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USA: tentatives ratées pour légaliser leur présence militaire en Syrie

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Les membres d'équipage d'un avion de combat de l'US Air Force quittent une base militaire à Doha avant de bombarder la Syrie. (Photo d'archives) ©Reuters

Le journaliste américain Samuel Oakford a fait paraître un article dans l'édition du 4 décembre du magazine en ligne The Atlantic sur les perspectives d’un conflit irano-américain qui prend forme en Syrie.  

« Le Congrès ne prendra probablement aucune mesure pour contrôler les pouvoirs militaires qu’il a conférés au président après les attaques du 11 septembre, pouvoirs que Trump utilise dans le but général de contrer l’Iran.

Cet automne, les forces de la coalition dirigée par les États-Unis ont à nouveau intensifié leurs attaques en Syrie, lançant plus de 1 000 frappes aériennes et d'artillerie, presque toutes près de la frontière irakienne, alors que Washington cherchait à anéantir la présence de Daech dans le pays avant la fin de l'année. « Ils sont ici soit pour se battre à mort, soit ils vont se faire tuer parce qu’ils n’ont nulle part où aller », a déclaré le porte-parole de la coalition, le colonel Sean J. Ryan, à propos des résidus de Daech.

Or, après la défaite territoriale de Daech - objectif qui semble désormais inévitable -, ce qui arrive aux quelque 2 000 soldats américains stationnés en Syrie reste dans un halo d’incertitude. Des responsables américains ont avancé de nouveaux arguments anti-iraniens en faveur du maintien d'une présence militaire dans ce pays, arguments qui, selon les critiques, sont dépourvus de tout fondement juridique et laissent ouverte la possibilité d'un déploiement de troupes sans fin. Et comme les Démocrates ont repris la Chambre lors des élections de mi-mandat, l’administration de Donald Trump aura du mal à justifier sa stratégie.

« Pour maintenir au moins quelques troupes américaines en Syrie, les États-Unis ont avancé un nouvel argument: aider les combattants kurdes à contrer le gouvernement Assad », a déclaré Hassan Hassan, chercheur dans le Programme sur l'extrémisme de l'Université George Washington.

Les responsables américains estiment que le déploiement de forces US en Syrie pourrait renforcer la position des États-Unis dans les pourparlers de paix en Syrie.

Mais quel que soit le poids politique offert par les forces américaines, la guerre elle-même rive déjà en faveur du gouvernement Assad.

Bien que l’administration Trump souhaite éviter la reproduction du scénario qui s'est produit en Irak, où un retrait anticipé semblait céder le pas à une insurrection extrémiste, la Maison Blanche a mis en avant un autre argument pour maintenir ses troupes sur le terrain: l’Iran.

Téhéran a largement fourni une assistance militaire aux troupes d’Assad sur les champs de bataille. Ajoutée au soutien de la Russie, elle a contribué au changement de la donne dans le conflit. La raison principale invoquée par la Maison Blanche pour rester en Syrie a été donc l'influence iranienne.

Le conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, a déclaré en septembre que les forces américaines resteraient en Syrie « tant que les troupes iraniennes resteraient à l'extérieur des frontières iraniennes, ce qui inclurait les mandataires et les milices iraniennes ».

James Jeffrey, émissaire américain en Syrie, avait déclaré que Washington « allait se concentrer sur la présence iranienne à long terme en Syrie et sur les moyens de la disséminer pendant que nous travaillons sur le problème de Daech ». Et sur le terrain, la coalition a déjà eu recours à la force face aux forces alliées de l’Iran et pro-Assad.

Ce n’est pas une question propre à la Syrie. Au sujet de la guerre au Yémen, l'administration Trump a défendu devant le Congrès son soutien à la coalition dirigée par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis en évoquant le danger que représentent les Houthis (Ansarallah), alliés de l'Iran, et les groupes terroristes Al-Qaïda et Daech.

Pourtant, toutes les tentatives de l’administration ont échoué lorsque le Sénat a voté la semaine dernière, avec 63 voix contre 37, un projet de loi mettant fin à l’appui des États-Unis à la coalition saoudo-émiratie.

