La presse israélienne multiplie ces derniers temps articles et tabloïdes au sujet de ce qu'elle qualifie de "vrai vainqueur de la guerre en Syrie", laissant éclater sa colère et sa crainte face à la tournure que prennent les évolutions syriennes. La chaîne Arutz Sheva dénonce l'Iran comme vrai gagnant de la guerre en Syrie, "une réalité à laquelle il faudrait s'habituer, qu'on le veuille ou pas", " le monde s’est accoutumé en effet ces deux dernières années à la présence militaire russe en Syrie, une présence qui s’étend le long des côtes syriennes avec en filigrane le contrôle des ports et de deux bases militaires. Le monde s’est aussi habitué à la présence du Hezbollah en Syrie et à son soutien au régime Assad".
« On apprend par ailleurs que les alliés de Téhéran, groupes soutenus par l'Iran, consolident leur présence en Irak et en Afghanistan. Ces groupes subissent de temps autre des échecs militaires en Syrie, laissant penser à une présence limitée et somme toute provisoire, mais ceci n'est que la face émergée de l'iceberg : dans les faits, cette présence est infiniment différente. Les forces que soutient Téhéran ne sont plus de simples paramilitaires. Il s’agit d'une armée dans le vrai sens du terme, avec ses unités d’infanterie, ses unités commandos, ses unités d’artillerie, son armée de l’air, son service de renseignement et ses unités logistiques. Cette armée s’est développée pendant ces 4 dernières années et de façon progressive sous les yeux des médias et elle a accompli de multiples missions. La plus grande offensive à laquelle cette armée a pris part a débouché sur la reprise d’Alep fin 2016. Tandis que la Russie bombardait les positions des « rebelles », les alliés de Téhéran au nombre desquels figure le Hezbollah engrangeaient des victoires, quitte à libérer diverses localités les unes après les autres et à les remettre à l’armée syrienne. Depuis 2017, cette armée a étendu son champ d’action au centre et au sud de la Syrie que contrôlait il y a encore quelques mois Daech. Daech se bat désormais dans trois localités pour survivre : Mossoul en Irak, Raqqa et Deir ez-Zor en Syrie. À Mossoul, Daech est sur le point d’être démantelé et rien ne dit qu’il ne connaisse pas le même sort à Raqqa et à Deir ez-Zor ».
Le journal fait ensuite écho aux inquiétudes grandissantes d’Israël de voir cette soi-disant armée « iranienne » étendre son action à ses portes : « Ces progrès inquiètent profondément Israël qui a fini en mars dernier par frapper plusieurs cibles dans la banlieue de Palmyre. L’une de ces cibles aurait été un convoi d’armes et de munitions à destination du désert de Syrie où le Hezbollah et l’armée syrienne combattent les rebelles (Daech, NDLR). Après tout, Damas n’est pas si loin d’Israël et l’armée israélienne est parfaitement à même de viser cette ville. Mais Israël est surtout inquiet puisque ces évolutions se déroulent sous les yeux de la Russie et des États-Unis qui ne pensent qu’à leurs propres intérêts. Les intérêts russes sont bien définis : Moscou veut le maintien d’Assad au pouvoir et la fin de tous les groupes takfiristes qui le combattent à la faveur de l’argent et du soutien saoudiens.
Quant aux États-Unis, ils assistent depuis quatre ans à la montée en puissance de l’Iran sans pour autant avoir la possibilité d'enrayer cette dynamique. Jusqu’en janvier 2017, l’Amérique a fermé les yeux sur l’influence grandissante de l’Iran, Obama ayant cherché à ce que l’est d’Israël soit aux mains d’Assad et ses alliés tandis que l’ouest revient à l’Arabie saoudite et consœurs. L’arrivée de Trump à la Maison-Blanche n’a pas réellement changé la donne, ce dernier souhaitant surtout combattre Daech en Syrie ».
Le journal, qui passe volontiers sous silence l’animosité américaine contre l’Iran, se livre ensuite à falsifier la réalité et prétend : « Il se pourrait même qu’il y ait une entente tacite entre Moscou et Washington pour que le centre et l’est de la Syrie tombent entre les mains des alliés iraniens et du Hezbollah de Damas puis cette région ne présentera plus aucun intérêt pour les parties ».
Or l’est et le centre de la Syrie correspondent en effet aux régions les plus riches du pays sur le plan des ressources énergétiques. « L’apathie » présumée de Washington n’est donc pas volontaire, mais bien inhérente à l’incapacité de Washington à faire face à l’axe de la Résistance. Après tout, tout le mois de mai, les Américains ont tenté de bloquer l’avancée de l’armée syrienne vers les frontières avec l’Irak et empêcher les forces nationales irakiennes d’en faire autant de l’autre côté des frontières. Mais ni leurs stratagèmes militaires ni leurs forces spéciales n’ont été même d’endiguer cette progression.
Arutz Sheva qui a du mal à reconnaître l’impuissance de Washington à s’imposer sur la scène syrienne se lance dans des spéculations irréalistes et dénuées de sens, par exemple : « les États-Unis se sont servis des erreurs commises en Afghanistan. L’effondrement des talibans en 2001 a créé un vide que personne n’a pu remplir depuis. Si Assad part, la Syrie connaîtra le même sort ». Mais tout le monde le sait, les talibans ont été ramenés au pouvoir par les Américains et en ont aussi été chassés par ces mêmes Américains. Or en Syrie, ce n’est plus Washington qui commande.
La conclusion de l’article est d’ailleurs l’aveu de cette même réalité : « Il y a deux ans quand Assad courait le risque d’être renversé, certaines autorités israéliennes ont prétendu que la situation sécuritaire allait mieux en Israël. Car, disaient-elles, la Syrie n’est plus un État qui pose problème et que le Hezbollah s’y est enlisé. Mais la donne a changé depuis. En lieu et place de la Syrie, c’est l’Iran qui se trouve désormais aux portes d’Israël, un Iran doté d’une armée qui a dressé ses tentes sur les frontières israéliennes. Pire encore, cette réalité se forme au milieu du silence total des médias israéliens qui font semblant de s’intéresser aux « groupes pro-iraniens » agissant en Syrie. Mais la réalité est infiniment plus grave : l’axe iranien (l’axe de la Résistance, NDLR) a inclus la Syrie et l’Iran est le grand vainqueur de la guerre syrienne. Plus vite Israël et le monde se conformeront à cette nouvelle réalité, plus le temps nécessaire à s’y adapter sera court».