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La ligne des États-Unis en Syrie n'est pas claire

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
La ville d’Alep en Syrie, réduite en un tas de ruines. ©Reuters

Bassam Tahhan est un politologue franco-syrien, spécialiste des questions internationales, islamologue et professeur de lettres arabes. Il a accordé une interview à Russia Today.

« La ligne des États-Unis en Syrie n'est pas claire au vu des divergences internes existant au sein du commandement américain et mène à la défaite », estime le politologue et spécialiste de la Syrie, Bassam Tahhan.

La Russie et les États-Unis ont arrêté toute collaboration en Syrie. À quel point les tensions entre ces deux pays sont-elles graves ?  Peut-il y avoir un incident semblable à celui de l'avion russe abattu par la Turquie ?

Bassam Tahhan (B. T.) : Nous savons que la coopération concernant le dossier syrien pour lutter contre Daech, le Front al-Nosra et tous les autres groupes terroristes a été suspendue, mais il reste quand même des contacts au niveau du contrôle de l’espace aérien syrien pour éviter tout incident. La rupture n'est donc pas totale. Comment l’interpréter ? Les États-Unis ne veulent pas entrer en guerre contre la Russie sur le territoire syrien, tout en sachant que la Russie a déployé des S-300, des S-400 à Hmeimim et à Tartous. Donc, toute la côte syrienne est bien défendue par les Russes.

Ce qui s’est produit à Deir ez-Zor [attaque de l'aviation américaine contre l'armée syrienne] montre qu’à n’importe quel moment il peut y avoir un dérapage. Mais un dérapage camouflé. C’est-à-dire, le chef des armées américaines dans cette région peut prendre une décision et abattre un avion russe si ce commandant appartient aux « faucons », car il n’y a pas de décision centrale aux États-Unis en ce qui concerne les activités militaires.

À quel point le risque de confrontation est-il réel ?

B. T. : À mon avis, les États-Unis ne rentreront pas en guerre directe avec les Russes en Syrie. Il y a des déclarations du porte-parole du département d’État, John Kirby [qui a dit : « Les groupes terroristes continueront d'exploiter les vides en Syrie pour étendre leurs activités, ce qui pourrait inclure des attaques contre les intérêts russes, peut-être même les villes russes. La Russie continuera de renvoyer ses troupes au pays dans des sacs mortuaires et continuera de perdre des ressources, peut-être même des avions »]. Si on lit entre les lignes, les Américains vont aider ce qu’ils appellent l’opposition modérée – qui n’existe pas. Ils vont aider les quelque 100 groupes terroristes à s’attaquer aux intérêts russes en Syrie, mais pas seulement en Syrie – si l'on relit sa déclaration – ils enverront même des terroristes pour commettre des attentats dans les grandes villes russes.

À l’avenir, cette tension ne servira qu'à essayer d’épuiser la Russie en Syrie. Je ne pense pas que la Russie puisse être affaiblie par cette guerre au niveau économique. Mais Vladimir Poutine s’est engagé dans cette bataille et il ne peut pas perdre cette bataille. Et à mon avis, les États-Unis l’ont déjà perdue, mais pas entièrement. Il me semble donc que Vladimir Poutine va continuer sur cette ligne forte et le fait d’avoir à nouveau déployé des missiles montre qu’il est décidé à continuer d’une manière ferme.

Mais jusqu’où les deux parties peuvent-elles aller pour faire triompher leur point de vue dans la région ? Y a-t-il une limite ?

B. T. : Je crois que les Américains auront plus d'appréhension à intervenir avec des forces terrestres, à augmenter leur présence militaire après ce qu'il s'est passé à Deir ez-Zor [où des troupes de l'armée ont été ciblées par des frappes de l'armée américaine]. Par contre, ils vont mener une sorte de guerre par procuration. Ils vont essayer d’avoir les Turcs de leur côté, de continuer à encourager le Royaume saoudien et les pétromonarchies du golfe Persique à aider les terroristes.

Le conflit en Syrie, peut-il dégénérer en allant au-delà d’une guerre civile et d’une guerre contre le terrorisme et devenir l'objet d'une confrontation mondiale ?

B. T. : Je ne pense pas, parce que si ce grand dérapage survient personne ne sait comment les choses vont évoluer. D'autant plus que la Russie a aussi renforcé sa présence en Crimée et face à l’Ukraine et que Moscou bénéficie du soutien de pays qui ont du poids sur la scène internationale. Il s'agit de la Chine et de l’Iran, par exemple.

De plus, la position des Américains au Moyen-Orient sur plusieurs dossiers reste faible et mène à une défaite.

Les États-Unis ont des choses plus urgentes à gérer, comme ce qui se passe en mer de Chine. L’Extrême-Orient commence à inquiéter les États-Unis beaucoup plus que le Moyen-Orient. Vladimir Poutine a bien compris et évalué la situation avant de s'engager avec autant de fermeté : il savait que les Américains n’allaient pas s’engager jusqu’au bout contre lui, sinon ils seraient perdants. 

Source : RT

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV