Selon l’analyste de la chaîne BBC, si Washington a choisi Varsovie pour y organiser une conférence anti-iranienne, c’est en raison de l’angoisse anti-russe de la Pologne, qui la rapproche des États-Unis.
La BBC souligne que la Pologne compte parmi les alliés les plus loyaux des États-Unis dans le centre et l’est de l’Europe. « Il est vrai que la Pologne a toujours défendu la position de l’Union européenne concernant l’accord des grandes puissances sur le nucléaire iranien, mais Varsovie affirme toutefois qu’elle comprend les préoccupations américaines vis-à-vis de l’Iran ».
D’ailleurs, en raison des relations très amicales entre Varsovie et Washington, la Pologne a proposé de nombreuses fois de jouer un rôle de médiateur entre les États-Unis et l’Union européenne au sujet de leur désaccord sur l’accord nucléaire avec l’Iran.
La BBC évoque les raisons de si proches relations entre les États-Unis et la Pologne depuis la fin de la Guerre froide et surtout depuis que Trump est arrivé au pouvoir.
Une base militaire US :
Historiquement, la vie politique polonaise s’articule autour d’une absence de confiance, voire d’une angoisse, envers la Russie. Cette inquiétude est devenue plus grande en 2014 quand la Russie a soutenu les séparatistes pro-russes de l’Est ukrainien et a rattaché la Crimée à son territoire.
Le 18 septembre 2018, le président polonais, Andrzej Duda, a annoncé qu’il était prêt à débourser une somme substantielle de deux milliards de dollars pour implanter une base militaire américaine permanente sur le sol polonais. Lors d’une conférence de presse commune à la Maison-Blanche, le président polonais a déclaré : « J’espère que vous prendrez la décision de déployer plus d’unités et d’équipements militaires en Pologne. J’aimerais voir une base américaine permanente en Pologne. » Il a suggéré même que la base soit appelée « Fort Trump ».
De son côté, Donald Trump a dit qu’il étudierait l’offre de Varsovie « très sérieusement » et le Pentagone a annoncé qu’il se prononcerait en mars 2019 sur la création de cette base militaire en Pologne.
Selon la BBC, il ne faut pas s’étonner de la proposition du président polonais : deux tiers des armements et des équipements militaires de la Pologne datent de l’époque de la Guerre froide. Varsovie estime que pour moderniser ses forces armées, il aura absolument besoin du soutien des États-Unis.
Au printemps 2018, la Pologne a signé le plus grand contrat d’armements de son histoire avec le géant américain Raytheon pour une valeur de 4,7 milliards de dollars. Dans le cadre de ce contrat, la Pologne se dotera du système antimissile Patriot, qui sera installé en Pologne, donc à la frontière avec la Russie, à partir de 2022.
L’analyste de la BBC rappelle que Trump avait constamment adressé des reproches aux membres européens de l’OTAN, notamment à l’Allemagne, en exigeant que chacun d’entre eux consacre au moins 2 % de leur PIB à la défense. On peut donc imaginer à quel point la Pologne a fait plaisir à Trump en consacrant cet argent à l’achat d’armements américains.
L’énergie :
L’une des priorités du parti « Droit et justice », d’idéologie nationale-conservatrice, au pouvoir depuis 2015, est de réduire la dépendance vis-à-vis de Moscou dans tous les domaines. Dans ce droit fil, Varsovie annonce qu’il ne renouvellera pas son contrat d’achat de gaz naturel au géant russe Gazprom après 2022. En effet, la Pologne a décidé de remplacer le gaz naturel russe par le gaz naturel liquéfié (GNL) qu’elle achètera essentiellement aux États-Unis.
Il y a trois mois, la société publique PGNiG a annoncé qu’elle a signé un contrat de 20 ans avec une entreprise américaine pour importer du GNL. C’est la première fois qu’un pays d’Europe de l’Est ou d’Europe centrale signe un tel contrat d’énergie. Un mois plus tôt, dans son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU à New York, le président des États-Unis, Donald Trump, avait critiqué Berlin et demandé aux Allemands de prendre la Pologne pour modèle afin d’assurer leur indépendance en matière d’énergie.
Encore une fois, la Pologne fait plaisir à Donald Trump alors que les États-Unis entrent en concurrence avec la Russie sur le marché énergétique du Vieux Continent. Comme les États-Unis, la Pologne s’oppose au projet Nord Stream 2, gazoduc qui devrait relier la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique. Les États-Unis ont menacé d’imposer leurs sanctions à toute société européenne qui coopérerait avec le projet Nord Stream 2. Ce projet est une autre raison de la tension dans les relations entre Varsovie et Berlin. La BBC souligne encore qu’aux yeux de Donald Trump, la Pologne est encore une fois tout ce que l’Allemagne n’est pas.
Relations avec l’Union européenne :
Les relations politiques de Varsovie sont très tendues non seulement avec la Russie ou l’Allemagne, mais aussi avec l’Union européenne. Les réformes de la justice exigée par l’Union européenne, le refus de Varsovie d’accepter des migrants et les questions liées à la protection de l’environnement sont à l’origine des désaccords entre Varsovie et Bruxelles.
Le Conseil de l’Europe, qui est d’ailleurs présidé par l’ancien Premier ministre polonais Donald Tusk, adversaire politique du président Andrzej Duda, a pris des mesures coercitives contre la Pologne. Tusk est opposé à la politique européenne de Donald Trump, notamment son volet économique.
Ainsi l’opposition à l’Union européenne est une autre raison du rapprochement entre les États-Unis et la Pologne. À l’été 2018, Trump a qualifié l’Union européenne d’« ennemi ».
Contact téléphonique :
Ces derniers jours, Patrick Shanahan, nouveau secrétaire américain à la Défense par intérim, s’est entretenu avec son homologue polonais Mariusz Blaszczak. Lors de cette conversation téléphonique, Shanahan a rassuré son interlocuteur en disant que le « Fort Trump » serait une priorité pour Washington. La BBC estime que cette conversation entre les deux ministres de la Défense n’était pas sans rapport avec l’annonce de la tenue de la conférence anti-iranienne de Trump en Pologne.