Sur fond de boycotts, querelles de drapeaux et sifflets, le Congrès du dialogue national syrien, réunissant les représentants de la société civile et politique syrienne, a surtout exposé leurs divisions, débouchant sur des déclarations d’intention plus que des avancées concrètes.
Convoquée par la Russie, avec le soutien de Téhéran et d’Ankara, la réunion de Sotchi a débuté hier, mardi 30 janvier, avec deux heures et demie de retard, car les représentants des groupes rebelles proches de la Turquie ont protesté contre l’absence de leur version du drapeau syrien, avec trois étoiles rouges entre des bandes verte et noire, rappelle l’éditorialiste du journal panarabe Rai al-Youm. Elle a réussi à rassembler 1 600 participants autour de la même table et la société syrienne était représentée dans son ensemble, alors que les pourparlers de Genève tenus sous l’égide de l’ONU depuis sept ans restent au point mort.
Les délégués présents se sont mis d’accord sur la création d’un comité chargé « de rédiger un projet de réforme constitutionnelle », de remodeler l’armée et les services de sécurité, selon leur communiqué final. « Le peuple syrien décide seul du futur de son pays par des voies démocratiques [...] sans pression ou interférence extérieure », est-il ajouté.
« L’important est de s’en tenir scrupuleusement aux principes contenus dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU. Seuls les Syriens devront décider de l’avenir de leur pays. Notre but était de réunir les conditions nécessaires à la tenue de ce congrès. C’est un premier pas, très important, et il a été couronné de succès », a indiqué Sergueï Lavrov à la presse, ajoutant que le Congrès de Sotchi a donné « une nouvelle impulsion au processus de Genève » sur le règlement de la crise syrienne.
Le grand exploit du Congrès a été le rassemblement des délégués syriens issus aussi bien du gouvernement que de l’opposition à l’intérieur et à l’extérieur du pays, estime Rai al-Youm.
À Sotchi, la journée de débats s’est passée dans une ambiance électrique. Les États-Unis, désabusés par les succès militaires de la Russie et de ses alliés sur le terrain, ne veulent pas que la conférence de Sotchi réussisse. C’est pourquoi ils ont essayé de la neutraliser et de semer un état de confusion dans les rangs des participants et des organisateurs, et cela est apparu dans deux crises : la première était le refus de l’émissaire des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, d’assister à la conférence et de prononcer le discours final. D’autre part, elle a été boudée par les principaux groupes d’opposition en raison de l’échec du processus de Vienne, par les Kurdes furieux de l’offensive turque contre leur enclave d’Afrin, et par les Occidentaux craignant un affaiblissement du processus de Genève. L’autre grand absent était la principale organisation de l’opposition, le Haut Comité des négociations (HCN), soutenu par les Saoudiens.
Un corps plus large de Syriens de l’intérieur et de l’extérieur s’est formé. Des personnalités comme Haytham Manna, Qadri Jamil, Ahmad Jarba, Mays al-Kridi et Randa Kassis ont été remarqués au premier rang lors de la séance d’ouverture du Congrès, ce qui suggère que ce nouveau groupe de représentants devrait négocier avec le gouvernement de Damas et jouir du soutien des trois pays parrains des négociations de Sotchi, à savoir l’Iran, la Turquie et la Russie.
La question qui se pose désormais concerne le devenir des négociations de Sotchi : vont-elles se transformer en un système permanent qui se tiendra périodiquement, avec un leadership et un cadre de travail, ou devenir un appui au processus des pourparlers de Genève ?
Malgré les obstacles, la Russie voudra certainement mettre sur pied des négociations à part entière et permanentes qui soient basées sur une feuille de route politique, conduisant à l’élaboration d’une nouvelle Constitution et à des élections présidentielles et parlementaires qui définiraient l’identité de la « Nouvelle Syrie ».
Les dirigeants russes sont bien conscients que les victoires militaires ne seront pas parachevées sans une solution politique dont les instigateurs viendraient de toutes les couches religieuses, raciales et institutionnelles de la Syrie.
Les États-Unis ont réussi à inciter l’opposition kurde et l’opposition arabe à boycotter la réunion de Sotchi, pour ainsi émietter, au dernier instant, les ambitions de la Russie. Mais la présence de la Turquie sous le parapluie de Sotchi et son besoin d’une alliance avec la Russie, alors que le fossé se creuse avec les Américains qui soutiennent la milice kurde dans le nord de la Syrie, pourraient inciter les groupes rebelles à participer au second tour des négociations de Sotchi.
Dès le départ, le conflit syrien a connu des hauts et des bas, des surprises et des soubresauts innombrables. Il est peu probable que les négociations de Sotchi échappent à la règle. La voie qui mènera à une solution stable et politique, à la réconciliation nationale et à la reconstruction de la Syrie est encore parsemée d’embûches.