L’ancien diplomate américain Martin Indyk a comparé dans un article l’époque du règne de Henry Kissinger sur la diplomatie des États-Unis avec la période actuelle, où le département d’État US est dirigé par Mike Pompeo.
Martin Indyk, à l’origine de la politique américaine de « double endiguement » contre l’Irak et l’Iran dans les années 1990, est actuellement le vice-président du célèbre think tank Brookings Institution.
En novembre 1973, à la fin de la guerre de Kippour, le secrétaire d’État Henry Kissinger s’est rendu pour la première fois au Caire pour rencontrer Anwar Sadat, président de l’Égypte. L’Amérique était en train de se retirer du Vietnam et Richard Nixon était en proie à la crise du Watergate qui le chasserait bientôt de ses fonctions. Le nouveau secrétaire d’État voulait dissimuler la faiblesse apparente américaine grâce à une diplomatie efficace au Moyen-Orient. Pour établir sa crédibilité auprès de Sadat et d’un public arabe plus large, Kissinger lui a dit : « Je ne te promettrai jamais quelque chose que je ne pourrai pas offrir », a déclaré l’ancien ambassadeur américain en Israël avant de comparer la récente visite de M. Pompeo en Égypte dans le cadre de sa tournée régionale.
« Mike Pompeo aurait bien fait de suivre l’exemple de Kissinger lors de sa première visite au Caire la semaine dernière en tant que secrétaire d’État. Mais, dans un discours devant un public arabe, il leur a promis la lune — et en offrira sûrement beaucoup moins », a-t-il déclaré.
Comme à l’époque de Kissinger, les États-Unis retirent des troupes — cette fois du Moyen-Orient — et l’autorité du président Trump est fragile dans son pays, où la menace de mise en accusation est à nouveau présente. À l’instar de Kissinger, Pompeo souhaite utiliser sa diplomatie pour montrer que l’Amérique peut encore être « une force pour le bien » dans cette région troublée. Mais il a également promis que les États-Unis œuvreraient pour « expulser jusqu’à la dernière botte iranienne de Syrie ».
Le problème, c’est que la diplomatie a besoin de levier de pression, ce que le président Trump a dilapidé en décidant de mettre un terme à la présence des troupes américaines en Syrie. L’Amérique bénéficie actuellement d’une faible marge de manœuvre pour influencer la tendance politique de ce pays après la guerre, en particulier en ce qui concerne le rôle de l’Iran dans ce pays, a indiqué l’ancien diplomate américain.
La veille du discours de Pompeo, le conseiller à la sécurité nationale de Trump, John Bolton, avait tenté de nier cette réalité en conditionnant le retrait des troupes américaines à l’engagement du président turc Erdogan à ne pas nuire aux alliés kurdes syriens de Washington. Erdogan a répondu en snobant Bolton et en le dénonçant devant le Parlement turc. Si les États-Unis ne peuvent pas convaincre la Turquie, alliée de l’OTAN, de faire ce qu’elle veut en Syrie, comment Pompeo va-t-il expulser tous les conseillers militaires iraniens ?
Selon Martin Indyk, cela ne veut pas dire que les États-Unis sont maintenant totalement impuissants ; Pompeo peut opérer des changements s’il choisit les bonnes batailles et consacre personnellement du temps, de l’énergie et une pointe de ruse au défi.
« Kissinger a compris que la position de l’Amérique dans la région, du moins à cette époque de réduction des effectifs, dépendait du fait de convaincre Israël de se retirer du canal de Suez dans la péninsule du Sinaï. Il a fallu à Kissinger des jours de négociations difficiles et crispées avec la Première ministre israélienne, Golda Meir, pour la convaincre que cela servirait les intérêts d’Israël », a-t-il précisé.
Pompeo fait face à un test similaire avec le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane. La campagne de bombardement saoudienne au Yémen, appuyée par les États-Unis, a contribué à une crise humanitaire qui menace maintenant 14 millions de Yéménites. La guerre de Riyad contre le Yémen et le ternissement de l’image de l’Arabie saoudite et de ses dirigeants ont été selon l’ancien diplomate américain une aubaine pour l’Iran.
Est-ce que Pompeo travaillera avec MBS comme Kissinger a travaillé avec Golda Meir ? Cela semble hautement improbable. Si Pompeo était Kissinger, il aurait profité de la situation de MBS après le meurtre de Jamal Khashoggi pour persuader le prince de changer de cap au Yémen. Au lieu de cela, Pompeo a serré la main de MBS à Riyad, et a confié le plus difficile du travail à Martin Griffiths, envoyé spécial de l’ONU.
L’ancien diplomate américain conclut en disant que l’actuel secrétaire d’État US, Mike Pompeo, par rapport à Henry Kissinger, manque de compétences dans tous les domaines et dans tous les dossiers, du processus de paix au Moyen-Orient aux manières dont il doit traiter avec le monde arabe.