Alors que le Pentagone vient d’annoncer que le missile balistique yéménite visant le destroyer saoudien non loin du détroit de Bab el-Mandeb visait en réalité un navire américain, allégation qui semble destinée à justifier d’imminentes frappes américaines contre l’armée yéménite et les forces d’Ansarallah, le célèbre analyste arabe Abdel Bari Atwan se penche sur les messages que contient l’attaque yéménite contre le destroyer saoudien.
Une chose est sûre, les États-Unis de Trump se sont engagés dans leur première intervention militaire étrangère, malgré les promesses creuses faites par le nouveau président américain à son peuple.
Atwan écrit :
« Je viens d’assister à une réunion à Londres consacrée à la passation du pouvoir à la fois aux États-Unis et en Arabie saoudite. Le discours de l’un des intervenants a particulièrement attiré mon intention. Ce dernier a fait très justement remarquer que, depuis 3 000 ans, toute force d’agression qui a agi contre le Yémen est rentrée bredouille chez elle et que l’offensive Tempête décisive de Riyad ne fait pas exception à la règle.
Ce fut par pur hasard que le jour même où se tenait cette réunion, une fulgurante évolution s’est produite au Yémen : un destroyer saoudien a été pris pour cible par les forces yéménites ; une partie du navire est partie en fumée, deux militaires ont été tués et trois autres blessés. Une première version annoncée par Riyad consistait à dire que trois vedettes rapides kamikazes auraient percuté le navire et que ce serait l’un des trois bateaux qui aurait mis le feu au destroyer.
Or, Ansarallah a annoncé avoir tiré un missile balistique en direction du destroyer depuis ses unités basées dans le port d’al-Hudaydah. Al-Masirah, chaîne de TV liée à Ansarallah, a toutefois diffusé les images de son attaque au missile pour authentifier sa version.
Mais une chose est sûre : que cette attaque ait été perpétrée à coup de bateau kamikaze ou à coup de missile téléguidé, le résultat est le même : l’ex-président Ali Abdallah Saleh et son allié Ansarallah disposent d’un arsenal bien plus sophistiqué que ce que pensaient les Saoudiens. Le missile a atteint sa cible avec une haute précision, ce qui constitue ni plus ni moins un exploit et un tournant très dangereux dans la guerre que mène sans répit la coalition saoudienne contre le Yémen. Le message est clair : ni Saleh ni Ansarallah ne permettront à Riyad et à ses alliés de s’emparer du port d’al-Hudaydah. C’est une ligne rouge à ne pas franchir et toute tentative saoudienne en ce sens serait violemment repoussée. En effet, c’est via ce port que transitent 57 % des produits de première nécessité dont a besoin la population yéménite.
Le point le plus intéressant est que l’attaque au missile contre le destroyer saoudien a eu lieu parallèlement au pilonnage par les unités d’artillerie lourde et les unités balistiques de la ville saoudienne de Zahran dans le sud de l’Arabie saoudite.
La coalition saoudienne impose un blocus total sur le ciel et les aéroports yéménites et cherche en ce moment à bloquer les ports du Yémen, surtout ceux qui donnent accès à la mer Rouge. Al-Hudaydah est le port stratégique que contrôle Ansarallah. Si al-Hudaydah tombe, cela voudrait dire que la population yéménite serait totalement soumise à un blocus qui la priverait du peu de médicaments et de vivres qui sont acheminés jusqu’à elle.
Pour Ansarallah, al-Hudaydah est plus importante que Sanaa et c’est là que se joue le sort de la guerre. Les tentatives de Riyad pour s’emparer de Bab el-Mandeb ne feront que provoquer une chose : renforcer la volonté des Yéménites, l’armée et Ansarallah en tête, à aller jusqu’au bout... Alors, la guerre que Riyad voulait gagner en trois semaines pourrait durer 1 000 ans. »