait des forces américaines du pays voisin de la RCA, le Cameroun, comme étant une opportunité, Touadéra envisage un rapprochement avec Paul Biya, lui-même courtisé en ce moment par la Russie. Le mathématicien centrafricain est de loin le pire ennemi de la Françafrique. Pourquoi ? En ouvrant la porte de l’arrière-cour française aux pays non atlantistes, il commence à donner des idées à ses pairs : à Biya, mais aussi et peut être à d’autres. Cela s’appelle briser un tabou et les colonialistes n’aiment guère cela.
Chine/Occident/Afrique :
Les pays européens sont, depuis longtemps, très présents en Afrique. Mais depuis un certain temps, les États-Unis gagnent du terrain dans cette région. Plus récemment, la présence de la Chine dans pratiquement tous les pays africains a attiré une attention particulière. Mais la présence des puissances mondiales sur le continent africain est-elle dans l’intérêt du peuple africain ? Robert Bibeau, éditeur du webmagazine Les 7 du Québec, nous donne son avis à ce sujet. Écoutons-le.
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