La seule partie à défendre le « Kurdistan indépendant » est Israël. Et ce faisant, Tel-Aviv veut compenser la royale défaite qu’il a subie en Syrie.
Les stratèges israéliens font preuve d’une cécité totale : il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Réagissant au référendum au Kurdistan irakien, l’analyste iranien Mahdi Mohamadi écrit :
« Israël n’aurait jamais cru que son projet du “Califat takfiriste” finirait en queue de poisson, se retournant un jour contre lui : en 2011 quand, secondé par la CIA, l’axe frériste (Qatar-Turquie) et, plus tard, les Saoudiens, il a lancé ses mercenaires à l’assaut de l’État syrien et de son armée, Tel-Aviv ne donnait qu’à peine trois semaines à l’armée syrienne avant qu’elle ne s’effondre. Mais cette armée, aux côtés de laquelle se sont engagés le Hezbollah, l’Iran et la Russie, a tenu bon. En trois ans de combats (de 2013 à 2017), l’axe de la Résistance et la Russie ont réussi à inverser la donne et Israël se trouve désormais confronté à un défi de taille : la présence du Hezbollah à ses portes grâce à l’émergence de l’axe Iran-Syrie-Irak-Hezbollah.
Or, les analystes croyaient les dirigeants de Tel-Aviv assez sages pour mettre une camisole de force à leurs pulsions guerrières, après cette monumentale défaite stratégique dont les répercussions risquent de s’avérer irréversibles. Quelle crédulité !
Alors qu’il se démène encore pour réduire “l’impact dévastateur” de l’accord russo-américain dans le sud de la Syrie, que son ambassadeur à Washington, paranoïaque, fait état (on ne sait d’ailleurs sur la base de quelles informations) d’une multiplication du nombre “des forces iraniennes” en Syrie, Tel-Aviv vient de commettre sa deuxième erreur géostratégique de taille, cette fois au Kurdistan : en incitant Erbil, petite province irakienne de 5 millions d’habitants à faire scission et à proclamer son indépendance au mépris de la Constitution irakienne, Israël, qui convoite le pétrole de Kirkouk, s’est tiré en réalité une balle dans le pied.
Occupée depuis 2014 par les peshmergas, Kirkouk n’aurait jamais pu être reprise par les forces armées de Bagdad si ce n’était la stupide démarche de Barzani. En Syrie, Israël a aidé à l’émergence de l’axe Iran-Syrie-Irak-Hezbollah ; en Irak, il contribue, malgré lui, à placer sous la même bannière la Syrie et la Turquie. Quant à Barzani, ses rêves ne tarderont pas à faire long feu maintenant que la perspective d’un blocus aérien et terrestre se précise : après la Turquie et l’Iran, le Liban et l’Égypte viennent eux aussi d’annoncer la suspension de tout vol à destination d’Erbil. »