Lorsque les États-Unis mobilisent leurs alliés en un lieu et qu’ils y battent le tambour de la guerre, il faut croire qu'il existe de réels risques d’une prolongation des conflits. C’est précisément le cas de l'Irak et de la Syrie.
Le journal libanais el-Nashra publie une intéressante synthèse où il évoque un ensemble de faits concomitants qui se produisent et qui sont loin d’être un simple fruit du hasard. À savoir : les récentes accusations américaines contre le gouvernement Assad ( l’exécution des prisonniers politiques et l’immolation présumée de leurs corps). L’appel au meurtre d’Assad lancé par un ministre israélien. Le projet des zones de désescalade. Les frappes US contre Hassaka et Boukamal qui se sont soldées par la mort de dizaines de civils. La menace de l’opposition anti-Assad de quitter les pourparlers de Genève et de vouloir participer à l’offensive contre le Sud syrien, et ce, malgré l’accord Astana 4. Le débarquement des réservistes US au Kurdistan irakien. Les déclarations du commandant en chef des Hachd al-Chaabi ( Force de mobilisation populaire irakienne) qui n’écarte plus une présence de ses effectifs en Syrie…
Loin d’être un simple concours de circonstances, ces événements semblent être bien prémédités : les États-Unis sont autant inquiets de la fulgurante progression de l’armée syrienne depuis le désert de Syrie ( Palmyre et ses environs) vers la province de Deir ez-Zor, limitrophe de l’Irak, que de l’avancée quasi simultanée des Unités de mobilisation populaire (Hachd al-Chaabi) à Mossoul qui se rapprochent chaque jour un peu plus des points de passage frontaliers avec la Syrie que sont Boukamal, al-Qaëm, ou Rabïa. Pour l’avoir eux-mêmes créé, les Américains prévoient mieux que quiconque l’imminent effondrement de Daech. Le groupe terroriste n’est plus en état de tenir encore longtemps et de faire traîner les combats comme le souhaite Washington, car de part et d’autre des frontières, l’armée syrienne et les Hachd al-Chaabi se rapprochent l’un de l’autre.
Washington comprend bien qu’il s’agit là non pas de deux mouvements parallèles, mais d’un seul et même mouvement qui se déroule dans deux espaces séparés, mais voués à la convergence. L’Iran et la Russie appuient la Syrie dans sa guerre contre ce qui est la volonté inexorable de Washington de s’emparer totalement des frontières syro-irakiennes. L’occupant américain cherche à contrôler la porte d’entrée des Iraniens puis des Chinois dans la zone méditerranéenne tout comme il veut imposer son contrôle sur les pipelines irakiens et les gazoducs iraniens ou encore sur ce qui est à vrai dire la principale voie de communication reliant l’Iran aux forces de la « Résistance ». Cet effort de guerre américain fait suite en effet à une défaite : Washington a échoué dans les objectifs qu’il s’était fixés en Syrie. Il voulait, via l’éclatement de l’État syrien, imposer son contrôle total sur cette région ultra stratégique qui se situe entre le Tigre et l’Euphrate.
Le nouveau scénario que les USA préparent contre l’axe de la Résistance dans ses prolongations syro-irakiennes devra réussir sans quoi, les Américains n’auront d’autre choix que de renoncer à des objectifs « stratégiques » pour ne se contenter que d’une gestion « tactique » de leur guerre à savoir tenter de faire traîner les combats tant que faire se peut. Dans ce second cas de figure, les États-Unis de Trump se focaliseront sur le sud de la Syrie avec un unique objectif à réaliser, assurer ce qu’ils appellent la sécurité d’Israël dans le cadre de toute solution négociée à venir : ils penseront surtout à exiger des Russes toute sorte de garanties sécuritaires pour Tel-Aviv qui éviteraient aux Israéliens d’être pris de court par un quelconque combat face au Hezbollah ou encore consisteraient à accélérer l’aboutissement des pourparlers israélo-palestiniens dans le sens des intérêts d’Israël.
L’histoire contemporaine nous le montre bien. Quand les Américains mobilisent leurs alliés et qu’ils se mettent à durcir leurs menaces, c’est que la « guerre » n’est pas prête d'être terminée. Reste à savoir si oui ou non les États-Unis réussiront à empêcher l’armée syrienne et le Hezbollah d’une part, les Hachd al-Chaabi de l’autre à réaliser ce qui constitue une « défaite historique » pour l’ordre unipolaire, à savoir l’émergence d’une entité réunissant l’Iran, la Syrie, la Russie, l’Irak et la Chine, axe capable de contrer les velléités colonialistes des USA et de leurs complices dans un Moyen-Orient plurimillénaire qui a tout pour incarner un véritable « eldorado géopolitique ».