La coordination faite, à la réunion semestrielle de l’OPEP pour baisser le plafond de la production de pétrole en dépit de la demande des États-Unis serait-elle une action préventive de la part de Moscou et de Riyad pour exercer des pressions sur le président Donald Trump ?
L’éditorialiste de Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, a posé cette question ce dimanche en évoquant que l’OPEP et les producteurs en dehors du cartel se sont mis d’accord vendredi dernier sur la baisse de la production du pétrole de près de 1.2 millions de barils par jour pour empêcher la chute des cours.
D’après Atwan, la coordination entre la Russie et l’Arabie saoudite dans ce sens a eu une importance politique car les deux pays semblent s’accorder afin de défier Donald Trump qui avait demandé la veille aux pays exportateurs de pétrole de ne pas faire grimper les prix.
Abdel Bari Atwan a écrit : « C’est une nouvelle gifle pour Trump, après les attaques des congressistes qui l’accusent de complaisance envers le prince héritier saoudien dans l’affaire de l’assassinat du journaliste Khashoggi et après aussi la gifle qui lui a été donnée par l’AG de l’ONU qui n’a pas voté le projet de résolution condamnant la Résistance palestinienne. »
En effet, l’OPEP et ses alliés menés par la Russie vont abaisser leur production de 1,2 million de barils par jour pour les six prochains mois. Cet objectif a été réparti à hauteur de 800.000 barils par jour pour les pays membres de l’OPEP et de 400.000 pour ses dix partenaires en dehors de l’organisation, dont la Russie. Cette réduction correspond à un peu plus de 1% de la production mondiale et elle est destinée à rééquilibrer le marché et à enrayer la chute des cours dans un contexte de surproduction chronique.
D’après l’éditorialiste de Rai al-Youm, c’était la première fois qu’un ministre saoudien de l’Énergie défiait, au moins verbalement, le président des États-Unis qui voulait dicter à l’OPEP sa conduite. Alors que l’Arabie saoudite était contrainte à un jeu délicat d’équilibriste vis-à-vis de son allié américain, le ministre saoudien de l’Énergie, Khaled al-Faleh, a déclaré : « Washington n’est pas en position de nous dire ce que nous devons faire. Je n’ai besoin de la permission de personne pour diminuer la production. »
Selon Abdel Bari Atwan, cette prise de position de la part d’un ministre saoudien de l’Énergie est inouïe, car ces dernières années les États-Unis envoyaient un représentant aux réunions semestrielles de l’OPEP dont la mission principale était de dicter sur place les demandes de Washington au ministre saoudien de l’Énergie.
D’après Atwan, cette attitude de l’Arabie saoudite révélerait plusieurs points :
- Le prince héritier saoudien est convaincu que c’est le président Trump en personne qui aurait poussé les membres influents du Congrès, comme les deux sénateurs républicains Lindsey Graham et Bob Corker, à cesser leurs soutiens et à exiger des punitions contre lui en raison de l’affaire Khashoggi.
- Mohammad ben Salmane aurait conclu un accord avec le président russe, Vladimir Poutine au terme duquel la partie russe soutiendrait le prince héritier en cas d’une disgrâce américaine.
- Après la décision du Qatar de quitter l’OPEP, l’Arabie saoudite a réalisé que si elle continuait à se soumettre aux pressions de Washington pour faire baisser les cours du pétrole, l’OPEP s’affaiblirait et risquerait même de se désintégrer. Cela pourrait entraîner la faiblesse de l’Arabie saoudite qui joue un rôle crucial au sein de cette organisation, d’où l’accélération de l’isolement de Riyad sur le plan politique. Suivant cette logique, l’Arabie saoudite aurait décidé pour le moment de donner la priorité à maintenir la cohésion au sein de l’OPEP afin d’y garder son importante place. En effet, le chaos dans le marché et la baisse des cours au-dessous de 30 dollars le baril diminueront les revenus de l’Arabie saoudite et susciteront la colère et l’instabilité à l’intérieur du royaume.
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Abdel Bari Atwan a ajouté : « Il y a des indices qui nous permettent de croire que l’Arabie saoudite a voulu entamer une action préventive contre les États-Unis en s’alliant avec Moscou. En octobre, Turki Al-Dakhil, directeur de la chaîne d’information saoudienne, Al-Arabiya, proche du prince héritier, a rédigé un article dans lequel il n’a pas exclu un rapprochement stratégique entre Riyad et Moscou, l’installation d’une base militaire russe à Tabouk (nord-ouest du royaume) ou le remplacement des achats militaires aux États-Unis par les armements et les équipements militaires de fabrication russe. ».
Pour examiner ce scénario, quoique peu probable pour le moment, Abdel Bari Atwan pose une question importante : « Même si l’Arabie saoudite et son jeune prince héritier pouvaient survivre aux conséquences d’une telle alliance stratégique avec la Russie, dans quelle mesure Moscou serait capable de jouer le rôle de substitut pour les Saoudiens ? Cela pourrait devenir un pari mortel pour Mohammad ben Salmane car il mettra définitivement fin à une alliance stratégique qui lie son pays aux États-Unis. La réalisation d’un tel scénario serait comme une déclaration de guerre. Pour l’instant, nous devons attendre le Tweet de Donald Trump à propos des résultats de la réunion semestrielle de l’OPEP et de ses alliés, dont la Russie. N’étant pas un homme patient, Trump enverra bientôt un tweet qui répondra peut-être à certaines de nos questions. »