La rapidité avec laquelle les évolutions se produisent au Moyen-Orient empêche d’en analyser tous les ressorts. L’une des toutes récentes évolutions produites dans le dossier syrien a été le texte proposé par la Russie à titre d’avant-texte de ce qui devrait être la nouvelle Constitution syrienne.
Que pensent les députés syriens de ce texte ? Interrogé par Mashregh News, le député syrien Khaled Al Aboud a insisté sur le fait que seuls les Syriens sont à même de « rédiger le texte de leur Constitution ». Le député est revenu sur les propos du chef de la délégation syrienne Bachar al-Jafaari à Astana et les acquis de ces pourparlers pour dire : « ce qui constitue sans doute l’un des grands acquis de ces pourparlers, c’est l’aveu de la Turquie. La Turquie qui s’est présentée à Astana à titre d’un des acteurs clés a pris part au dialogue en tant que représentante des groupes terroristes. Ankara reconnaît donc qu’il pilote de nombreux groupes armés qui commettent depuis six ans les pires crimes contre le peuple et l’armée syriens. Un second acquis concerne encore la Turquie : Ankara a affirmé que les opérations militaires en Syrie devront s’arrêter. »
Et il a souligné la partie de ces opérations qui visent essentiellement l’armée syrienne. « Il y a là à mon sens une nette victoire que de voir l’un des belligérants vouloir déposer ses armes qu’il n’a cessé d’affûter depuis 2011 contre l’État syrien », a-t-il précisé.
Le député Al Aboud estime que « la Turquie a marchandé le sort des groupes terroristes » qui se sont battus pour ses intérêts et la raison en est claire : « Ankara s’enfonce dans la crise qu’il a déclenchée à Al-Bab, ville syrienne qui est depuis des mois le théâtre de l’opération Bouclier de l’Euphrate. C’est une opération stérile, une guerre d’usure qui érode la puissance de l’armée turque et qui ne mène à rien. »
Mais est-ce que la Turquie s’estime réellement liée par son engagement à arrêter les opérations armées ?
Al Aboud n’est qu’à moitié optimiste : « Je crois qu’Ankara essaiera tant bien que mal de respecter son engagement. Mais la question plus importante qui se pose est celle-ci : est-ce que la guerre qui se déroule à une échelle plus grande sur l’ensemble du territoire syrien va-t-elle prendre fin ? Je ne le crois pas. L’armée syrienne et ses alliés se dirigent vers des opérations militaires encore plus difficiles aux objectifs multiples : dans un premier temps, la Turquie a voulu s’emparer de Damas et de faire la prière dans la mosquée des Omeyyades. Après avoir échoué, elle a cherché à couper une partie du territoire syrien et à l’annexer. Maintenant, c’est le troisième temps de la valse folle des Turcs : ils se sont enlisés à Al-Bab et ils appellent ceux contre qui ils se sont battus jusqu’à présent à les tirer de ce bourbier. »
Le député voit à travers les pourparlers d’Astana « naître un concept nouveau », celui d’endiguement de la Turquie : « C’est beaucoup que de pouvoir contrer Ankara et d’empêcher son soutien aux terroristes qu’il a soutenus jusqu’à présent. Cela engloberait des dizaines de milices terroristes. Ce serait un acquis stratégique. »
Le député a ensuite évoqué le projet dit de Constitution proposé par la Russie et l’a commenté en ces termes : « Il est impossible que la Russie rédige le texte de la Constitution de la République arabe syrienne et qu’elle le présente à telle ou telle partie de l’opposition. Cela ne se fait et ne se fera pas. Tout ce que la Russie peut faire, tout ce qu’elle a fait, c’est de relever des “points de convergence” entre les différentes parties syriennes. L’Iran aussi parle de ces points de convergence, des points “inclusifs” qui chapeautent sous la même enseigne toutes les parties syriennes. Est-ce pour autant dire que les Iraniens ont rédigé la Constitution syrienne ? »
Al Aboud a rejeté l’idée d’une Constitution syrienne exogène, tout en soulignant que l’accord d’Astana ne fait qu’insister sur les points de convergence : « Seuls les Syriens décideront de leur loi fondamentale. Je suis sûr que le texte des Russes n’est qu’une base pour un accord élargi. »