Le quotidien américain The New York Times a publié, le mardi 27 février dans son éditorial, un article au sujet de la Chine et son président, qui défient sérieusement les États-Unis par leur puissance qui va crescendo.
« Le président chinois Xi Jinping a joué sa carte politique la plus audacieuse dans l’objectif d’étendre infiniment son pouvoir. Cela pourrait aider le président chinois à ne pas perdre le contrôle du système complexe de son pays aussi longtemps que ce sera nécessaire pour réaliser le rêve de l’acquisition d’une superpuissance capable de garantir l’influence économique et politique de la Chine à travers le monde entier.
Après que la Chine a ouvert ses portes à l’Occident, à la fin des années 1970, les États-Unis et leurs alliés ont essayé de l’intégrer dans le système politique et économique qu’ils avaient construit après la Seconde Guerre mondiale, espérant que les progrès économiques de la Chine aboutiraient probablement à une liberté politique. Cependant, ces espoirs ont été douchés par les politiques de M. Xi, qui tracera son propre chemin en défiant le système libéral, fondé sur l’État de droit, les droits de l’homme, les débats ouverts, l’économie de marché et l’élection de dirigeants qui quittent leur poste après une période prédéterminée. L’Occident, qui reste préoccupé par les progrès réalisés par la Chine, n’a pas encore réussi à neutraliser cette menace.
Depuis l’entrée en fonction de Xi Jinping en 2013, ce dernier a non seulement pris en main les rênes du pouvoir au gouvernement, mais en plus contrôle le Parti communiste, l’armée et la presse. Il a imposé ses propres points de vue au système d’éducation et de culture, pris le contrôle total des réseaux sociaux et utilise les mécanismes légaux pour réprimer ses dissidents.
Néanmoins, Xi Jinping a réussi à persuader le Parti communiste de faire de lui dans les faits un empereur à vie, en annonçant des projets d’amendement de la Constitution permettant l’annulation des limites de mandats qui pourraient mettre fin à sa présidence en 2023.
Ces évolutions laissent prévoir que M. Xi continuera à appliquer ses programmes qui ont déjà contribué à sortir de la pauvreté des millions de personnes, à apporter des réformes au sein des entreprises publiques, à protéger l’environnement et à développer des industries stratégiques.
Au train où vont les choses, il sera encore au pouvoir lors de l’importante période où il est prévu que la Chine devancera les États-Unis en tant que première économie mondiale, d’ici deux décennies.
En s’écartant du libre-échange, M. Xi a impliqué très profondément son gouvernement dans les affaires économiques. Il a essayé de fournir aux entreprises chinoises un accès plus libre et plus facile aux marchés étrangers, tout en limitant les activités des entreprises étrangères en Chine. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’administration Trump a officiellement qualifié la Chine de “rival stratégique” et s’apprête à imposer des tarifs douaniers plus lourds aux marchandises en provenance de la Chine et à restreindre les investissements de la Chine aux États-Unis sur le plan technologique. En tout cas, les deux parties auront l’occasion de discuter de cette question lorsque le stratège économique chinois Liu He se rendra cette semaine à Washington.
Au contraire de ses prédécesseurs, M. Xi opte pour une politique étrangère plus agressive qui se focalise sur l’implantation de bases militaires dans le Pacifique ouest et en Afrique, la modernisation de l’armée et le lancement d’un programme d’un trillion de dollars prévoyant le développement des routes, des ponts et des réseaux électriques en Asie, en Europe et en Afrique. Il a fait beaucoup d’efforts pour assouplir les normes internationales des droits de l’homme et s’est ingéré d’une manière alarmante dans la vie politique et économique de l’Australie.
M. Xi a également présenté la Chine comme un modèle alternatif aux démocraties d’opinion, comme ce qui existe aux États-Unis, et de telles idées, alimentées par la diplomatie de Pékin, ont trouvé un bon écho dans des pays comme le Rwanda, le Cambodge et la Thaïlande.
Mais insister sur le modèle de “l’homme fort” est risqué. En se rapprochant d’un régime centré autour d’une seule personne, Xi a bouleversé les normes politiques qui avaient été mises en place pour effacer le culte de la personnalité de Mao et rendu la transition politique plus prévisible que jamais.
Le système mis en place par M. Xi réduit également les chances qu’il reçoive des conseils quelconques concernant ses politiques et que ses décisions soient remises en cause de manière à prévenir des erreurs.
Cela s’explique par le fait qu’il a consolidé sa puissance au cours de son premier mandat en lançant une campagne contre la corruption et la dissidence, faisant ainsi taire ses principaux rivaux politiques.
Mais tout le monde n’est pas content de ce plan. Un commentateur politique renommé et une célèbre femme d’affaires ont écrit des lettres ouvertes à destination des législateurs chinois, les exhortant à rejeter le plan qui pourrait offrir un tel pouvoir à M. Xi.
Si Xi Jinping échoue, il sera le seul à blâmer. De plus, il existe de nombreux problèmes sérieux auxquels fait face la Chine, y compris le vieillissement démographique, la nécessité de maintenir le taux de croissance à un niveau élevé et le fort endettement des entreprises publiques et privées.
Que M. Xi réussisse ou échoue, le résultat ne concernera pas seulement la Chine, mais aussi le reste du monde, car il joue un rôle de plus en plus prédominant sur l’échiquier international.
Comme Donald Trump le souhaite, le contrepoids américain, pour réellement s’exercer, devra se montrer plus créatif et ne pas se limiter à lancer une simple guerre commerciale.
À ce propos, la réaction qu’a montrée la Maison-Blanche à l’extension du pouvoir de M. Xi n’était pas très encourageante. “C’est une décision qui revient à la Chine”, a déclaré la porte-parole de la Maison-Blanche Sarah Huckabee Sanders, ce lundi 26 février. »