Il y a à peine quatre jours, des ONG enjoignaient Paris à ne pas se ridiculiser davantage et à annuler une conférence co-organisée avec l'Arabie saoudite au sujet du Yémen où depuis 2015, le régime de Riyad et les Émirats arabes unis ont tué plus de 13.000 civils, en ont blessé 35000 autres à la faveur des armes conventionnelles et non conventionnelles offertes par les "démocraties occidentales". En réponse à cette requête, on ne peut plus humaine Paris a envoyé ses forces spéciales, "appuyer les massacreurs saoudiens et émiratis" qui peinent depuis dix jours à s'emparer du port stratégique de Hudaydah.
S'il est vrai que la ministre française des Armées, Florence Parly, nie avoir poussé l'armée française- réduite sous l'ère Macron, à une armée-mercenaire- dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient et ce, rien que pour plaire aux États-Unis, les faits prouvent tout le contraire.
Car ces unités de déminage françaises dont la présence au large de Hudaydah est confirmée par "Le Figaro" ne se trouvent pas sur la côte ouest yéménite pour passer leurs vacances : ils sont là pour forcer les barrières de mines déposées par les forces yéménites pour contrer tout débarquement ennemi. C’est donc un acte de guerre contre Ansarallah et il se sera riposté au même titre.
Mais que risque la France?
Apparemment rien : le site proche du renseignement de l'armée israélienne, Debka fait bon cœur contre la mauvaise fortune en affirmant que l'occupation de Hudaydah est l’affaire de quelques jours, Ansarallah ayant été bien affaibli, et privé qu’il est de quoi se défendre. Mais c'est peut-être aller trop vite en besogne. À l'heure qu'il est, sept pays se qualifiant de «puissances militaires» participent ensemble à l'assaut contre Hudaydah, forts d’une armée de 25.000 mercenaires.
Cette coalition à sept s’était donnée d’ailleurs jusqu’à l’Aïd al-Fitr pour avoir la peau d’Ansarallah. Peine perdue, car le jour de l’Aïd, les Houthis accomplissaient leur prière toujours à al-Hudaydad. Dimanche encore alors que les médias dominants annonçaient pour la quatrième fois consécutive la chute de l'aéroport d'al-Hudaydah, les vidéos mettaient en scène la présence des forces yéménites non seulement à l'aéroport, mais aussi dans sa banlieue lointaine.
La vérité est qu'au Yémen, la France est sur le point de commettre la même erreur de stratégie qu’en Syrie : qualifiant d'un côté la situation au Yémen de «drame humain» et signant de l'autre main des contrats d'armement juteux avec l'Arabie saoudite, la « Macronie » marche sur les pas des Américains qui eux, veulent Hudaydah, non pas tant pour y « brouiller les cartes iraniennes », que pour mener la vie dure à la Chine, principale puissance économique à avoir tiré profit du transit maritime via le détroit de Bab el-Mandeb. La France joue là encore comme en Syrie, un double jeu, au risque de s'exposer aux conséquences imprévisibles d'une guerre d’usure, une de plus que l'Amérique mène au Moyen-Orient et dont l'Europe, par l’appât de gain, fait les frais.
Il y a deux semaines, une information venue de sources concordantes évoquait l'arrestation de 70 forces françaises à Hassaké en Syrie. Un peu plus tard, certaines sources sont allées jusqu'à avancer le chiffre de 130. Ce dimanche 17 juin, Ansarallah annonce de son côté la "capture d'un bateau français" qui tentait de "s'infiltrer dans les eaux territoriales de Hudaydah", sans doute à la recherche des mines maritimes. Le bateau semble s'être gouré tout comme la France de Macron. Le commandant en chef des Armées françaises a-t-il la moindre idée de ce qu’il aurait à répondre au public français, si d'aventure les tirs de missiles yéménites visaient ses militaires ?