L'agence de presse Reuters, connue pour sa ligne éditoriale pro-israélienne, s'est penchée dans un récent article sur la formation du nouveau gouvernement au Liban. Pour elle, le gouvernement Hariri signe l'acte de décès des ambitions israélo-américano-saoudiennes au Liban. Le Hezbollah et ses alliés ont obtenu la majorité des portefeuilles voire des portefeuilles régaliens au sein du nouveau gouvernement, ce qui signifie qu’à la sortie de la guerre en Syrie, le Hezbollah s'impose avec force au Liban.
« Au Liban, le nouveau gouvernement a été formé jeudi, mettant fin à neuf mois de crise. Et le Hezbollah qui dans l’ancien gouvernement, ne disposait que de deux sièges, a décroché cette fois-ci le ministère de la Santé, avec comme ministre, Jamil Jabak ; le ministère de la jeunesse et des Sports dirigé par Mohammed Fneich et enfin le ministère d’État pour les Affaires du Parlement avec Mahmoud Qomati comme ministre lui reviennent également. Le Hezbollah et les courants proches de lui décrochent au total 18 ministères et disposent d’une position solide au sein du nouveau gouvernement », souligne Reuters qui se réfère à de nombreux analystes pour affirmer que le « Courant patriotique libre » mené par le président Michel Aoun, allié du Hezbollah est de loin le vrai gagnant au sein du nouveau cabinet.
Reuters qui renie visiblement tout droit de représentativité à la Résistance bien que celle-ci ait bel et bien remporté une bonne assise au sein du Parlement s'inquiète de ce que « le renforcement du rôle du Hezbollah dans le gouvernement d’union nationale libanaise finisse par élargir sa participation à la gestion de l’État" : « C'est ce fait qui aidera à ce que le Hezbollah gagne aussi en influence militaire. Cette influence largement renforcée à l'issue de la guerre en Syrie, ira sans doute croissant maintenant que le Hezbollah jouit d'une forte présence au sein du gouvernement ». En effet, ce qui inquiète Reuters, c'est ce qui inquiète Israël : Que le Hezbollah ait son mot à dire sur la gestion des affaires courantes au Liban à titre d'une composante de la société libanaise, cela neutralisera évidement en grande partie les mesures économiques et militaires entreprises par les États-Unis contre la Résistance.
C'est sans doute dans ce même sens et en reniant la volonté des Libanais d'avoir donné de la voix au Hezbollah que Reuters renvoie la balle et comme à son habitude dans le camp de l'Iran : « Le renforcement du Hezbollah au Liban reflète ''l’influence en croissance de l’Iran'' au sein d’un axe qui s’étend de Téhéran à Bagdad en passant par Damas, un axe auquel font face l’Arabie saoudite et Israël », souligne l'agence qui passe aussitôt à un cinglant aveu : « Le Hezbollah décroche trois portefeuilles ministériels dans un gouvernement dirigé par le Premier ministre pro-occidental, Saad Hariri. C’est la première fois que le Hezbollah contrôle autant de sièges et c'est la première fois qu'un premier ministre pro-occidental tolère cette large présence ».
Pour Reuters, un autre signe de la défaite du camp atlantiste la présence d'un médecin pro-Hezbollah à la tête du ministère de la Santé : « Le portefeuille ministériel le plus important est évidemment celui de la Santé. C'est la première fois que le Hezbollah contrôle un ministère doté d'un gros budget, bien que le médecin chiite choisi pour ce travail ne soit pas membre du parti. En effet, le Hezbollah et ses alliés issus de divers groupes politiques s’attribuent plus d’un tiers des 30 portefeuilles ministériels ; ce qui reflète aussi les résultats des élections législatives de mai 2018 où ils ont remporté la victoire ».
Dans ce contexte, Salim Zahran analyste politique libanais a déclaré que « le nouveau gouvernement entre dans l’histoire du Hezbollah car il s’agit d’un grand changement et d’un premier pas franchi sur un long chemin ».
« Je crois que le Hezbollah s’engagera davantage dans l’État libanais. Ce changement est dû au fait que le Hezbollah a vaincu Daech et les terroristes en Syrie et au Liban et a su s’approprier le soutien et la confiance des Libanais. Mêmes les Sunnites et les Chrétiens font confiance au mouvement et à ses capacités politiques. Le Hezbollah n'est plus du tout une organisation militaire et c'est là extraordinaire capacité de ses dirigeants à évoluer et à s'adapter au contexte libano-libanais. Car les Libanais n'auraient jamais choisi le Hezbollah s'il avait échoué dans sa guerre contre les terroristes en Syrie et au Liban », a ajouté M. Zahran.
Nabil Bou Monsef, éditorialiste du journal libanais, An-Nahar, a écrit dans ce contexte que « l’influence du Hezbollah est certainement en croissance, chose qu’on ne peut ignorer. Les alliés de Hariri ont échoué et ont été contraints de renoncer à leurs revendications. Tout porte à croire que le Hezbollah aura plus d’influence dans le nouveau gouvernement que dans le précédent.»
Dans ce contexte, il est difficile voire impossible pour les États-Unis et partant, Israël de faire respecter ses sanctions contre le Hezbollah qu'ils accusent de terrorisme. Il est vrai que la défaite est aussi totale pour Riyad dont le fidèle allié, Hariri, vient de le désavouer, ajoutent par ailleurs Hani Radi, cité par Al-Ahed.
Cela inquiète les États-Unis qui accordent des aides militaires au Liban et soutiennent Saad Hariri en intensifiant les pressions et les sanctions contre le Hezbollah. Le département d’État américain a émis un communiqué dans lequel il s’est dit préoccupé par le contrôle de certains ministères par le Hezbollah.
« Nous appelons le nouveau gouvernement à s'assurer que les ressources et services mis à disposition de ses ministères ne soutiennent pas le Hezbollah. Nous demandons à toutes les parties impliquées dans le nouveau gouvernement de respecter la politique du Liban consistant à soutenir la neutralité dans les conflits régionaux et à respecter les traités internationaux », a déclaré le porte-parole du département d'État américain, Robert Palladino.