À en croire la presse turque, les États-Unis suivent activement leur nouveau plan visant à impliquer directement l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dans la guerre en Syrie. Est-ce le prix à payer pour que Ben Salmane se tire du pétrin "Khashoggi"? Sur fond d'informations largement diffusées ces derniers jours et qui soulignent, toutes, la volonté saoudo-émiratie de normaliser avec Damas, le journal turc Yeni Safak a fait état de l’arrivé des "forces saoudiennes et émiraties" au nord-est de la Syrie. Washington cherche-t-il à provoquer une confrontation qui opposerait directement Riyad à Ankara?
L'affaire Khashoggi s'invite-t-elle en Syrie?
À en croire le journal, Riyad et Abou Dhabi auraient envoyé, à la demande des Américains, des "forces" dans le nord-est de la Syrie, où sont positionnées les milices kurdes soutenues par les États-Unis. Dotées d’armes lourdes et légères, les troupes en question sont censées œuvrer avec les forces affiliées aux Américains pour prendre part aux opérations d’envergure US dans la région.
Citant l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Yeni Safak va plus loin encore et affirme que les renforts militaires appartenant à "un pays du golfe Persique" auraient fait ensuite marche depuis le nord est vers la zone de conflit qui implique à la fois Daech, les milices kurdes affiliées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou encore les Unités de protection du peuple (YPG) et qui se situe dans la province syrienne de Deir ez-Zor.
La nouvelle intervient alors qu'une source syrienne à Raqqa avait fait état du déploiement de plusieurs centaines de militaires américains durant les derniers jours, dans les régions du nord-est de la Syrie, à la frontière avec l’Irak et la Turquie, en coordination avec le PKK.
La coïncidence de cet envoi de renforts avec les préparatifs d’une opération d’envergure menée par les forces de l’armée syrienne libres (ASL) soutenues par Ankara contre les milices de PKK soulève des inquiétudes sur le déclenchement d’une première confrontation Riyad/Ankara sur le sol syrien.
Le coup pro-kurde de Washington sous le nez d'Ankara
Parallèlement à leurs agissements contre les forces syriennes et leurs alliés russes et de la Résistance, les États-Unis ne perdent pas de vue la Turquie, bien que celle-ci se montre bien coopérative à Idlib. Les bases militaires américaines situées dans le nord-est de la Syrie auraient abrité durant les derniers mois les rencontres entre les responsables des Forces démocratiques syriennes d'une part et du PKK de l'autre, considérés tous deux par Ankara comme des organisations terroristes.
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Le 11 novembre, les FDS annoncèrent la reprise de leurs opérations soi-disant anti-Daech sur la rive orientale de l’Euphrate, laquelle avait été suspendue en raison "d’une éventuelle offensive turque dans le nord de la Syrie". La décision de suspendre cette opération avait en effet été prise après le bombardement de positions tenues par les YPG dans la région de Kobané par l’artillerie turque. Ankara a même menacé d'aller plus loin et intervenir militairement.
Ce vendredi 23 novembre, les agences ont fait état du déploiement des tours d'observation américaines dans plusieurs zones le long des frontières turco-syriennes, ce qui ne peut que constituer un acte hostile à l'encontre d'Ankara, même si le secrétaire à la Défense James Mattis se veut rassurant : « Nous sommes en train d’installer des tours d’observation dans plusieurs zones le long de la frontière syrienne, la frontière Nord de la Syrie », a en effet indiqué le responsable américain à des journalistes.
L’objectif, a-t-il continué, est « de s’assurer que les FDS ne se retirent pas du combat, pour que nous puissions écraser ce qui reste de Daech». Il y a là comme un semblant de mise en garde lancée à Ankara, laquelle ne devrait pas échapper à la vigilance des dirigeants turcs. James Mattis dit que ces tours d’observation sont « clairement marquées jour et nuit, pour que les Turcs sachent exactement où elles sont ». Et de préciser que la décision de les installer avait été prise « en coopération étroite avec la Turquie. » Mais personne ne pourrait garantir que ces tours ne se transforment pas un jour en une arrière-base pour des attaques contre l'armée turque.