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Le mythe sunnite de Washington

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
La ville syrienne attaquée par les terroristes takfiristes. (Photo d'illustration)

En Irak, les principaux dirigeants chiites des Forces de mobilisation populaires (F.M.P.) se sont récemment réunis.

Parmi eux, se trouvait un commandant sunnite des F.M.P. qui m’a dit que quand les hommes se sont interrompus pour la prière, un leader chiite a remarqué qu’ils n’étaient pas rejoints par leur camarade sunnite, qui était resté assis. Le chef chiite a demandé : « Pourquoi ne vous joignez-vous pas à nous ? »

Il a répondu : « Je ne prie pas. »

« Que voulez-vous dire, vous ne priez pas ? » a demandé son homologue chiite.

« Si je priais, » a répondu le dirigeant sunnite, « Je serais avec l’État islamique en train de vous combattre. »

Si vous lisez les médias occidentaux, y compris War on the Rocks, vous pensez sans doute que la plupart des problèmes du Moyen-Orient viennent du fait que les Sunnites ont été spoliés de leurs droits civiques, en particulier en Syrie et en Irak. Le débat occidental sur les guerres civiles en cours au Moyen-Orient souffre d’une mauvaise compréhension des identités religieuses. Les élites de Washington croient qu’il y a un sentiment d’identité sunnite partagé par tous les Sunnites, mais ce sentiment n’existe pas en dehors de l’Arabie Saoudite et des territoires détenus par les groupes djihadistes. Cette vision erronée a le regrettable effet d’encourager des politiques qui jettent de l’huile sur les feux qui consument la Syrie et certaines parties de l’Irak. A côté de cette narrative, il en existe une autre qui dépeint les Forces de mobilisation populaire d’Irak F.M.P.) comme des milices sectaires sanguinaires qui se livrent à des abus constants contre les Arabes sunnites d’Irak – mais cela n’est tout simplement pas le cas.

De plus, ces mêmes voix décrivent le gouvernement syrien comme un « régime alaouite » qui opprime les Sunnites. Mais, les Sunnites sont fortement représentés à tous les niveaux de direction du gouvernement d'Assad: le territoire qu’il contrôle à ce stade de la guerre, comme à tous les périodes de la guerre, est majoritairement sunnite. Et les forces armées syriennes sont encore à majorité sunnite. Les Alaouites sont peut-être surreprésentés dans les forces de sécurité, mais cela veut simplement dire qu’ils meurent plus que les autres. Si c’est un « régime alaouite, » pourquoi alors profite-t-il à tant de non-Alaouites ?

Les Sunnites ont non seulement du pouvoir politique en Syrie, mais ils ont aussi du pouvoir social, plus d’opportunités et plus de choix de vie que les Sunnites d’autres Etats de la région gouvernés par des chefs d’Etat sunnites. Au cœur de cette paresseuse erreur d’interprétation sur ce qui se passe réellement au Moyen-Orient, on trouve l’acceptation et la diffusion de la vision de l’identité sunnite propagée par les voix les plus extrêmes du monde sunnite : l’Arabie saoudite, Al-Qaïda, et l’Etat islamique en Irak et au Levant (ISIL).

Des analystes américains ont accepté les revendications stridentes de ceux qui prétendent représenter le monde arabe sunnite, comme le ministre des Affaires étrangères saoudien Adel Jubeir. Ils ont accepté la narrative de la victimisation sectaire des insurgés syriens et de leurs porte-parole – comme s’ils représentaient la majorité des Syriens ou même la majorité des Sunnites syriens. Ils ont répondu aux demandes de soutien des rejectionnistes sunnites irakiens les plus furieux, comme si le fait de les aider, les pousserait à se battre contre ISIL ou à progresser vers la réconciliation en Irak. Par réjectionnistes, j’entends les Baathistes ou les islamistes qui n’acceptent pas le nouvel ordre en Irak et cherchent à le renverser. J’ai vécu et travaillé assez d’années au Moyen-Orient, pour pouvoir affirmer que ces voix ne représentent pas ceux pour qui ils prétentent parler. Le seul intérêt que les Saoudiens représentent pour les autres Arabes est l’argent qu’ils ont à offrir. Les porte-parole des rebelles syriens ne représentent qu’une fraction des sunnites syriens. Les dirigeants sunnites irakiens autoproclamés ne contrôlent ni les hommes ni territoire. Les États-Unis écoutent les mauvais sunnites. Lorsque le président Obama ou le général David Petraeus ou d’autres, relayent le mythe de la privation des droits civils des Sunnites que ces Sunnites irakiens propagent, ils renforcent et légitiment une narrative sectaire et dangereuse qui devrait plutôt être combattue.

L’idéologie alternative à l’État islamique auto-proclamé, que ce soit au Moyen-Orient, dans les bidonvilles d’Europe, ou en ex-Union soviétique, n’est absolument pas de promouvoir une identité sunnite – ce qu’hélas l’administration Bush n’a cessé de faire avec son mantra des « alliés sunnites modérés» Au contraire, une contre-idéologie devrait promouvoir la citoyenneté, et les États laïcs. C’est le modèle que l’Occident a contribué à détruire en Egypte après la mort de Gamal Abdel Nasser et le modèle qu’elle est actuellement en train de détruire en Syrie. Dans ces deux articles, je vais expliquer pourquoi la vision occidentale du sectarisme religieux montre que les Occidentaux ne comprennent rien à cette région, et qu’ils poursuivent de ce fait des politiques qui perpétuent plutôt qu’elles ne résolvent les guerres civiles interconnectées qui dévastent le Moyen-Orient. Dans cette première partie, je me servirai des faits recueillis sur le terrain pendant mes années de travail dans la région pour expliquer pourquoi le point de vue de Washington sur la Syrie et l’Irak ne cadre pas avec ce qui se passe réellement là-bas. Dans la deuxième partie, je présenterai une vision opposée à la narrative occidentale sur le sectarisme religieux dans la région et je proposerai une refonte radicale de la manière dont l’Occident, et les États-Unis en particulier, devraient aborder le Moyen-Orient. Ce que je vais dire va sûrement engendrer de la controverse. Certains d’entre vous vont l’écarter d’emblée, d’autant plus que j’écris sous un pseudonyme. Je vous demande seulement d’aborder les faits et l’analyse ci-dessous avec un esprit ouvert et de vous demander honnêtement si l’approche dominante de la politique occidentale au Moyen-Orient sert vraiment les intérêts américains. Pour ma part, je ne le pense pas. En plus, elle a provoqué la descente aux enfers de toute la région......

 

 

CYRUS MAHBOUBIAN

http://warontherocks.com/2016/08/washingtons-sunni-myth-and-the-civil-wars-in-syria-and-iraq/

Traduction : Dominique Muselet

Lire l'intégralité de l'article sur  http://www.comite-valmy.org/spip.php?article7509


 


 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV