Ce qui se passe dans le sud de la Syrie représente une réelle crise pour Israël, une de plus que le gouvernement israélien se doit de résoudre sans trop savoir comment.
Le Centre arabe pour la recherche et l’étude politique publie une analyse consacrée à la réaction israélienne à l’impasse dans laquelle se trouve Israël dans le sud de la Syrie. « Israël suit avec minutie le cours des conflits qui frappent les pays arabes. Ce sont des conflits qui, au bout du compte, profitent largement à Israël. L’essentiel pour Tel-Aviv, c’est de savoir comment pêcher en eaux troubles et générer les bénéfices à tirer de l’ensemble de ces tensions. En Irak, en Syrie ou encore en Libye, il est question pour les Israéliens de voir où vont les crises. Idem pour le dernier conflit en date, celui qui oppose le Qatar au reste du monde arabe. Même les dissensions les plus éloignées, comme celles qui opposent l’Égypte à l’Éthiopie ne leur échappent pas. Les Israéliens font feu de tout bois pour contrer le moindre “incident de parcours” qui puisse dévier ces “crises” de la direction que veulent leur donner les Israéliens, c’est-à-dire dans le sens de leurs intérêts. »
Syrie : panique israélienne
Mais dans ce « tableau » des crises sévissant au sein du monde arabe, il y a une zone d’ombre : le sud de la Syrie. Les milieux politiques et militaires en Israël sont presque obsédés par tout ce qui se passe à Deraa, à Quneitra ou dans d’autres localités de cette région. Depuis le début de la guerre en 2011, Israël a constamment cherché à atteindre un double objectif dans le Sud syrien : d’abord, une reconnaissance internationale de « sa souveraineté » sur le Golan syrien qu’il occupe depuis plus de 40 ans et l’annexion à terme de cette région à la Palestine occupée ; ensuite, l’endiguement de l’axe de la Résistance de façon à empêcher le Hezbollah de pouvoir ouvrir un nouveau front sur les frontières nord d’Israël et contrer les objectifs expansionnistes de Tel-Aviv dans les pays voisins.
Israël a fait appel à Moscou, mais n’a pas eu gain de cause
Israël sait pertinemment qu’il est incapable d’atteindre ce double objectif sans se faire aider par les Russes, qui sont en l’occurrence les alliés de Téhéran et qui pèsent de tout leur poids sur la scène syrienne. Il va sans dire que l’appel à l’aide russe a été fait d’une manière que les Américains, protecteurs et alliés de Tel-Aviv, ne se sentent pas lésés. Cela étant, les quatre rencontres Poutine-Netanyahu ont été loin de fournir à Israël les garanties nécessaires. Le plan des zones de désescalade, conclu entre Moscou et Washington, n’a pas été, non plus, à même de satisfaire Tel-Aviv en ce qui concerne « l’expulsion de l’Iran et du Hezbollah » du Sud syrien. Tel-Aviv s’oppose désormais à ce qu’Assad se maintienne au pouvoir, car pour lui, le maintien d’Assad signifie la présence de l’Iran et du Hezbollah à ses portes.
En l’absence donc d’un appui en bonne et due forme de la part de la Russie, que peut faire Israël ?
Le centre d’étude en question affirme : « Au cours des récents pourparlers russo-américains, Israël n’a cessé de formuler et de reformuler ses doléances. À Deraa, il n’a pas eu encore gain de cause et rien ne dit qu’il l’aura. Alors que peut-il faire si l’Iran et ses alliés continuent à maintenir leur présence dans le sud de la Syrie ? Eh bien, il devra entreprendre l’une des deux démarches suivantes : Israël pourra créer une ceinture sécuritaire dans le Golan comme il l’a fait dans le sud du Liban en 1976, en formant une “Armée du Liban du Sud” (avec à sa tête deux de ses mercenaires, Saad Hadad et Antoine Lahad, NDLR). Pour ce faire, Tel-Aviv devrait compter sur les groupes terroristes qui agissent dans le nord de Deraa, près des frontières du Golan. Cela fait d’ailleurs un bon bout de temps que l’armée israélienne a commencé à alimenter ces groupes en armes et en munitions, à leur apporter l’appui logistique et médical nécessaire. Les sources israéliennes confirment d’ailleurs les accords conclus entre Israël d’une part et les terroristes de Hayat Tahrir al-Cham et Ahrar al-Cham de l’autre pour que ces derniers “empêchent l’Iran et le Hezbollah de s’approcher des frontières israéliennes”. Une seconde formule qui ne contredit en rien la première pourrait consister à empêcher par tous les moyens possibles et imaginables la présence iranienne au Golan. Au nombre de ces moyens figure une action militaire dans le sud du Liban comme celle qui a eu lieu en 2006. Ce serait une manière pour fausser les calculs irano-russes et pousser aussi bien l’Iran que la Russie à considérer Israël comme l’un des acteurs de la crise syrienne. Or, cette décision ne peut être prise sans le feu vert des Américains. Israël n’attaquera pas le Liban sans que les États-Unis lui accordent au préalable leur aval. Quant aux États-Unis, cet aval ne viendra pas sauf si la partie américaine se retrouve dans l’impasse dans ses discussions avec la partie russe.
Quels risques ?
Les deux options citées plus haut présentent des risques : la ceinture sécuritaire dans le sud de la Syrie pourrait connaître le même sort que celle que les Israéliens ont fait instaurer dans le sud du Liban. Déclencher une guerre contre le pays du Cèdre présenterait aussi des risques de taille, car rien ne dit que le Hezbollah resterait les bras croisés à subir les frappes aériennes israéliennes contre le sud du Liban, surtout qu’il est bien plus fort qu’en 2006 en termes de stratégie et de tactique de combat... Israël s’est trompé dans ses calculs en Syrie et est pris au piège de ses erreurs.