Le célèbre éditorialiste de Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, revient sur la crise du golfe Persique et en prévoit la prolongation.
Le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, joue un double jeu : il annonce vouloir faire de certaines des conditions posées par l’Arabie saoudite, les Émirats, Bahreïn et l’Égypte, la base des négociations à venir avec le Qatar dans le sens d’un règlement de la crise. C’est là une manœuvre de diversion.
Car Trump est le vrai instigateur de la crise et le responsable de ses impacts et conséquences.
Sean Spicer a été encore plus loin : pour lui la crise saoudo-qatarie relève d’un « problème domestique » et il appartient aux « pays impliqués de faire en sorte que le conflit soit réglé ». Spicer s’est refusé d’ailleurs à tout commentaire au sujet de l’exigence saoudienne d’interrompre les émissions de la chaîne d’information qatarie Al Jazeera.
Le langage truffé d’ambiguïtés de Spicer nous renvoie en effet à la position classique qui a depuis toujours été celle des États-Unis : monter les uns contre les autres et pêcher en eaux troubles. En 1990, ce fut le feu vert US à Saddam qui l’a incité à attaquer le Koweït.
Le terme « problème domestique », qu’emploie volontiers Spicer, a un sens bien particulier : il signifie que les Américains feront tout pour attiser « ces problèmes » sans pour autant « prendre clairement parti pour les uns ou les autres », de sorte à se mettre à l’abri de tout éventuel contrecoup.
La crise du golfe Persique n’est pas une affaire de famille ou alors, si elle l’est, Washington a tout fait pour que le « divorce soit irréversible ». D’ailleurs, le vice-ministre émirati des Affaires étrangères et porte-parole de la coalition anti-qatarie a évoqué « un divorce bien consommé » avant même que « les intermédiaires fassent le moindre pas pour s’entremettre entre les époux ».
Le délai de dix jours que Riyad a fixé pour que Doha hisse le drapeau blanc touche rapidement à sa fin alors que les conditions posées par Riyad ferment la porte à tout compromis. On va droit vers les sanctions puis une solution militaire.
L’ambassadeur qatari à Moscou, Fahad ben Mohammad al-Attiya, croit d’ailleurs voir dans toute cette histoire une volonté malsaine de « renverser le régime de Doha ». En effet, dans des cas similaires (Yémen, Irak, Libye), la guerre a commencé avec son volet médiatique avant de céder la place au blocus commercial, politique et économique puis à la confrontation militaire.
Mais une chose est sûre : vu l’implication américaine dans le dossier, la crise va connaître de nouveaux rebondissements avec en toile de fond une dangereuse escalade, car à ce qu’il paraît, Doha n’est pas du genre à céder : il s’est refusé à lâcher du lest face à un adversaire qui, lui, a l’air trop pressé. Riyad donne l’impression de brûler les étapes sans trop réfléchir à ce qui pourrait en être la conséquence, bien évidemment pour le plus grand malheur des peuples du Moyen-Orient.