Le fondement légal de tout déploiement américain prolongé, même si ce déploiement est justifié par une menace iranienne, s’annonce très faible. Lorsque le président Barack Obama a ordonné une intervention contre Daech en 2014, il a pu la justifier grâce à une loi sur l'autorisation d'utilisation de la force militaire (Authorization for Use of Military Force), adoptée en 2001, dont la partie saillante ne contient que 60 mots et qui a été signée quelques jours après les attentats du 11 septembre. Depuis, cette loi est devenue le pilier de toutes les opérations antiterroristes américaines pendant près de 17 ans.

De même, George W. Bush et Trump ont utilisé cette loi comme base pour des activités allant d'attaques au drone au Yémen et au Pakistan aux frappes aériennes en Libye et même au déploiement de forces américaines en Afrique. En Syrie, l’administration Obama a utilisé l’AUMF (Authorization for Use of Military Force) pour cibler Daech, un groupe qui n’existait pas le 9/11.

Pourtant, personne, a déclaré Steve Vladeck, professeur de droit à l’Université du Texas dont les travaux portent souvent sur l’AUMF, « ne pourrait annoncer explicitement » que l’AUMF s’applique vis-à-vis de l’Iran ou du gouvernement syrien.

Les autres membres de la coalition américaine comme le Royaume-Uni et la France ont également leurs propres raisons juridiques et politiques pour leur implication dans les combats en Syrie. Les pousser plus loin dans une posture anti-iranienne, cela peut s'avérer difficile et ces pays pourraient en vouloir à la coalition pour être instrumentalisés à cette fin.

Des responsables du Pentagone disent que la présence militaire US sur le terrain contribuerait à la répression des ambitions iraniennes et à la protection d’Israël. Le Pentagone se réserve un droit élargi à la « légitime défense » qui s'étend à des partenaires tels que les Forces démocratiques syriennes dirigées par les Kurdes. Pour le Pentagone et la Maison Blanche, les conflits qui se sont produits par le passé avec des milices pro-Assad ainsi que la destruction de drones iraniens et le meurtre d'un certain nombre de forces pro-russes, sont considérés comme des actes de « légitime défense ».

En dehors de l’administration Trump, rares sont ceux qui ont trouvé ces explications suffisantes. « L’exécutif ne parvient pas à fournir une transparence significative sur les groupes qu’il prétend combattre. C’est dans quel but, avec quels droits et quelles conséquences stratégiques pour les droits de l’homme ? », a déclaré Hina Shamsi, directrice du projet de sécurité nationale de l’ACLU. « Et le Congrès a en grande partie échoué à mener une surveillance significative qui puisse imposer des limites aux revendications toujours fallacieuses des autorités américaines sur ces conflits », a-t-elle ajouté.

Bien qu'il y ait peu de chances que l'AUMF change elle-même, la victoire des Démocrates, lors des élections de mi-mandat, pourrait au moins signifier un Congrès plus curieux.

Des dirigeants démocrates tels que le représentant Adam Smith, probablement le prochain président du Comité des services armés de la Chambre, ont déclaré que la « surveillance d'opérations militaires délicates » serait une priorité absolue. Même avant la mi-mandat, ils avaient réclamé des explications plus claires sur la stratégie militaire américaine en Syrie.

« La décision d'étendre la mission militaire américaine en Syrie au-delà de la défaite de Daech est extralégal », a déclaré le représentant démocrate de Californie Jimmy Panetta à The Atlantic, la semaine dernière. « Le Congrès n'a pas autorisé le recours à la force contre l'Iran ».

À partir du mois prochain, d’autres responsables de la Maison Blanche et du Pentagone devraient être convoqués devant le Congrès pour expliquer la politique de l’administration Trump en Syrie.

Le sénateur Jeff Merkley de l’Oregon, un démocrate très critique du statu quo en Syrie, a présenté son propre projet de loi qui limiterait la portée des futurs recours à l’AUMF. « Le Congrès n'a jamais voté pour l'envoi de troupes en Syrie et n'a certainement pas autorisé une présence indéfinie dans ce pays pour contrer l'Iran », a déclaré Merkley à The Atlantic. « Il serait inconstitutionnel que l'actuel AUMF, déjà dépassé, soit utilisé pour justifier une action militaire contre l'Iran ou pour installer une autre génération d'hommes et de femmes américains dans une zone de conflits au Moyen-Orient », a-t-il réaffirmé.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV