Le débat au Conseil de sécurité de l’ONU sur l’essai iranien de missile balistique, convoqué sous pression des États-Unis et d’Israël, n’a pas donné de résultat tangible et ses membres n’ont pas réussi à s’entendre sur le fait que l’Iran, comme le prétendent les États-Unis, était en violation de la résolution 2231. Ils se sont contentés de qualifier cet essai d’« incompatible » avec la résolution 2231 de l’ONU.
Bien que l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, ait réclamé au Conseil de sécurité une « condamnation unanime » du dernier essai de missile balistique par l’Iran, cette session s’est achevée sans qu’aucune déclaration commune soit émise. C'est déjà un premier échec retentissant pour les États-Unis et leur secrétaire d'état qui a même fait appel à l'Europe pour qu'elle sanctionne l'Iran.
Camp atlantiste divisé
Selon l’IRNA, avant la réunion à huis clos, mardi, du Conseil de sécurité sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, François Delattre, l’ambassadeur permanent de France auprès des Nations unies, dont le pays s’enfonce dans la crise interne, a refusé de répondre aux questions de la presse. Il s’est dit "préoccupé" par l’essai d’un missile balistique iranien, le 1er décembre, il l’a condamné sans confirmer ni expliquer pourquoi il était réellement en violation de la résolution du Conseil de sécurité.
Quant à l’ambassadrice britannique à l’ONU, Karen Pierce, même comportement, elle n’a montré aucun intérêt à répondre aux questions des journalistes. Elle a seulement déclaré que « ce tir de missile iranien est incompatible avec la résolution 2231 » sans apporter non plus d’explication. Elle s’est seulement contentée de dire qu’il fallait examiner les informations pour se prononcer à ce sujet. Karel Van Oosterom, ambassadeur néerlandais, a de son côté estimé que « le récent tir de missile iranien est incompatible avec le Plan global d’action conjoint (PGAC) », propos qui ne l'engagent pas dans la mesure où le Pays Bas n'est pas signataire du PGAC.
La résolution 2231 du Conseil de sécurité adoptée à l’unanimité, après la signature de l’accord nucléaire en juillet 2015 entre l’Iran et les 5+1 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine et l’Allemagne) appelle de "façon non contraignante" l’Iran à cesser ses essais de missiles balistiques, ceux des missiles susceptibles d’être armés d’ogives nucléaires. Ladite résolution ne contraint nullement l’Iran à cesser tous ses essais de missiles balistiques.
Cependant, le Royaume-Uni et la France ont demandé, hier, qu’une réunion à huis clos du Conseil de sécurité consacrée à la Syrie, se penche également sur le tir de missile iranien, par crainte d'avoir à faire face à la colère américaine.
Missile: Zarif prend les USA la main dans le sac https://t.co/ioqtFUnNyS
— Press TV Français (@PresstvFr) December 4, 2018
Réaction iranienne
En réaction aux agissements des pays occidentaux, la délégation iranienne aux Nations unies a publié mardi un communiqué dans lequel elle indique : « L’Iran n’a jamais cherché à acquérir des armes nucléaires et ne le fera jamais et les missiles iraniens sont conçus uniquement pour être équipés de charges conventionnelles. »
« Affirmer que le programme de missiles balistiques de l’Iran est non conforme avec la résolution 2231 de l’ONU, ayant entériné l’accord nucléaire de 2015, ou qu’il représente une menace régionale relève d’une politique trompeuse et hostile des États-Unis », a affirmé la mission iranienne aux Nations unies.
De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a publié, le mardi 4 décembre, un tweet pour montrer comment les Américains ont reconnu la nature légale des tests balistiques en Iran.
« Se moquer du Conseil de sécurité des Nations unies, ne dissimulera pas le manquement à leurs obligations et n’empêchera pas de tenir les États-Unis pour responsables du manquement à leurs engagements. Notamment, lorsque les États-Unis admettent que la résolution 2231 n’interdit pas les capacités de dissuasion de l’Iran. Plutôt que de saper la résolution 2231, il vaut mieux l’honorer », écrit Mohammad Javad Zarif.
Mohammad Javad Zarif a annexé à son tweet la déclaration de Brian Hook, représentant spécial américain pour l’Iran, dans laquelle il a reconnu que la résolution 2231 du Conseil de sécurité n’imposait aucune restriction aux tests de missiles en Iran.
Dans une déclaration, publiée le 20 septembre, Brian Hook a écrit :
« La résolution 2231 du Conseil de sécurité, qui confirme officiellement l’accord nucléaire signé avec l’Iran et qui a annulé la résolution 1929, contient des propos empreints de crédulité et elle est porteuse d’une bonne nouvelle pour les Iraniens qui ont exercé un intense lobbying pour y parvenir. »
Brian Hook continue : « Comme le stipule cette résolution, l’Iran est uniquement tenu de ne mener aucune activité liée aux missiles balistiques ayant la capacité de porter des ogives nucléaires. »
Les USA se moquent de la sécurité européenne
Le coup anti-iranien des États-Unis vient donc d'échouer et à raison : alors que le traité du FNI est largement malmené par les Américains au risque d'exposer la sécurité de l'Europe à la riposte russe, ces derniers n'avaient pas une grande chance pour s'imposer au Conseil de sécurité contre l'Iran, d'autant plus que Washington s'est retiré il y a huit mois de la résolution à laquelle il se réfère.
L'Europe se trouve dans une situation particulièrement délicate pour cause de bellicisme à consonance nucléaire de Washington : à partir de mars 2020 les États-Unis commenceront à déployer en Italie, Allemagne, Belgique, Pays-Bas (où sont déjà basées les bombes nucléaires B-61), et probablement dans d’autres pays européens, la première bombe nucléaire à guidage de précision de leur arsenal, la B61-12,dans une fonction principalement anti-Russie. La nouvelle bombe est dotée d’une capacité pénétrante pour exploser sous terre, afin de détruire les bunkers des centres de commandement dans une première frappe.
Un nouveau système de missiles USA a également été installé en 2016 en Roumanie, et un autre, analogue, est en cours de réalisation en Pologne. Le même système de missiles est installé sur quatre navires de guerre qui, basés par la U.S. Navy dans le port espagnol de Rota, croisent en Mer Noire et en Mer Baltique au bord du territoire russe. C'est un système qui peut être aussi armé d’une tête nucléaire. Face à une Amérique qui violente le FNI en affichant une totale indifférence face à la sécurité du vieux continent, l'Europe pourrait-elle se laisser à nouveau berner par le discours anti-iranien faussement alarmiste des États-Unis?