Eurasia Review évoque dans un récent article "les erreurs" commises en 2017 par le prince héritier saoudien, Ben Salmane, erreurs qui, "si elles sont reconduites en 2018", pourraient s'avérer catastrophiques pour le Moyen-Orient.
" En 2017, Ben Salmane s'est voulu "impassible dirigeant du Moyen-Orient": à l'intérieur du pays, il a procédé à une impitoyable purge pour éliminer ses adversaires et s'emparer du trône où siège son impuissant de père. En juin, il a poussé le frère du roi, Ben Nayef, à la porte qui a perdu à la fois le puissant ministère de l'Intérieur et ses espoirs d'accéder un jour au trône. Au mois de novembre, Ben Salmane a déclaré la guerre à Metab bin Abdullah, ministre de la Garde nationale avec des dizaines d'autres princes et hommes d'affaires au nom de la lutte contre la corruption. Le coup de force lui a permis de remplir ses caisses de centaines de millions de dollars que les "prévenus" ont été obligés de verser à titre de "caution" pour obtenir leur libération. Un frondeur parmi eux, du nom de Walib Bin Talal, de loin le plus richissime des princes saoudiens, a cependant refusé de céder et il se trouve toujours en prison. Force est de constater qu'en 2017, Ben Salmane a réussi de faire le ménage chez soi. Ceci n'est toutefois pas le cas au-delà des frontières saoudiennes.
En 2018, Ben Salmane cherchera sans doute à renforcer son aura de dirigeant du monde arabe et c'est là que la bât pourrait mortellement blesser. Car au Yémen où lui et son compère émirati, Mohamad Ben Zayed, mènent une guerre féroce depuis trois ans, l'heure est à l'enlisement le plus total. Aucune perspective, aucun visionnage du bout du tunnel mais une image parfaitement écorné et un crédit perdu pour le royaume qui traîne désormais la triste réputation d'infanticide.
Sur le littoral sud du Golfe persique, Ben Salmane continue de vouer aux gémonies le Qatar qu'il accuse depuis juin 2017 "de soutien au terrorisme" et de "sympathie avec l'Iran", bien que les protecteurs occidentaux de Riyad poursuivent avec un appétit insatiable leur commerce d'armes avec Doha.
Il va sans dire que le prince héritier saoudien ne pourrait jamais prétendre à la direction du monde arabe, s'il continue à cautionner le massacre des yéménites et à haïr les Qataris. Au Yémen, il lui faut trouver un échappatoire. Il pourrait par exemple annoncer de façon unilatérale l'arrêt de la campagne de bombardement contre le Yémen ou son désir de renouer avec le Qatar. Pour être un bon dirigeant à la tête du monde arabe, Ben Salmane ne peut non plus jeter aux orties un lourd et complexe dossier comme celui de la Palestine. Il lui faut s'éloigner d'Israël et des Etats-Unis et faire en sorte que les Palestiniens gagnent la table des négociations. Après tout son amour aveugle pour l'Amérique et ses flirts de plus en plus publics avec Israël lui ont voulu une haine au sein même monde arabe et musulman.
Si d'aventure il lui venait à l'esprit de choisir la voie de la diplomatie, au lieu d'aller, sans réfléchir, d'une guerre à l'autre, Ben Salmane aurait tout à gagner, bien que le chemin à parcourir soit assez long et accidenté. On le donne pour un type intelligent. Mais son caractère impétueux et pulsionnel ont jusqu'ici éclipsé cette intelligence. Va -t-il commettre en 2018 les mêmes erreurs qu'il a commises en 2017? En politique, il suffit de quelques semaines pour dresser le bilan d'un dirigeant digne de ce nom et Ben Salmane ne fait exception à la règle".