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L'Arabie saoudite est dans l’impasse du fait du meurtre de Khashoggi

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Une caméra de surveillance de l’aéroport d’Istanbul du 2 octobre montre des suspects saoudiens dans l’enquête sur la disparition de Jamal Khashoggi. ©AFP

La Turquie détient comme preuve la vidéo montrant Jamal Khashoggi entrer au consulat saoudien tandis que ce dernier cherche à rejeter la responsabilité du meurtre du journaliste sur la Turquie, prétendant que le journaliste est porté disparu après sa sortie du consulat.

L’analyste iranien, Assadollah Zarei, écrit dans le quotidien Kayhan que l’affaire Khashoggi est devenue un sujet fascinant. Un opposant modéré au régime saoudien s’adresse pour une simple affaire administrative au consulat de son pays, mais quelques heures plus tard il est porté disparu. Le consulat saoudien tente inlassablement d’en inculper la responsabilité à la Turquie qui diffuse sans arrêt la vidéo sur l’entrée du journaliste saoudien dans l’immeuble et appelle Riyad à présenter des épreuves montrant la sortie du journaliste.

Avec le temps, le meurtre du journaliste au consulat saoudien prend des dimensions gigantesques. De sorte que Donald Trump, le président américain a confirmé jeudi dernier que Khashoggi n’était pas sorti du consulat. Pour autant, il a évité de condamner l’événement malgré l’insistance des journalistes et s'est, implicitement, dit être prêt à clore l’affaire en échange de quelques milliards de dollars.

Le journaliste disparu s’était vu obligé de quitter Riyad peu de temps après le lancement de la purge anti-corruption lancée par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, sous prétexte de réformes et qui avait conduit en fin 2017, à l’arrestation d’un grand nombre de princes saoudiens opposant au régime. Une fois à Washington, Khashoggi, nommé par Riyad « auto-exilé », s’est mis à critiquer dans les journaux Financial Times et Spiegel la guerre menée par la coalition saoudienne contre le Yémen ainsi que la politique de Riyad sur le plan intérieur et extérieur. Selon Kashoggi, Riyad risquerait ses intérêts dans le monde musulman en mettant en évidence ses relations avec Tel-Aviv. Il comptait parmi les trois personnalités saoudiennes pour qui la poursuite du règne du Roi Salmane et son fils nuirait à l’Arabie saoudite.

Étant la figure médiatique la plus emblématique d’Al-Saoud, Jamal Khashoggi était une proche du religieux Salmane Al-Ouda et d’après certains, l’un de ses partisans. Il entretenait des relations étroites avec le prince milliardaire saoudien al-Walid ben Talal et le prince Turki al-Fayçal, l’ancien chef du renseignement saoudien et ambassadeur à Washington et à Londres. Durant les dix années du règne du roi saoudien Abdallah, Khashoggi a été rédacteur en chef des plus grands médias saoudiens tels que les journaux Al-Arab et Al-Watan et est resté en relation avec les Al-Saoud jusqu’en 1995 un an après la mort du roi.

Al-Walid ben Talal, Salmane Al-Ouda et Jamal Khashoggi constituaient trois partis religieux et médiatiques qui ont tous été éliminés de la scène politique en Arabie saoudite. Al-Walid Ben Talal est interdit de toute activité et de circulation à l’intérieur du pays. Salmane Al-Ouda est, quant à lui, sous la torture en prison. Mais le pire sort n’est venu qu’à Jamal Khashoggi assassiné cruellement au consulat saoudien à Istanbul alors qu’il s’y était adressé pour une affaire administrative.

Ces trois ne sont pas les seuls à avoir subi des sorts déplorables de la part du régime de Riyad. Pour rappel, l’éminent religieux cheikh Nimr Baqer al-Nimr a été exécuté en 2015, uniquement, pour avoir prononcé un discours.

Ces démarches mettent non seulement en évidence la grossièreté d’Al-Saoud, mais elles témoignent aussi de profondes failles qui règnent au sein du régime saoudien. Le niveau d’impopularité, accru depuis 50 ans, des Al-Saoud atteint son apogée, or, Mohammed ben Salmane et son père semblent être loin de s’en rendre compte. Pour le régime saoudien, l’élimination de deux, trois individus qui parviennent à se faire entendre, lui permet de contrôler les circonstances. De mauvais calculateurs, les Al-Saoud ne s’attendaient pas à ce que le meurtre de Jamal Khashoggi prenne une telle ampleur, mais surtout qu’il soit suivi par une nouvelle vague de contestations qui a suscité même une prise de position de la part de la Maison-Blanche.

Après tout ce qui tape à l’œil, c’est que le meurtre de Khashoggi intervient après que ce dernier ait critiqué dans les médias le massacre des enfants au Yémen. Il est vrai que ni les propos du journaliste ni son élimination ne changent rien à la réalité de la catastrophe qui est en train de se produire sur le terrain; mais tout laisse à croire que la guerre au Yémen s’est transformée en un cauchemar pour les Al-Saoud. Tous ceux qui ont soutenu l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dans la guerre au Yémen sont convaincus que Riyad ne gagnera pas cette guerre. D’où, depuis l’échec cuisant des opérations d’envergures menées par la coalition saoudienne et les alliés occidentaux visant à occuper la ville portuaire de Hudayda, les personnalités politiques et les organisations occidentales sont de plus en plus nombreuses à finalement ouvrir la bouche et passer à l’aveu pour exprimer leur déception vis-à-vis de Riyad.

Riyad est à présent confronté à un président américain qui se permet de dire que si les États-Unis n’étaient pas là, les Al-Saoud ne tiendraient debout même pour deux semaines. À vrai dire, Donald Trump s’en veut à un Riyad qui en dépit du large soutien des États-Unis était incapable d’aboutir une opération militaire dans le pays le plus pauvre du Moyen-Orient. En effet, c’est la faiblesse des Al-Saoud que Trump utilise pour jouer au créditeur. Sinon, il leur doit largement pour des centaines milliards de dollars de rançons qu’il a reçus de leur part depuis sa prise de fonction à la Maison-Blanche.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV