Au sixième samedi de mobilisation des Gilets jaunes, Emmanuel Macron aura réussi son pari : diviser. Non pas les rangs du front de la Résistance française au néolibéralisme, à l’atlantisme et au maximalisme de l’empire des finances — lequel front a rassemblé des milliers de gens à Paris et en province ce 18 décembre malgré le froid, la censure médiatique et la répression policière —, mais les rangs de la France d’en bas d’une part et les institutions censées la représenter, la protéger et lui offrir une tribune pour s’exprimer.
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Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes le 17 novembre, la Macronie a en effet tout fait pour dresser la police et les médias contre les Français : accorder des primes aux policiers pour mieux réprimer les manifestants, pousser les médias à confondre casse et contestation, militariser le climat social, voilà quelques-unes des méthodes chères au président et à son équipe qui ont l’extraordinaire capacité de se poser en donneurs de leçon pour le reste du monde. Cette politique de schisme a même touché le Parlement quand, dans un « ultime geste de division » juste quelques heures avant la manif, le Sénat a définitivement adopté les mesures dites « Gilets jaunes », sortes de « miettes pour les gueux » pour ainsi pervertir la mission originelle du mouvement et couper court à l’exigence parfaitement légitime des quelque 70 pour cent de Français qui soutiennent le mouvement de protestation depuis le début et qui demandent désormais une vraie démocratie participative où le Parlement agisse non par ordonnance présidentielle mais sur fond d’un véritable débat d’idée.
Le samedi 22 décembre, le président Macron ne se trouvait même pas en France au moment où les « quelque 30 000 manifestants », selon le ministère de l’Intérieur, battaient le pavé de la capitale et d’autres villes du pays jusqu’aux frontières allemandes, espagnoles et belges en quête de la justice sociale. Depuis le Tchad où il est allé fêter le réveillon avec les soldats de Barkhane, le président Macron a toutefois daigné lancer un avertissement à ces têtes dures qui ne semblent pas vouloir entendre raison : il est temps que le calme revienne en France. Et pourquoi Sire ? Sans doute parce que la France atlantiste a mieux à faire que de s’occuper des doléances de ses sujets. Tandis que les Français s’écroulent sous le poids de la dette et de taxes à n’en pas finir, cette France atlantiste fait tout pour ajuster ses dépenses militaires à l’exigence américaine de 2 pour cent du PIB, se résignant docilement à appliquer les sanctions extraterritoriales US et renonçant à des pans entiers de ses intérêts nationaux.
C’est cette même France des institutions financières qui choisit paradoxalement de rester militairement engagée en Syrie quand le maître chanteur US s’apprête à s’en retirer. Or depuis le 17 novembre, cette France néolibérale doute de ses droits et chancelle sur son piédestal. Et rien ne dit que les stratagèmes qu’invoquent à tort et à travers ceux qui la gouvernent puissent réussir à la sauver des eaux.